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Édition du 15 novembre au 1er décembre 2024

Roms : les “recommandations” de la CNCDH au gouvernement

Le 26 août 2012 une circulaire « relative à l’anticipation et à l’accompagnement des opérations d’évacuation des campements illicites » était signée par sept ministres. Cette circulaire interministérielle avait été saluée par les associations de défense des droits de l’homme dans la mesure où elle marquait un changement de discours de la part des autorités et témoignait de leur volonté d’apporter une réponse individualisée et territorialisée aux situations de grande précarité vécues par des citoyens européens. Presqu'un an plus tard, la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme – CNCDH – publie le 2 août 2013 ses recommandations au gouvernement sur sa mise en œuvre et sur l’accès aux droits des populations dites «Roms ». La CNCDH constate l'inégalité dans l'application de la circulaire. Face à la situation de grande précarité dans laquelle se trouvent les 20 000 personnes Roms vivant en squats ou en bidonvilles actuellement, la CNCDH formule des recommandations qui lui semblent devoir être mises en oeuvre le plus rapidement possible, afin que soient respectés les droits fondamentaux de ces citoyens européens vivant sur le territoire français : droit à l’hébergement, respect de la scolarisation des enfants, droit à la santé et accès au travail. Ses recommandations s’appuient sur les travaux menés sur le terrain par ses associations membres, sur les interventions du Défenseur des droits en la matière et elles reprennent pour une grande part des recommandations déjà formulées par la CNCDH dans un avis de mars 2012. A cette occasion, la CNCDH fait part de sa grande inquiétude face au climat alarmant de tension qui règne autour de la question, envenimé ces dernières semaines par d’intolérables propos de haine véhiculés par des élus ou des responsables politiques. Faut-il y voir une réponse du gouvernement ? ... Le 2 août, plusieurs dizaines de familles de Roms qui avaient trouvé refuge dans une ancienne caserne de gendarmerie, boulevard de Plombières à Marseille, en ont été expulsées ... aucune mesure de relogement n'état prévue, elles se sont rassemblées dans un square municipal.
[Mis en ligne le 2 août 2013, mis à jour le 3]

Des recommandations pour mettre fin aux pratiques discriminantes envers les Roms1

Les évacuations de bidonvilles sans relogement vont bon train. Et ce en contradiction avec l’esprit de la circulaire du 26 août 2012 qui recommande la recherche de solutions d’accompagnement dans les différents domaines concourant à l’insertion des personnes.

C’est dans ce contexte que la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) a réuni son groupe de travail sur les Roms le 18 juillet dernier, en présence du collectif Romeurope.

La Cimade y a porté les recommandations suivantes sur le volet des expulsions du territoire de ces citoyens de l’Union européenne, souvent couplées à l’évacuation des campements.

  • Arrêt des notifications massives d’obligations de quitter le territoire français (OQTF) lors des évacuations.

La circulaire du 26 août 2012 préconise d’accompagner les personnes évacuées afin de permettre notamment leur accès aux droits. Or, les évacuations s’accompagnent majoritairement de notifications d’OQTF, signifiées dans l’urgence, sans examen sérieux des situations individuelles. Cette pratique relève d’un harcèlement administratif extrêmement précarisant pour les personnes évacuées.

  • Arrêt de la politique d’ « aide au retour » lors des évacuations.

La notification massive d’OQTF s’accompagne de fortes pressions policières exercées sur les personnes afin de leur soutirer une décision de retour « volontaire » en Roumanie. Ces retours n’ont rien de volontaire, ils s’apparentent à des éloignements forcés sans passer par la case enfermement. Les expulsions sont très régulièrement organisées via des charters, vols groupés de Paris à destination de Bucarest. Ces charters sont les seuls avions affrétés par la France pour expulser exclusivement une communauté. Les expulsions collectives sont en théorie interdites par la Convention européenne des droits de l’Homme.

  • Mettre fin à la discrimination des Roms communautaires.

En tant que ressortissants communautaires, les Roms, roumains ou bulgares, ont des droits à l’instar de tous les Européens. Ces droits sont très souvent bafoués lors de l’édiction de mesures d’éloignement.

Les préfectures recourent ainsi de manière systématique et abusive aux notions de « charge déraisonnable pour le système social », « d’abus de droit », de « trouble à la salubrité publique » ou de « trouble à l’ordre public » pour justifier des mesures d’éloignement.

La récente évacuation du squat de la rue d’Orgemont, à Angers, est une illustration éloquente de ces pratiques. Ainsi de nombreuses personnes évacuées récemment exerçaient légalement leur liberté de circulation. Elles ont été expulsées en quelques heures ou quelques jours, sur le fondement d’OQTF invoquant pêle-mêle tous les motifs déjà cités. A l’issue de cette évacuation, seize personnes ont été enfermées en centre de rétention, sans qu’aucune alternative à leur enfermement n’ait été envisagée. Elles ont toutes été expulsées. Le recours massif à l’enfermement et les expulsions de ces ressortissants communautaires sont illégaux et doivent cesser.

Le Défenseur des droits a lui aussi adressé au gouvernement un rapport sur l’application de la circulaire du 26 août 2012 relative à l’anticipation et l’accompagnement des opérations d’expulsions des campements illicites. La circulaire était censée mettre un terme aux dérives antérieures et privilégier la concertation et l’intégration des personnes visées. Les constats du Défenseur des droits sont accablants et rejoignent les observations du collectif Romeurope. Aucune amélioration n’a été constatée sur le terrain. La circulaire est peu appliquée, les blocages sont toujours les mêmes : accès aux droits, scolarisation, santé, travail, évacuations, expulsions sans accompagnement.

Le 26 juillet, la CNCDH a transmis ses recommandations au Premier ministre et aux sept ministres signataires de la circulaire. Que fera le gouvernement du rapport du Défenseur des droits comme de l’avis de la CNCDH sur ces pratiques discriminantes ? Le précédent avis de la CNCDH de mars 2012 était resté lettre morte.

Pour aller plus loin :

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Marseille : le nouveau parc de l’errance des roms

par Jean-Jacques Fiorito, La Provence.fr, le 3 août 2013

Hier, les associations ont dénoncé les conditions de vie des Roms, sous leurs regards. Expulsés d’une caserne de Plombières, ces derniers se retrouvent dans un parc public.

Un parc public squatté. Voilà qui doit évoquer de bien tristes souvenirs aux associations qui suivent l’errance des Roms. En 2011, sous les caméras de la France entière, la police faisait évacuer la pelouse de la porte d’Aix. Depuis, les Roms ont déserté le centre-ville. Aujourd’hui, c’est un autre parc, le square Rathery (3e) à l’entrée de l’autoroute nord, qui sert de campement à la communauté rom venue s’y réfugier après avoir été expulsée de la « caserne Cardot », au 91, boulevard Plombières, à Marseille.

Hier matin, l’élu communiste Jean-Marc Coppola, entouré des membres du « Collectif de solidarité avec les Roms », est venu dénoncer, une fois de plus, la politique du gouvernement : « Il y a un paradoxe entre ce qu’on entend actuellement, c’est-à-dire les recommandations concernant la canicule, et la situation des femmes et des enfants qui, ici, n’ont pas d’eau (…). Et qu’on ne me dise pas que le gouvernement ne peut pas s’occuper des 2 500 Roms de la région (…) Il piétine les droits de l’homme. Le changement de président n’a rien amené. »

« C’est une véritable honte pour Marseille »

Du groupe de Roms expulsés de Plombières, quelques femmes et enfants ont été logés à l’hôtel. Les ferrailleurs seraient partis s’installer autour de Marseille. Seuls les chiffonniers, ceux qui « vivent » des poubelles, occuperaient le square Rathery. Jean-Marc Brémond, du collectif, insistait : « Il reste une soixantaine de personnes ici sans accès à l’eau, sans pouvoir bénéficier du strict nécessaire pour éviter les problèmes d’hygiène. » A la Ligue des droits de l’homme, on était beaucoup plus cinglant : « Il y a aujourd’hui 28 sites de Roms dans la ville. C’est une véritable honte pour Marseille. Elle propose en 2013 une année de culture et d’ouverture mais ici c’est la fermeture totale. »

Quel avenir pour ce groupe de Roms ? Pour l’heure, c’est l’impasse. Mais la situation pourrait s’aggraver à Marseille. Car, après l’expulsion de Plombières, c’est celle de la Capelette qui se prépare. Autrement dit, on va évacuer le plus grand camp de Marseille. 400 Roms dans la nature.

  1. Source : actualité du 2 août 2013 de La Cimade : http://www.lacimade.org/nouvelles/4560-Des-recommandations-pour-mettre-fin-aux-pratiques-discriminantes-envers-les-Roms.
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