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Édition du 15 novembre au 1er décembre 2024
Le mémorial en hommage aux Roms et Sintis déportés par les nazis, à Berlin (AP/Markus Schreiber)

inauguration à Berlin d’un mémorial aux Tziganes victimes du nazisme

Un mémorial dédié aux Sintis et Roms tués pendant la période nazie a été inauguré par la chancelière allemande le 24 octobre 2012 à Berlin, après plus de 20 ans de discussions. Considérés comme "racialement inférieurs", ils ont été envoyés par les nazis dans les camps de travail forcé, contraints à la stérilisation et condamnés à être exterminés dans les camps de la mort – d'après les chiffres officiels, autour de 500 000 d'entre eux ont été ainsi assassinés. Longtemps oublié, le génocide n'a été reconnu par l'Allemagne qu'en 1982. Cet hommage intervient alors que les Tziganes continuent à être victimes de racisme et de discrimination dans de nombreux pays d'Europe. Ils sont actuellement onze millions sur le continent européen, dont sept millions dans l'UE, la plupart en Europe centrale et du sud-est. La plus grande minorité ethnique d'Europe est aussi la plus pauvre et la plus discriminée – en Roumanie, Bulgarie, Hongrie, Slovaquie, mais aussi en France et en Italie.
Le mémorial en hommage aux Roms et Sintis déportés par les nazis, à Berlin (AP/Markus Schreiber)
Le mémorial en hommage aux Roms et Sintis déportés par les nazis, à Berlin (AP/Markus Schreiber)

Longtemps retardé, un mémorial aux Tziganes déportés par les nazis est inauguré à Berlin

par Blandine Milcent, Le Monde du 24 octobre 2012

C’est un large bassin rond, rempli d’une eau aux reflets sombres. Au centre, une stèle, sur laquelle repose une fleur fraîchement coupée. De ce mémorial, que la chancelière allemande Angela Merkel devait inaugurer mercredi 24 octobre dans le parc de Tiergarten, au centre de Berlin, émane une impression de désolation, surtout lorsque l’eau de ce vaste puits reflète le gris d’un ciel d’octobre.

Œuvre de l’artiste israélien Dani Karavan, ce monument doit rappeler, à quelques centaines de mètres de la porte de Brandebourg et du Reichstag, l’extermination de 500 000 Tziganes européens pendant le IIIe Reich.

Telle une nouvelle pièce dans le puzzle rappelant l’horreur des crimes nazis, l’ouvrage est situé tout près du mémorial dédié aux juifs d’Europe assassinés, ce champ de stèles conçu par Peter Eisenman et inauguré en 2005, et non loin de celui consacré à la déportation de 50 000 homosexuels.

Mme Merkel l’a déjà dit, les lieux du souvenir doivent permettre aux générations futures de se confronter au passé de leur pays lorsque les derniers témoins auront disparu. Mais pour le représentant des communautés tziganes outre-Rhin, ce monument est avant tout la reconnaissance par l’Etat allemand d’un « Holocauste oublié ».

« L’Allemagne place désormais sa responsabilité dans l’extermination des Roms européens au coeur de ses lieux de pouvoirs, commente Romani Rose, le président du conseil central des Sintis et Roms. Aucun homme d’Etat invité à Berlin, qu’il vienne d’Europe centrale ou d’ailleurs, ne pourra l’ignorer. Les Européens dont les pays avaient collaboré avec les nazis prendront mieux conscience que les crimes commis contre les Roms durant la guerre sont une partie de leur histoire. Nous avons dû attendre longtemps, mais cette inauguration marque une césure. »

L’Allemagne aura mis du temps, en effet. Il faut remonter à 1982 pour qu’un chancelier, Helmut Schmidt, reconnaisse officiellement le génocide des Tziganes européens perpétré par les nazis. Dix ans plus tard, le gouvernement d’Helmut Kohl décidera de l’opportunité d’un mémorial.

Racisme persistant

En 1997, les Roms sont reconnus comme une minorité nationale. Dans un discours souvent cité depuis, le président de la République, Roman Herzog, évoquera un génocide « exécuté avec le même motif de folie raciale, […] la même volonté d’extermination planifiée et définitive que celui des juifs. Ils ont été assassinés dans la zone d’influence du national-socialisme, systématiquement, par familles, du bébé au vieillard. »

L’élaboration du mémorial, elle, prendra vingt ans, ralentie entre autres par une querelle sémantique – le conseil central des Sintis et Roms ne voulait pas voir inscrit près du monument le mot « tzigane », jugé discriminatoire – et par les hésitations de son concepteur. « Le travail de mémoire n’est pas le seul devoir des historiens ou des écrivains, il doit être ancré dans la conscience collective, explique le président du Bundestag, Norbert Lammert (CDU). Et il n’est jamais achevé une fois pour toutes. »

De fait, les tensions en Hongrie, les violences au quotidien en Roumanie, en Bulgarie ou en Italie, rappellent que, tout comme en Allemagne, où vivent 70 000 Roms, le racisme n’a pas disparu à l’égard d’une communauté qui cristallise toujours les préjugés.

Récemment, le ministre de l’intérieur allemand, Hans-Peter Friedrich (CSU), a dit vouloir limiter l’afflux vers son pays de ressortissants serbes ou macédoniens, en levant l’exemption de visa dont ils bénéficient depuis 2010. Il entend ainsi limiter le nombre de ces demandeurs d’asile, dont beaucoup sont des Roms.

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