L’intervention de Daniel Cohn-Bendit 1
Madame la Présidente,
Madame la Haute représentante,
il faut être clair aujourd’hui. Pour beaucoup de Palestiniens – et je reviens de Ramallah et des universités palestiniennes –, la solution à deux États n’est plus à l’ordre du jour. Les Israéliens n’en veulent pas. Ne nous mentons pas. Israël rend de plus en plus impossible la solution à deux États.
Nous défendons avec raison deux États. Mais il faut mesurer la frustration palestinienne. Il y a quelque chose que je ne comprends pas. Nous, nous soutenons comme les socialistes, l’initiative du Président Abbas à l’ONU. Sa phrase: « Au Moyen-Orient, il n’y a pas un État de trop mais il manque un État. » sous-entend que l’État d’Israël est légitime mais qu’il manque l’État palestinien. C’est la phrase que nous pouvons tous signer. Ce que je ne comprends pas, Madame la Haute représentante, c’est que vous arrivez ici en disant: « Nous regrettons qu’Israël ait décidé, aujourd’hui, la construction de 1 100 logements. » Au moins, condamnez-le! Et ne le regrettez pas! Dites que c’est impossible! Soyez claire!
(Applaudissements)
Ensuite, même si nous sommes pour la reconnaissance de l’État palestinien tout de suite, dites au moins aux Israéliens que, s’ils continuent les constructions, vous pousserez les États européens à accepter immédiatement la reconnaissance de l’État palestinien. Faites-leur le même chantage que celui qu’ils vous font! Parce qu’ils vous disent: « On va négocier. » et en même temps, ils continuent à occuper. Faites de la politique, Madame Ashton! La politique, ce n’est pas de la prière!
Aujourd’hui, il y a en Israël des centaines de milliers de personnes qui s’opposent à la politique de Netanyahu. Il faut que l’Union européenne, que nous, ici, nous soyons sincères. Monsieur Tannock, ne soyons pas cyniques.
L’État d’Israël a été reconnu unilatéralement par l’ONU en 1947 et c’était juste. C’était juste! Il n’y a pas eu de négociations avec les pays arabes. Et c’était juste! Monsieur Tannock, vous nous dites qu’Israël soutient les Palestiniens avec de l’eau. En fait, Israël vole l’eau des Palestiniens et la leur revend. Est-ce cela que vous appelez « soutenir ». Arrêtons un peu avec notre cynisme européen!
Si, aujourd’hui, nous ne nous levons pas tous pour dire aux Israéliens: « Votre paix, c’est la paix d’Israël, c’est Israël pouvant s’intégrer dans un espace du Moyen-Orient, et même rêver des États-unis du Moyen-Orient où tout le monde aurait sa place », Israël ne comprendra pas que c’est dans son intérêt le plus intime qu’il y ait un État palestinien. Madame Ashton, vous devez dire aux Israéliens que des représentants palestiniens comme Monsieur Abbas ou comme le Premier ministre Fayyad, ils n’en auront pas d’autres et que, aujourd’hui, si le Hamas est contre l’initiative de Monsieur Abbas, c’est parce qu’il sait que cette initiative est la seule possible pour qu’il y ait deux États au Moyen-Orient.
Je trouve que votre position est trop faible. À aucun moment, vous n’avez dit ici comment vous pouvez obliger les Israéliens à négocier. C’est un mensonge incroyable! Ils disent: « On va négocier sans condition » parce que, sur le terrain, on est en train de changer les conditions, on est en train de continuer l’occupation. Dites aux Israéliens que soit ils arrêtent tout de suite les colonies, la colonisation et la construction, soit l’Union européenne soutiendra tout de suite la reconnaissance de l’État palestinien, maintenant, lors de la 66e réunion de l’ONU.
Si vous ne le faites pas, Madame Ashton, vous verrez que, dans six mois, il n’y aura pas de négociation. Dans un an, nous en serons là où nous en sommes aujourd’hui. Vous reviendrez ici et vous direz: « Il faut que les Israéliens et les Palestiniens comprennent que ce n’est que par les négociations qu’ils arriveront à la paix. » Ils arriveront à la paix, Madame Ashton, si nous, nous disons aux Israéliens, pour défendre l’État d’Israël: « Too much is too much, enough is enough! ». Si nous leur parlons comme cela, vous verrez que les choses changeront.