20 ans après Oslo, il faut imposer le droit à l’autodétermination du peuple palestinien !
Négocié en secret en Norvège et endossé par les États-Unis, l’accord devait ouvrir la voie à la paix entre les peuples israélien et palestinien, une paix fondée sur la coexistence entre deux États, la négociation devant porter sur les modalités d’application du droit international, dans un calendrier limité à cinq ans au plus.
Vingt ans plus tard, les Palestiniens ont certes célébré l’adhésion de l’État de Palestine aux Nations unies, mais en tant que simple État observateur, non membre. Et la Palestine vit toujours sous occupation ; la colonisation israélienne s’y intensifie en toute arrogance et en toute impunité ; une ceinture de colonies sépare Jérusalem de son arrière-pays palestinien morcelé ; un réseau de murs annexe de facto à Israël une partie substantielle de la Cisjordanie, de ses terres, de ses ressources en eau en dépit des condamnations, jamais contraignantes, des Nations unies ; le contrôle israélien du territoire palestinien et des mouvements de population enclave les villes et villages, asphyxie toute vie économique et entrave toute vie sociale ou culturelle palestinienne ; la bande de Gaza survit sous blocus ; les bombardements et les morts parmi la population civile se succèdent ; les réfugiés palestiniens le demeurent, génération après génération.
La détention de plusieurs milliers de prisonniers politiques se poursuit dans les geôles israéliennes, otages d’une négociation à durée indéterminée. En Israël même, plusieurs dizaines de milliers de Bédouins palestiniens, citoyens israéliens, sont victimes d’un transfert forcé. Si l’occupation militaire reste la première préoccupation de la population palestinienne, le conflit intra-palestinien entre le Fatah et le Hamas, qui se traduit par une division de la société, est une nouvelle source de difficultés.
Vingt ans après Oslo, le peuple palestinien s’enfonce dans un profond sentiment de désespoir et d’injustices, qui le condamne à poursuivre sa résistance contre la violation quotidienne de ses droits, à commencer par le principal, son droit à l’autodétermination.
Voici près de vingt ans, peu après la signature de cet accord intérimaire, plusieurs associations, en France, décidaient de faire converger leurs efforts pour contribuer, à côté de la résistance de la société palestinienne et des militants anticolonialistes israéliens, au rapport de force nécessaire à l’aboutissement des négociations.
Ensemble, dans la diversité de leurs vocations, de leurs histoires, de leurs cultures, de leurs pratiques, elles revendiquaient pour leur démarche commune une triple dimension : la défense du droit international, appelant le gouvernement et les élus de la République à mettre en œuvre les principes dont se réclame notre diplomatie ; la défense des droits de la personne humaine ; l’aide sinon au développement, du moins à la sortie du dé-développement imposé par des décennies de confiscation et d’occupation. La Plateforme des ONG françaises pour la Palestine était née.
Ses deux premières campagnes ont fondé son orientation. La première : obtenir une contribution financière de l’État français pour des projets dans trois domaines – l’agriculture, la santé et l’éducation -, en lien avec la plateforme des ONG palestiniennes, PNGO, mais aussi les institutions de l’État palestinien se construisant sous occupation. La seconde : refuser l’impunité, obstacle majeur à la paix, en exigeant du gouvernement français qu’il respecte ses principes et renonce à accorder à l’économie d’occupation israélienne les bénéfices d’un accord d’association fondé sur le respect du droit international et des droits de la personne humaine, tant qu’Israël violerait ce droit.
Depuis, le monde a changé. Les États dits émergents ébrèchent la vision unipolaire de Washington, dont les stratèges militaires eux-mêmes reconnaissent que la pérennisation de l’occupation de la Palestine perturbe les ambitions régionales. Les peuples arabes se soulèvent contre des régimes dictatoriaux pour faire prévaloir la liberté et la justice. Un mouvement de solidarité international avec la Palestine se développe, autour de campagnes “Boycott, désinvestissement, sanction” (BDS) diversement déclinées.
Alors que l’Europe élargie à vingt-huit membres, condamne l’occupation et les pratiques israéliennes, elle continue de manière incohérente à donner des gages d’un soutien aux dirigeants successifs de Tel-Aviv. Ainsi, la politique européenne de voisinage (PEV) fait d’Israël depuis 2005 un quasi-État européen bénéficiant de privilèges dans tous les domaines : commercial, économique scientifique, technologique, stratégique…
Nos gouvernements en appellent avec hypocrisie à la reprise d’une négociation directe, c’est-à-dire dans le seul tête-à-tête israélo-palestinien dont ces vingt dernières années ont montré qu’elle soumettait le droit du peuple palestinien au bon vouloir de la puissance occupante. Or, de la tribune des Nations unies à celle du Congrès américain comme sur le terrain, les dirigeants israéliens refusent un État palestinien dans les frontières de 1967, refusent le démantèlement des colonies et de l’ensemble des infrastructures coloniales qu’ils entendent annexer, refusent de restituer à Jérusalem son histoire plurielle et rejettent tout partage de souveraineté politique faisant de la Ville trois fois sainte la capitale des deux États, refusent toute reconnaissance de l’expulsion de 1947-1949 des Palestiniens devenus et restés réfugiés, et toute reconnaissance de leur droit au retour et à l’indemnisation.
Il est temps de sortir de ce cercle vicieux. Il est temps de mettre un terme à l’impunité et d’imposer le droit. L’Europe a décidé de rendre ses accords commerciaux conformes au droit international, en excluant les colonies israéliennes illégales des subventions, bourses et instruments financés par l’UE, en conformité avec le droit international et la législation de l’UE. C’est un premier pas dont nous nous félicitons. Mais pour rendre la paix possible, il faut conditionner la mise en œuvre de la politique européenne vis-à-vis d’Israël au respect par Tel-Aviv de ses engagements internationaux et du droit international. Il ne suffit pas de se déclarer “disponible” pour aider “le moment venu” l’État palestinien indépendant. Il faut faire advenir ce moment.
Pour sa part, c’est ce combat, celui du droit, celui de la paix, celui de la justice et de la liberté, que la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine entend continuer aujourd’hui, avec le soutien des citoyens français.
Le 25 septembre 2013
Signataires
– Claude Léostic, présidente de la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine
– François Picart, président de l’ACAT, Action des chrétiens pour l’abolition de la torture
– Taoufiq Tahani, président de l’AFPS, Association France Palestine solidarité
– Salim Arab, président d’Amani, Association franco-palestinienne d’aide et de formation médicale
– Guy Aurenche, président du CCFD-Terre Solidaire, Comité catholique contre la faim et pour le développement
– André Sirota, président des CEMEA, Centres d’entraînement aux méthodes d’éducation active
– Geneviève Jacques, présidente de la Cimade
– Louis David, président du Comité Palestine Chateaubriant
– Maurice Buttin, président du CVPR PO, Comité de vigilance pour une paix réelle au Proche-Orient
– Bernard Salamand, président du CRID, Centre de recherche et d’information pour le développement
– Philippe Valls, président d’Enfance réseau monde-services
– Pierre Tartakowsky, président de la LDH, Ligue des droits de l’Homme
– Régine Minetti, co-présidente du Mouvement de la Paix
– Renée Le Mignot, co-présidente du MRAP, Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples
– Danielle Bidard-Reydet, présidente de l’association « Pour Jérusalem »
– Danielle Moreau, présidente de Ritimo
– François Soulage, président du Secours Catholique-Caritas France
– Janine Forestier, présidente de Terre des Hommes-France
– Jean-Guy Greilsamer et Pierre Stambul, coprésidents de l’UJFP, Union juive française pour la Paix