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Édition du 15 septembre au 1er octobre 2024
Goumier marocain.

les musulmans et la libération de la France, par Belkacem Recham

Cet article est la version développée de la communication de Belkacem Recham1 faite le 14 février 2004, à la Faculté de Droit de Toulon, dans le cadre de l'exposition de Caroline Fellowes et Grégoire Georges-Picot, Nos Libérateurs - Toulon - août 1944. Nous avons complété ce document avec un entretien paru en septembre 2006 concernant le recrutement des soldats dans les colonies, et avec le point de vue de Belkacem Recham : « la revalorisation prévue des pensions et retraites militaires reste a minima.»
[Première publication : mai 2004 ; mise à jour : 22 octobre 2006]

Assurément les soldats originaires des colonies ayant participé à la libération de la France sont doublement infortunés ; à la non récompense s’ajoute la non reconnaissance.

Après s’être battus par milliers en 1939-401 et après les affres de la captivité2, tirailleurs maghrébins et d’Afrique noire, furent de nouveau mobilisés à partir de novembre 1942 pour participer à la libération de la « Mère patrie ».

L’armée française était prisonnière dans les camps du grand Reich suite à la débâcle de mai-juin 1940, la France était occupée, il appartenait à l’Empire de fournir le plus grand effort pour reconstituer cette armée et participer au combat pour la Libération.

Engagés ou conscrits, ils représentaient plus de la moitié de l’armée régulière en 1944 estimée à 550 000 hommes et femmes.

Sur les 260 000 hommes que comptait la 1ère armée française dont les unités débarquèrent en Provence en août 1944, plus de la moitié étaient des indigènes originaires des colonies, musulmans d’Afrique du nord et d’Afrique noire. Une armée de bronzés et de noirs encadrés par des pieds-noirs, qui fut engagée dans les combats les plus meurtriers et qui libéra une bonne partie Est de la France. Des fantassins constamment sollicités et surexploités de l’aveu même de leur chef, le général de Lattre de Tassigny. Il s’en s’inquiétait auprès du commissaire à la guerre Diethelm : mes hommes ont l’impression naissante qu’ils sont abusivement exploités par la métropole, sentiment terriblement dangereux3

Constat confirmé par les rapports du 2ème bureau4 qui notaient en décembre 1944 l’extrême lassitude des cadres et de la troupe, et qui précisaient que depuis le 15 août 1944, les pertes de la 1ère armée française s’élevaient à 30% pour les goums marocains, 50% pour la 2ème D.I.M. (Division d’infanterie marocaine) et la 9ème D.I.C. (Division d’infanterie coloniale) et 109,3% pour la 3ème D.I.A. (Division d’infanterie algérienne).

Goumier marocain.
Goumier marocain.

En France et en Allemagne en 1944-45 la 1ère armée laissa sur le champ de bataille 14 000 tués et 42 000 blessés. Les évaluations des pertes de l’armée française depuis le 8 novembre 1942 varient entre 97 000 et 110 000 tués, blessés et disparus dont plus de la moitié d’indigènes d’Afrique du Nord et d’Afrique noire.

La « cristallisation » ou la genèse d’une spoliation « républicaine »

Au-delà des sacrifices et des chiffres – toujours discutables -, c’est la place qu’ils occupent dans la mémoire de la République qui importe aujourd’hui.

Car si les balles et les obus allemands ne faisaient pas de distinction entre Français et indigènes, une fois la souveraineté recouvrée la République en décide autrement.

En effet, le sort qu’elle leur réserva par la suite est indigne et odieux. Des mesures adoptées à partir de 1958-1959, puis en 1979 et 1981, « gelaient » les pensions et les retraites des anciens militaires étrangers engagés dans l’armée française et les transformaient en indemnités non « indexables » sur le coût de la vie. Une spoliation en bonne et due forme, un ultime réflexe colonialiste. Car dans la France de la décolonisation, il fallait sanctionner « la rupture des liens avec la Mère patrie ». Et cette loi, dont le caractère inique et discriminatoire n’a pas ému grand monde, faisait la distinction et par là même, établissait une discrimination entre anciens combattants étrangers et français. Comme le précise le GISTI (Groupe d’Information et de Soutien des Immigrés), quand un ancien combattant français invalide à 100 % reçoit une pension d’invalidité d’environ 690 € par mois son frère d’arme sénégalais reçoit 230 €, un camerounais 104 €, un marocain ou un tunisien 61 €. Quant à la retraite du combattant servie aux à ceux qui ont passé au moins 90 jours dans une unité combattante elle s’élève à environ 430 € pour un Français, 175 € pour un Centrafricain, 85 € pour un Malien, 57 € pour un Algérien, 16 € pour un Cambodgien.

En réalité la discrimination entre soldats indigènes et soldats européens était la règle au sein des régiments de tirailleurs depuis leur instauration.

L’avancement des premiers, par exemple, se faisait exclusivement au choix et jusqu’à la fin de la 2ème guerre mondiale leur « bâton de maréchal » s’arrêtait au grade de capitaine, promotion qui arrivait souvent à la veille de la retraite à titre de récompense exceptionnelle, à grade égal le commandement appartenait au gradé français, ils ne pouvait servir qu’à titre indigène sauf s’ils étaient naturalisés.

Les réformes promulguées au lendemain de la Grande guerre, n’apportèrent aucune modification, malgré le sacrifice des tirailleurs et leur comportement sur le champ de bataille. Seuls furent égalisées les pensions des militaires indigènes avec celles des Français. Mais une égalisation en trompe l’œil, car la retraite se calcule sur la base de la solde perçus par le soldat, or les soldes des militaires indigènes étaient loin d’égaler celles de leurs camarades français.

A titre d’exemple, dans les années 1930, lorsque un sergent-chef français, marié sans enfants ayant huit ans d’ancienneté percevait une solde de 1282 francs son camarade indigène dans la même situation n’en percevait que 668,45 francs5. Malgré l’existence au sein de l’institution militaire d’un courant dit « indigènophile » – dont l’une des grandes figures dans les années 1920, fut le Maréchal Franchet d’Esperet – favorable à la suppression de toutes les inégalités entre militaires indigènes et français la parité des soldes ne fut instaurée qu’en août 1943, soit, plus d’un siècle après la création des régiments indigènes de tirailleurs et de spahis. En pleine mobilisation en vue de la reconquête du territoire national, le C.F.L.N. (Comité français de libération nationale), qui n’ignorait rien de cette situation et sentant le vent de la révolte gronder au sein des régiments indigènes6, s’empressa d’établir la parité des soldes entre Européens et indigènes annoncée en grandes pompes dans la presse outre mer.

La « cristallisation » apparaît, donc aujourd’hui, comme un anachronisme, un relent du passé et justifie, à posteriori, l’accusation des intéressés selon laquelle la République s’est servie d’eux comme « chair à canon ».

D’autant plus qu’elle ne se conforme même pas aux décisions de ses institutions, notamment celles des sa plus haute juridiction administrative. En effet, malgré l’arrêt Diop du 30 novembre 2001 du Conseil d’État qui considère cette « cristallisation » illégale, l’injustice continue et la République n’a pas jugé nécessaire de régler ce problème et sauver son honneur ou du moins ce qui reste, pendant qu’il est encore temps. Car de même que la mesure discriminante a frappé de façon collective des milliers d’anciens combattants, celle les rétablissant dans leur droit devrait l’être également. Mais cette solution, pense nos dirigeants, coûterait trop cher à la République qui continue à faire des économies sur le dos de ceux qui ont risqué leur vie pour lui rendre son honneur et sa souveraineté, sans parler des milliers de morts, qui doivent se retourner dans leurs tombes.

Le seul moyen pour ces infortunés, estimés à quelques 80000 individus aujourd’hui, d’obtenir la revalorisation ou la « décristallisation » de leur pension est d’entamer des démarches administratives à titre individuel. Alors imaginez ces octogénaires, souvent analphabètes vivant pour la plupart dans leurs pays d’origine, introduire des requêtes du fin fond de l’Atlas ou de la Brousse.

Mais derrière ce refus certains soupçonnent un calcul machiavélique, car d’année en année le nombre des intéressés se réduit considérablement et d’ici quelques années le problème sera réglé, à moindre coût évidement.

Tirailleur et spahi sénégalais.
Tirailleur et spahi sénégalais.

Une mémoire sélective

Mais la punition de leur « infidélité » ne s’arrête pas là. La République après les avoir dévalorisé et humilié, aimerait les oublier, la pire des sanctions.

En effet, cette participation des troupes originaires des colonies à la Libération ne semble avoir laissé que peu de trace dans la mémoire de la République et de l’opinion. Un sondage datant de 1984 réalisé par le revue l’Histoire7 cherchant à connaître à quelles forces les Français se sentaient redevables de leur libération, se contentait de mentionner à côté des principales armées alliées, l’option : « Français de Londres ».

Ainsi tout se passe comme si la mémoire nationale n’a retenu de la participation française à la Libération que l’image d’une force gaulliste composée entièrement de volontaires se battant aux côtés des Résistants pour soutenir les forces alliées.

Comment s’est construit ce mythe ? Quelles sont finalement les causes de cette amnésie et de cette non reconnaissance ?

D’abord par le général De Gaulle lui-même qui a toujours privilégié le rôle de la 2ème D.B. au détriment de la 1ère D.F.L. (Division française libre) et plus encore de l’armée d’Afrique, considérée comme issue de l’armée de l’armistice.

Puis, la place accordée par les pouvoirs publics et les médias au débarquement de Provence et des unités « africaines » n’a rien de comparable avec les « commémorations-spectacles » du débarquement américain en Normandie et du rôle de la 2ème D.B. libératrice de Paris et de Strasbourg.

Les manuels scolaires couvrant cette période (3ème, 1ère et terminal), tous insistent également sur la Résistance, les FFL et la 2ème D.B. Aucun ne souffle un mot sur les contingents d’outre-mer. Le débarquement de Provence y est, certes, cité mais sans autre précision. Une seule exception, cependant et le fait est récent, Le Nathan 2003, 1ère L/ES, publie en encadré le témoignage d’un tirailleur marocain ayant participé à la libération de l’Alsace8.

Une autre explication, et non des moindres, est que cette participation représente à bien des égards un épisode à contre courant de l’évolution historique de l’Empire. Les révoltes, dont les cadres et/ou les instigateurs sont souvent ceux là même qui avaient combattu pour la libération de la métropole, remirent en cause un mythe longtemps entretenu par la République ; celui de la loyauté des colonies vis-à-vis de la « Mère patrie » célébrée en grande pompe dans l’immédiat après guerre.

Cette « union sacrée » entre le colonisateur et le colonisé contre un totalitarisme européen, pour le rétablissement de la souveraineté nationale apparaît aujourd’hui comme une parenthèse dans l’histoire de la République, une page qu’il convient de fermer.

Qui a, en effet, intérêt parmi la classe politique française à rappeler à des dizaines de milliers des jeunes de banlieues que leurs arrières grands pères n’étaient pas seulement des ouvriers des usines Renault ou des éboueurs de Paris, mais aussi des libérateurs de la France.

Déjà en 1943 un élu de l’Oranie regrettait que Nous (les Français) soyons obligés de mobiliser les musulmans pour libérer le sol de France, car nous les habituons à manger de la viande tous les jours9(sic).

Cette année la République s’apprête à célébrer le « soixantenaire » de sa libération. Encore une fois, comme pour les précédentes célébrations, les projecteurs sont déjà braqués sur le débarquement américain en Normandie et le rôle de la 2èmeD.B. Nous en avons déjà un avant goût sur certaines chaînes.

Pourtant la réhabilitation, à tout point de vue, des anciens soldats des colonies dans la mémoire nationale est une exigence de l’Histoire, un devoir de la République. Sinon comment peut-elle exiger du respect des petits enfants des ex-libérateurs si elle-même ne respecte pas la mémoire de leurs grands parents.

Ce lien entre la mémoire et la citoyenneté nous parait aujourd’hui indispensable pour plus de cohésion et de paix sociales dans ce pays.

Belkacem Recham – le 6 mai 2004

« La participation à la Libération a attisé l’aspiration à l’indépendance »

Un entretien de Belkacem Recham avec Rosa Moussaoui, publié dans l’Humanité du 27 sept. 2006

Dès 1830, la France a levé des troupes dans ses colonies. L’historien Belkacem Recham revient sur la contribution de ces hommes durant la Seconde Guerre mondiale.

• Pourquoi l’armée française recrute-t-elle, très tôt, des soldats issus des colonies ?

Belkacem Recham. Dès 1830, la France lève des troupes autochtones pour la seconder dans la conquête de territoires en Algérie. Des officiers français complètent alors les rangs de l’armée française par un recrutement local, avec des hommes bénéficiant d’une parfaite connaissance du terrain et des populations. Différents corps auxiliaires sont formés jusqu’en 1841, date à laquelle des ordonnances royales créent les régiments de tirailleurs et de spahis, dont le nombre ne cesse de croître à mesure que la conquête progresse vers l’intérieur du pays.

Ce n’est qu’à partir de 1870, puis à l’occasion des Première et Seconde Guerres mondiales, que ces contingents sont utilisés pour défendre la France métropolitaine. Compte tenu des besoins, la France est obligée, à ces occasions, de recourir au recrutement au-delà de la Méditerranée.

• Après la défaite de 1940, que deviennent ces soldats indigènes ? Certains rejoignent-ils la Résistance ?

Belkacem Recham. Avec l’aide de résistants français, certains s’évadent des camps de prisonniers qui leur sont réservés en zone occupée et entrent dans la clandestinité. Mais il est vrai que les résistants originaires des colonies sont davantage issus de l’élite intellectuelle résidant en France. Les soldats, eux, connaissent le même sort que le reste de l’armée française : ils sont tués lors des combats ou faits prisonniers.

• Lorsque cette armée est reconstituée en 1942, après le débarquement allié à Alger, quel est, en son sein, le statut des indigènes mobilisés pour libérer la France ?

Belkacem Recham. Le statut des soldats indigènes est régi par plusieurs textes, selon qu’ils viennent d’Algérie, du Maroc, de Tunisie ou d’Afrique noire. Mais ces textes ont en commun d’entériner une triple discrimination. Après plus d’un siècle d’existence des régiments de tirailleurs et de spahis, les soldes des indigènes sont restées nettement inférieures à celles des Européens. Il faut attendre le mois d’août 1943 pour que le général de Gaulle décide d’établir la parité des soldes entre Européens et indigènes. Autre discrimination : les indigènes reçoivent très peu de commandement, du fait de la méfiance de l’état-major vis-à-vis des cadres musulmans, pourtant très loyaux. Du point de vue de l’avancement, enfin, jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, les soldats indigènes ne peuvent dépasser le grade de capitaine, promotion qui n’intervient, le plus souvent, qu’à la veille de la retraite. Cet avancement est en outre très lent. Alors que deux ans suffisent aux Européens pour passer du grade de sous-lieutenant à celui de lieutenant, il en faut jusqu’à six pour un soldat indigène. Ces discriminations subsistent jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Avec la guerre d’Indochine, la France consent à promouvoir quelques rares officiers supérieurs. Mais ils se comptent sur les doigts de la main.

• Cette expérience du combat pour la libération de la France renforce-t-elle chez les indigènes l’aspiration à l’indépendance ?

Belkacem Recham. Dans le cas de l’Algérie, c’est une évidence. On peut citer des cas illustres de soldats qui ont participé à la libération de la France et sont ensuite devenus des cadres de l’Armée de libération nationale : Ben Bella, Boudiaf, Krim Belkacem et bien d’autres. En fait, la majorité des cadres de l’ALN sont issus de l’armée française. Leur participation à la libération de la France sert de déclencheur, d’accélérateur, dans la prise en charge du mouvement national algérien. Cette expérience, d’une certaine manière, leur ouvre les yeux sur la situation qui prévaut en Algérie. Une prise de conscience attisée par les événements dramatiques qui embrasent, à partir du 8 mai 1945, la région de Sétif et Guelma.

La revalorisation prévue des pensions et retraites militaires reste a minima.

par Belkacem RECHAM, Libération du 16 octobre 2006

Lorsqu’ils ont découvert les images du film Indigènes de Rachid Bouchareb, les Français ont ouvert une page de leur histoire longtemps occultée, celle de la participation des contingents originaires des colonies aux deux guerres mondiales. Qu’une partie du public ignore ce chapitre de l’histoire de France, cela n’a rien d’étonnant : les manuels scolaires sont muets sur cette question, malgré les nombreux travaux des historiens consacrés à la question.

Ce qui est choquant, en revanche, c’est l’attitude faussement émue des hommes politiques, en particulier ceux qui ont eu des fonctions dans les différents gouvernements de droite comme de gauche. On a du mal à croire qu’ils ignorent que leur République mobilisa près d’un million d’indigènes durant les deux conflits.

Ce sont les gouvernements de ces trente dernières années qui sont responsables de la situation lamentable des anciens soldats des colonies, dont les pensions ont été «cristallisées».

Aucun d’entre eux n’a eu l’audace et le courage d’aller de l’avant pour réparer une grande injustice. Les premières mesures de cristallisation remontent à 1959, soit un demi-siècle d’humiliation pour des hommes qui ont risqué leur peau pour la France.

Ces mesures prises sous le général de Gaulle sont d’autant plus incompréhensibles que lui-même, alors qu’il était président du Comité français de libération nationale établi à Alger (CFLN) décida en août 1943, en pleine mobilisation et reconstitution de l’armée française, la parité des soldes entre soldats français et indigènes, jusqu’alors deux fois inférieures.
Il a fallu la révélation de cette situation aux Français par le cinéma pour qu’enfin, après des années de mépris et d’indifférence, le gouvernement décide dare-dare de rétablir une parité des pensions entre combattants originaires des colonies et nationaux.

Selon le ministre délégué aux Anciens Combattants, Hamlaoui Mekachera, il s’agit d’assurer la parité des «pensions du sang», c’est-à-dire de la retraite du combattant et des pensions militaires d’invalidité. La mesure représente un coût de 110 millions d’euros par an. Mais, comme le soulignent le Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti) et la Ligue des droits de l’homme (LDH), la revalorisation prévue est partielle et a minima.

Sont laissées de côté toutes les autres prestations, en particulier les pensions civiles et militaires de retraite, et les pensions de réversion. Et les deux prestations revalorisées portent sur des montants dérisoires : 450 euros par an pour la retraite du combattant à taux plein, moins de 700 euros pour une pension d’invalidité à taux plein.

A la suite de l’arrêt Diop, par lequel le Conseil d’Etat avait censuré la loi de cristallisation en 2001, le gouvernement Jospin avait évalué le coût de la revalorisation totale des pensions à 1,8 milliard d’euros par an, et 10 milliards d’euros en incluant le paiement des arriérés sur les quatre dernières années. On est bien loin du compte aujourd’hui avec les 110 millions annoncés. Pas question non plus de rattrapage : la revalorisation s’appliquera seulement, pour ceux qui sont encore en vie, au 1er janvier 2007.

L’annonce en grande pompe de la revalorisation des pensions des anciens combattants originaires des colonies n’est donc que de la poudre aux yeux, jetée à quelques mois d’une échéance électorale importante.

Mais que proposent nos hommes politiques à ceux qui sont morts dans l’anonymat et le dénuement le plus complet sans avoir goûté ni à la récompense ni à la reconnaissance, emportant dans leurs tombes des décennies d’humiliation ?

  1. Quelques 340 000 soldats musulmans appartenant aux sept divisions d’infanterie nord-africaines et aux quatre divisions d’infanterie d’Afrique ainsi qu’aux trois brigades de spahis, étaient mobilisés en 1940. Sur les six divisions françaises qui tenaient entre la Dyle et la Meuse trois étaient nord-africaines : 1ère division marocaine, 2ème et 3ème division d’infanterie nord-africaines.
  2. Quelques 100 000 soldats originaires des colonies furent capturés 0suite à la débâcle de mai-juin 1940. Ils furent détenus pour la plupart dans les Frontstalags créés par les Allemands. Ils étaient situés en France, dans la partie occupée. Ils servirent, d’abord, à l’internement des prisonniers de guerre de toutes origines, puis, après la décision allemande de transférer les P.G. d’origine européenne dans les camps d’outre-Rhin, ils servirent à détenir les P.G. originaires des colonies et des territoires d’outre-mer.
  3. Voir A. Clayton, France, Soldiers an Africa, Londres, Brasseys, 1988.
  4. Belkacem Recham, Les musulmans algériens dans l’armée française 1919-1945, l’Harmattan, 1996.
  5. Rapport de l’Association des Anciens Combattants d’Algérie, adressé au ministre de la Guerre en juillet 1936, Archives du S.H.A.T., 9N122.
  6. Une mutinerie avait éclaté en janvier 1941 au sein du Régiment de Marche du Levant en formation, ayant pour origine, entre autres motifs, le mécontentement suscité par l’inégalité des soldes entre Français et indigènes, voir Alain Sainte-Marie, « La mutinerie du RML et sa signification», in les Cahiers de Tunisie n° 117-118, 1981, pp 385-401 et B. Recham , op. cit.
  7. R. Frank, H. Rousso, « Quarante après : Les Français et la Libération », L’Histoire, mai 1984, p. 60-71.
  8. Les auteurs ne précisent pas la source qui est le documentaire de Jean Marie Fawer et Pétra Rosay, C’est nous les Africains, réalisé en 1994 à l’occasion du cinquantenaire de la Libération.
  9. Cité par Mohamed Cherif Sahli, Décoloniser l’histoire, Editions Enap, Alger 1986. p 70.
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