Michel Tubiana sur Gaza :
« Tirer sur des civils est un crime de guerre »
«Il faut que la communauté internationale prenne ses responsabilités car s’il est une chose qu’elle ne fait pas depuis maintenant des décennies dans cette affaire qui dure depuis longtemps, c’est bien cela. C’est elle qui a créé l’État d’Israël. À elle de prendre les mesures nécessaires pour que cet État respecte le droit international comme n’importe quel autre État. J’attends la création d’une force d’interposition sous mandat de l’ONU. Cette instance doit enfin être investie dans les accords de négociations. Il est clair que le champ d’activités de l’ONU pourrait être immense. Il faut faire pression sur le gouvernement français. C’est le minimum minimorum. Si la communauté internationale se met d’accord, il ne sera pas très compliqué de régler ce conflit. Je vois mal qu’Israël puisse à lui seul décider de se rebeller contre la totalité de la communauté internationale.
Le problème, aujourd’hui, c’est qu’Israël dispose d’un parrain absolu qui le couvre systématiquement, qui sont bien évidemment les États-Unis. Et puis, Israël dispose du soutien d’autres États pour des raisons diverses qui tiennent à l’histoire et aux rapports de forces d’aujourd’hui. Ils passent leur temps à tenir des discours et à ne pas les convertir en actes. Je pense à l’Union européenne qui ne cesse de payer la reconstruction des biens palestiniens que les Israéliens ne cessent de détruire. Il faudra bien que la communauté internationale, qui s’est donné les moyens de créer une Cour pénale internationale, apprenne que ne peuvent rester impunies les morts de femmes et d’enfants. Tirer sur des civils, quelle que soit leur nationalité, est un crime de guerre passible en tant que tel de la Cour pénale internationale. Il faut donc que celle-ci intervienne. Par ailleurs, l’urgence sanitaire, alimentaire et économique impose la levée du blocus pour que Gaza puisse respirer. Aujourd’hui, Gaza est comme un cœur qui bat de moins en moins, qui fibrille de plus en plus parce que tout le monde appuie dessus en l’enfermant dans une caisse. Tant que nous ne serons pas en mesure de faire pression sur nos propres gouvernements et que ceux-ci ne se décideront pas à imposer une politique au niveau international, les choses continueront à aller de mal en pis. »
Lettre adressée à François Hollande 1
Monsieur François HOLLANDE Président de la République
55 Rue du Faubourg Saint-??Honoré 75008 Paris
Paris, le 14 août 2014
Objet : Conseil de l’Union Européenne du 30 août 2014?–?position sur la Palestine
Monsieur le Président de la République,
Le prochain Conseil de l’Union Européenne va se tenir le 30 août prochain. Il est bien sûr essentiel que la situation en Israël et Palestine et particulièrement à Gaza soient à l’ordre du jour de ce Conseil.
L’Europe a une responsabilité toute particulière dans la recherche d’une paix juste entre Palestiniens et Israéliens. La position de l’Europe qui ressort des conclusions du Conseil de l’Union du 15 juillet et du Conseil Affaires Etrangères du 22 juillet, en ne prononçant aucune condamnation claire de l’agression israélienne contre la population de Gaza, n’a fait qu’encourager l’Etat d’Israël à commettre plus de massacres et de destructions.
Il n’est pas acceptable non plus de laisser les Palestiniens, peuple occupé, et Israël, puissance occupante et grande puissance militaire, discuter face à face les conditions d’une trêve sans que l’Europe ne fasse entendre sa voix.
L’Europe doit parler à haute et intelligible voix et manifester clairement sa volonté politique : le Conseil de l’Union Européenne du 30 août est l’occasion de le faire, et la France doit en être un des artisans principaux.
Les principaux éléments d’un discours cohérent de l’Europe ont déjà été affirmés dans de nombreuses prises de position antérieures :
- l’Europe a maintes et maintes fois condamné le blocus de Gaza, punition collective contre tout un peuple, mais sans se donner les moyens d’être entendue : on en voit le résultat aujourd’hui ;
- l’Europe, dans les conclusions du Conseil des Affaires Étrangères du 12 mai, a exprimé sa confiance dans le gouvernement palestinien d’entente nationale : quelques jours après la constitution de ce gouvernement, Israël est parti en guerre pour le déconsidérer par tous les moyens, par des actions violentes et des bombardements en Cisjordanie et à Gaza. Le soutien au processus de réconciliation inter-??palestinienne a été réitéré par le Conseil des Affaires Etrangères du 22 juillet, qui a de plus souligné que ce gouvernement devait prendre en charge la Bande de Gaza ;
- le statut privilégié d’Israël par rapport à l’Union Européenne est intimement lié au respect des droits de l’Homme par Israël, comme le stipule notamment, dans son article 2, l’Accord d’Association entre Israël et l’Union Européenne.
Monsieur le Président, aucune sortie de la crise actuelle n’est possible sans une levée immédiate du blocus et du siège de Gaza ; après ce que la population palestinienne de Gaza a subi ces dernières semaines, il est tout à fait normal qu’aucun préalable ne soit accepté par les parties palestiniennes. Laisser Israël imposer des préalables, c’est se résigner à ce blocus sans fin.
Président de l’AFPS