Déclaration du Cercle Nedjma
Pour une refondation de la République algérienne encore et toujours
La déliquescence des institutions politiques et administratives a atteint des niveaux qui menacent gravement la cohésion sociale et nationale et la sécurité des populations dans un environnement régional et international problématique.
Procédant à une véritable « occupation de l’Etat » les gouvernants ont anémié le débat politique et anesthésié le sens critique. Les luttes des factions pour l’accaparement du pouvoir et de ses bénéfices tendent à devenir la préoccupation majeure de l’opinion et des observateurs politiques.
Les politiques gouvernementales, concoctées dans l’opacité par des cercles restreints, adoptées, hors Conseil des ministres, sans débats même au sein du gouvernement, ne peuvent régler les problèmes de l’école, de la santé, du logement et de plus en plus de la sécurité publique. Au lieu de rendre au peuple sa souveraineté, de tracer la voie qui y mène et donc de favoriser les moyens démocratiques modernes d’organisation de la société, grâce à des associations, des syndicats et des partis politiques autonomes et représentatifs, le chef de l’Etat et ses gouvernements successifs n’ont cessé de s’appuyer sur des groupements d’intérêts ou de remettre en selle des notables traditionnels ou religieux ou des zaouïas pour tenter de briser les regroupements de citoyens revendiquant leurs droits.
Est-il étonnant dans ces conditions que le Parlement, mal élu et peu représentatif, ne joue que les rôles qui lui sont impartis par le pouvoir exécutif en approuvant systématiquement toutes les politiques qui sont à l’origine de la dilapidation des ressources. Rappelons le scandale sans nom de l’adoption de la loi scélérate sur les hydrocarbures de 2005 qui devait mettre les ressources du pays sous sujétion des firmes multinationales.
La gestion autoritaire de la société par le moyen de la police politique a été érigée en système.
La répression, l’infiltration et la manipulation des associations, des syndicats et des partis autonomes les empêchent de jouer les rôles indispensables de représentation des forces sociales et d’intermédiation. Tout contribue à anémier la société civile, à défaire le moindre signe de lien social, à casser son dynamisme et à décrédibiliser l’idée de démocratie. Tout cela n’a fait que mener au délitement des institutions existantes.
Dans ces conditions, c’est le clientélisme et le clanisme qui président aux désignations aux postes de responsabilité dans tous les rouages de l’Etat. Ils sont la clé du système d’enrichissement et du développement accéléré des inégalités. Qui dans ce système se soucie du bien-être des populations et des risques d’aventure ?
L’incapacité apparente, voire le handicap du chef de l’Etat n’ont fait qu’aggraver cette situation risquant ainsi de mener le pays vers un horizon dont personne ne peut prévoir les conséquences. A quelques mois des échéances présidentielles, le pouvoir, avec ses différentes composantes, continue de gérer le pays dans l’improvisation et la démagogie. Cette situation est dommageable à la crédibilité de l’Etat, tant sur le plan interne qu’international.
Il nous faut sortir de cette impasse. Ni les élections (y compris présidentielles), ni la révision ou l’interprétation des dispositions constitutionnelles agitées au gré de la conjoncture ou des rapports de forces, ne peuvent régler les problèmes dont nous souffrons. Faisons en sorte que la lutte contre l’arbitraire, les inégalités et la corruption devienne la préoccupation de tous et qu’elle aboutisse à un système qui bannit toute police politique. Un système dans lequel fonctionnent une séparation des pouvoirs, une justice indépendante et une presse libre. Ces combats menés par des associations, des syndicats et des partis politiques autonomes et représentatifs sont le seul catalyseur du changement. Seules ces luttes peuvent créer le rapport de forces nécessaire pour contraindre au changement les détenteurs actuels du pouvoir. Après les drames de la Kabylie et du M’zab, et pour éviter d’autres explosions dans d’autres régions du pays, ayons le courage d’affronter le problème de la construction nationale et de la refondation d’une république moderne
Le 26 Janvier 2014
Madjid Benchikh, Ahmed Dahmani, Mohammed Harbi, Aïssa Kadri
Rapport accablant de la LADDH sur les libertés en Algérie1
Malgré la levée de l’état d’urgence en avril 2011 et l’adoption de nouvelles lois sur les libertés d’association et des médias, ainsi que sur les partis politiques, l’Algérie a fait peu de progrès sur la protection des droits humains.
Les autorités ont continué à restreindre la liberté de réunion et d’association, interdisant les réunions et les manifestations. Elles ont réprimé les droits syndicaux, ayant souvent recours à des arrestations et des poursuites à l’encontre de dirigeants et militants syndicaux.
Les forces de sécurité et les groupes armés ont continué à bénéficier d’impunité pour les atrocités commises pendant la guerre civile des années 1990. Des militants armés ont mené un nombre important d’attaques contre des représentants du gouvernement, des membres des forces de sécurité et des civils, aboutissant à l’attentat contre l’usine de gaz d’In Amenas. Après la levée de l’état d’urgence en 2011, les autorités ont adopté une nouvelle législation autorisant la pratique établie de longue date de la détention de terroristes présumés dans des résidences secrètes assignées pour des périodes allant jusqu’à neuf mois.
Liberté de réunion
Les autorités algériennes continuent de restreindre la liberté de réunion, en s’appuyant sur des techniques préventives, notamment en bloquant l’accès aux sites de manifestations prévues et en arrêtant les organisateurs à l’avance pour empêcher les manifestations publiques avant même qu’elles ne commencent. Lors de manifestations pacifiques dans le sud du pays, organisées par les associations de chômeurs, la police a arrêté des manifestants. Les tribunaux ont plus tard condamné plusieurs d’entre eux à des amendes ou à des peines d’emprisonnement avec sursis. La police a arrêté Taher Belabès, un coordonnateur pour le Comité national pour la défense des droits des chômeurs, dans la ville méridionale d’Ouargla, le 2 janvier, après que la police ait dispersé des manifestants pacifiques réclamant des emplois et le limogeage des responsables locaux pour ne pas avoir lutté contre le chômage. Les procureurs ont accusé Belabès d’«entrave à la circulation» et d’«incitation à un rassemblement» et l’ont condamné le 3 février à un mois de prison et à payer une amende de 50 000 dinars algériens (614 US$).
Liberté d’association
Le 20 février 2013, la police a arrêté et expulsé 10 membres non algériens d’associations de chômeurs vers d’autres pays du Maghreb qui s’étaient rendus à Alger pour assister au premier Forum maghrébin pour la lutte contre le chômage et le travail précaire qui devait avoir lieu les 20 et 21 février au centre des syndicats dans le quartier de Bab Ezzouar. Des fonctionnaires les ont détenus au poste de police de Bab Ezzouar, avant de les emmener à l’aéroport, d’où ils ont expulsé cinq Tunisiens et trois Mauritaniens ce jour-là, et deux Marocains le lendemain.
Liberté d’expression
L’État gère toutes les stations de télévision et de radio, et lorsqu’il s’agit de questions clés, telles que la sécurité et la politique étrangère et économique, elles diffusent la ligne officielle et ne tolèrent pas de commentaire dissident ou de reportages critiques.
La loi de janvier 2012 sur l’information a éliminé les peines de prison mais a augmenté les amendes pour les journalistes qui commettent des délits d’expression. Ces délits comprennent la diffamation ou le mépris pour le président, les institutions étatiques et les tribunaux. La loi a également élargi les restrictions imposées aux journalistes en les obligeant à respecter des concepts formulés en termes vagues, tels que l’unité et l’identité nationales, l’ordre public et les intérêts économiques nationaux.
D’autres délits d’expression imprègnent encore le code pénal, qui prévoit jusqu’à trois ans de prison pour tracts, bulletins ou dépliants «de nature à nuire à l’intérêt national» et jusqu’à un an pour diffamation ou injure à l’encontre du président de la république, le du parlement, de l’armée ou d’institutions publiques. Les procureurs traînent les journalistes et les éditeurs indépendants devant les tribunaux pour diffamation ou insulte aux fonctionnaires, et les tribunaux de première instance les condamnent parfois à la prison et à payer de lourdes amendes, pour que les tribunaux d’appel finissent par annuler ou convertir en peines avec sursis les sanctions imposées par les tribunaux inférieurs.
Le 19 mai, le parquet d’Alger a accusé Hicham Abboud, directeur et propriétaire du journal privé Jaridati et son édition française Mon Journal, de compromettre la sécurité de l’État en publiant un article sur la santé du président Abdelaziz Bouteflika. Le ministère des Télécommunications avait interdit aux deux journaux de publier un rapport en première page sur la détérioration de la santé du président, sur la base de sources médicales françaises et de sources proches de Bouteflika.
Harcèlement judiciaire
En 2013, les autorités ont inculpé plusieurs militants des droits humains et des dirigeants syndicaux d’infractions liées à l’exercice pacifique de leur droit de se réunir ou d’exprimer leur soutien à des grèves et des manifestations. Un tribunal le 6 mai a condamné Abdelkader Kherba, un membre du Comité national pour la défense des droits des chômeurs (CNDDC) à deux mois de prison et à payer une amende de 20 000 dinars (250 US$) après qu’il ait distribué des tracts sur le chômage national.
Droits des syndicats
Les autorités algériennes en 2013 ont de plus en plus sévi contre les efforts des travailleurs pour former des syndicats indépendants et organiser et participer à des manifestations et des grèves pacifiques. Les autorités ont bloqué des manifestations syndicales, arrêté des syndicalistes arbitrairement, et engagé des poursuites contre certains d’entre eux sur des accusations criminelles, alors que le véritable motif derrière ces poursuites semble avoir été le châtiment pour activités syndicales.
Les autorités algériennes se livrent à des manœuvres administratives visant à refuser le statut juridique aux syndicats indépendants. La loi sur la légalisation de nouveaux syndicats exige seulement que ces groupes signalent aux autorités qu’ils existent, et non de leur demander la permission de se former. Mais les autorités refusent parfois de délivrer un reçu prouvant qu’elles ont été notifiées.
Le Syndicat des Enseignants du Supérieur Solidaires, par exemple, a déposé ses documents le 19 janvier 2012. Il n’a obtenu aucun reçu à l’époque et n’a pas encore reçu de réponse du gouvernement, ce qui signifie qu’il ne peut pas fonctionner légalement.
Lutte contre l’impunité pour les crimes passés
La loi de 2006 sur la paix et la réconciliation nationale fournit un cadre juridique pour l’impunité des auteurs d’atrocités pendant la guerre civile. La loi criminalise également le fait de dénigrer les institutions de l’État ou les forces de sécurité pour la façon dont elles se sont comportées durant le conflit politique, pénalisant potentiellement les personnes qui affirment que les forces ont commis des violations de droits humains. Les associations de disparus, qui continuent d’appeler à la vérité et la justice, font l’objet de harcèlement.
Terrorisme et contreterrorisme
Le 16 janvier 2013, des militants liés à Al-Qaïda et affiliés à une brigade dirigée par un homme du nom de Mokhtar Belmokhtar ont pris plus de 800 personnes en otage au complexe gazier de Tigantourine à In Amenas, près de la frontière avec la Libye. Les forces spéciales algériennes ont attaqué le site dans le but de libérer les otages. À la fin de l’épisode, au moins 37 otages étrangers et 29 membres du groupe armé avaient été tués.
L’Algérie a renforcé son rôle d’acteur régional dans la lutte contre le terrorisme, et a continué à participer au Forum mondial de lutte antiterroriste, un groupe multilatéral que les États-Unis ont créé pour étendre les discussions sur la lutte contre le terrorisme au-delà des pays industrialisés occidentaux.
Principaux acteurs internationaux
L’Union européenne, qui dispose d’un «accord d’association» avec l’Algérie, a accepté de fournir à l’Algérie 172 millions d’euros (234 millions US$) d’aide entre 2011 et 2013.
En juillet 2013, le gouvernement a postulé pour une candidature au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies pour la période de 2014 à 2016. Pourtant, malgré les engagements pris avec la Haute Commissaire des Nations Unies pour les droits de l’homme, Navi Pillay, lors de sa visite en Algérie en septembre 2012, le gouvernement continue de s’opposer à des visites du Rapporteur spécial des Nations unies sur la torture et autres peines ou traitements inhumains ou dégradants, des Groupes de travail des Nations Unies sur les disparitions forcées ou involontaires et sur la détention arbitraire, ainsi que du Rapporteur spécial sur les exécutions sommaires, arbitraires ou extrajudiciaires.
Lors du dernier Examen périodique universel de l’Algérie en 2012, le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a recommandé la libération de prisonniers détenus uniquement pour avoir exercé la liberté d’expression, la suppression des obstacles à la liberté de réunion et d’expression, et la ratification de plusieurs traités internationaux, notamment le Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Cependant, jusqu’à présent, les autorités algériennes n’ont mis en œuvre aucune de ces recommandations. Le 12 novembre 2013, l’Assemblée générale de l’ONU a élu l’Algérie comme membre du Conseil des droits de l’homme.
- Référence : Le Matin du 26 janvier 2014.