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Édition du 15 novembre au 1er décembre 2024

le journaliste israélien Gideon Levy appelle au boycott d’Israël

« Sur quel ton et dans quelle langue faut-il vous le dire ? » demande Gideon Levy aux Etats-Unis et à l’Europe, dans un article publié le 31 mai dernier dans le quotidien israélien Haaretz, exigeant des sanctions contre Israël, seules à même, souligne-t-il, de parvenir à une égalité des droits entre Israéliens et Palestiniens.

« Arrêtez de vous prosterner devant Israël ! »

Les Américains et les Européens ont essayé la voix de la raison et ils ont échoué. Ils doivent désormais s’adresser à Israël dans le langage qu’il comprend le mieux (et ce n’est pas l’hébreu).

S’il y a une communauté internationale, qu’elle le fasse savoir rapidement. Car pour le moment il est clair qu’il n’y a plus aucune intervention internationale en Israël. les Américains ont plié bagages, les Européens ont renoncé, les Israéliens s’en réjouissent et les Palestiniens sont désespérés.

De temps à autre, un pape ou un ministère des affaires étrangères vient faire un petit tour (celui de la Norvège était ici la semaine dernière), prononce du bout des lèvres quelques mots, pour la paix, contre le terrorisme et les colonies, puis disparaît comme il était venu. Au bout du chemin le roi a été remplacé par un clown (référence à Shakespeare). Ils abandonnent le conflit aux soupirs des Palestiniens et l’occupation aux mains d’Israël, à qui on peut faire confiance pour la faire fructifier d’une main encore plus ferme.

Ce retrait de l’humanité est inacceptable : la communauté internationale n’a pas le droit de laisser les choses en l’état, même si c’est le souhait le plus ardent d’Israël.

La situation actuelle n’est pas acceptable au 21ème siècle. Il y a effectivement de quoi se lasser s’il s’agit de creuser le même sillon et de faire les mêmes propositions dérisoires à un sourd. L’échec américain montre qu’il est le temps d’adopter une autre méthode, jamais tentée à ce jour. Le message, tout comme les moyens de le faire entendre doivent changer. Le message doit concerner les droits civiques et l’on doit recourir aux sanctions pour le faire entendre.

Jusqu’à présent on a utilisé la flagornerie à l’égard d’Israël, lui présentant une carotte après l’autre pour tenter de lui plaire. Cela s’est avéré un échec retentissant. Cela n’a fait qu’inciter Israël à poursuivre sa politique de dépossession. Le message aussi a failli : la solution à deux Etats est devenue fantomatique. Le monde a essayé de lui redonner vie artificiellement. Les propositions se sont succédé, étrangement similaires, d’une feuille de route à l’autre, du Plan Rogers aux navettes de John Kerry, et chacune a fini en poussière dans un tiroir. Israël a toujours dit non, seuls ses prétextes et conditions présentant des changements : la fin du terrorisme ici, la reconnaissance d’un Etat juif là.

Et pendant ce temps le nombre de colonies en Cisjordanie a été multiplié par 3 ou 4, tandis que la brutalité de l’occupation augmentait, au point que des soldats se mettent à tirer sur des manifestants par pur ennui.

Le monde ne peut collaborer à ceci. Il est inacceptable, au 21ème siècle, de la part d’un Etat qui prétend faire partie du monde libre de priver une autre nation de ses droits. Il est impensable, carrément impensable que des millions de Palestiniens continuent à vivre dans ces conditions. Il est impensable qu’un Etat démocratique puisse continuer à les opprimer de la sorte. Et il est impensable que le monde regarde cela et laisse faire.

La discussion sur les deux Etats doit maintenant se transformer en une discussion sur les droits. Chers Israéliens vous avez voulu l’occupation et les colonies – eh bien restez enfermés à l’extérieur – Restez à Yitzhar, enclavez-vous dans les montagnes et construisez tout votre soul à Itamar. Mais vous avez l’obligation d’accorder tous leurs droits aux Palestiniens, exactement les mêmes droits dont vous jouissez.

Egalité des droits pour tous ; une personne, un vote – tel devrait être le message de la communauté internationale. Et que pourrait répondre à cela Israël ? Qu’il ne peut y avoir égalité des droits parce que les Juifs sont le peuple élu ? Que cela mettrait en danger la sécurité ? Les prétextes seraient vite écartés, et la vérité nue éclaterait au grand jour : sur cette terre, seuls les Juifs ont des droits. Une affirmation qu’il n’est pas question de prendre pour argent comptant.

C’est aussi toute la manière de s’adresser à Israël qui doit être changée. Tant qu’ils n’ont pas à payer le prix de l’occupation et que les citoyens ne sont pas sanctionnés, ils n’ont aucune raison d’y mettre un terme et même de s’en préoccuper. L’occupation est profondément ancrée au sein d’Israël. Personne n’en est à l’écart, et l’écrasante majorité de la population israélienne souhaite continuer à en profiter. C’est pourquoi, seules des sanctions peuvent nous faire prendre conscience de son existence.

Oui, je parle des boycotts et des sanctions qui sont largement préférables aux bains de sang.

C’est la vérité, même si elle est amère. Les Etats-Unis et l’Europe se sont suffisamment prosternés devant Israël. Et sans aucun résultat, malheureusement. Dorénavant le monde doit adopter un autre langage, qui sera peut-être compris. Après tout, Israël a prouvé plus d’une fois que le langage de la force et des sanctions est son langage préféré.

Gidéon Lévy


Sources :
– Le texte d’origine, en anglais, a été publié le 31 mai 2014 sur Haaretz : http://www.haaretz.com/opinion/.premium-1.596400
– La traduction par CAPJPO-EuroPalestine a été publiée le 3 juin 2014 : http://www.europalestine.com/spip.php?article9389

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