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Édition du 15 novembre au 1er décembre 2024
A la Une du quotidien Pagina/12 du 6 juillet 2012.

le général Videla : des milliers de disparitions, des vols de bébés …

Dans une longue interview video donnée en avril 2012, l’ancien chef de la junte militaire argentine, Jorge Videla, au pouvoir de 1976 à 1983, a avoué pour la première fois, le meurtre des desaparecidos. « Nous avons tué entre 7 000 et 8 000 personnes, et fait disparaître leurs corps », dit-il. Pour justifier ces crimes il assure « qu’il n’y avait pas d’autres solutions pour gagner la guerre contre la subversion, [...] on ne pouvait ni les enfermer ni les tuer au grand jour ». Les Mères de la Place de Mai, qui depuis plus de trente ans luttent pour savoir la vérité, évoquent le nombre de 30 000 disparus. Aujourd’hui âgé de 86 ans, Videla purge déjà deux peines de prison à perpétuité pour crime contre l'humanité. Les méthodes utilisées dans les années 1960 et 1970 par les militaires argentins, brésiliens et chiliens chargés de la lutte contre la "subversion" leur avaient été enseignées par d'anciens officiers français de la guerre d'Algérie – voir cet article 1. A l'issue d'un nouveau procès, Jorge Videla a été condamné le 6 juillet 2012 à une peine de 50 ans de prison pour le vol de bébés nés durant la captivité de leurs parents – lire le témoignage de Victoria Donda, députée argentine, fille de desaparecidos, née en captivité et donnée en adoption à des militaires proches de la Junte.
[Mis en ligne le 30 avril 2012, mis à jour le 10 juillet]

Un extrait de la vidéo :

La confession d’un ex-dictateur

par Pierre Bratschi, www.letemps.ch, 17 avril 2012

Dans un livre d’entretien, Jorge Videla décrit pour la première fois la méthode utilisée pour gagner la guerre contre la subversion. L’ex-dictateur justifie une fois de plus l’usage de la torture et de la disparition des corps

«Il fallait éliminer 7000 à 8000?personnes. Nous savions que c’était le prix à payer mais il n’y avait pas d’autre solution si nous voulions gagner la guerre contre la subversion.» Trente-six ans plus tard, Jorge Videla reste convaincu que son régime a œuvré pour le bien de son pays. Dans le livre La disposition finale, l’ex-dictateur argentin confirme à l’auteur qu’en prenant le pouvoir le 24 mars 1976 il avait l’objectif de discipliner une société en pleine anarchie pour que le pays redevienne une vraie république.

Un objectif préparé méticuleusement avant le coup d’Etat et qui devait s’exécuter en quatre étapes. Tout d’abord la séquestration de leaders sociaux selon une liste établie avec la collaboration d’entrepreneurs, de syndicalistes, de professeurs et de dirigeants politiques. Puis, l’interrogation de ces «subversifs» dans des lieux secrets. La troisième étape consistait en l’exécution des détenus considérés comme «irrécupérables». Et enfin, l’étape finale reposait sur la disparition des corps. Si certains procédés mis en place pour cette «disposition finale» sont connus, comme le largage des corps dans la mer depuis des hélicoptères, d’autres rappellent les pages les plus sombres de l’histoire de l’humanité. En effet des centaines de corps ont été brûlés dans des fours ou dans des décharges de pneus.

Les disparitions

Le sujet des disparitions est encore vif au sein de la société argentine. Jorge Videla concède que cette question reste identifiée à la guerre menée par son gouvernement. Un héritage de sa dictature qui, toujours selon lui, menace encore l’avenir de l’Argentine tant qu’il n’est pas accepté par toutes les couches de la société. «Il fallait éliminer un grand nombre de personnes, nous ne pouvions ni les juger ni les fusiller. La population ne devait pas s’en rendre compte. C’est pourquoi nous avons adopté cette solution qui créait une sensation ambiguë car personne ne savait», explique l’ancien chef de la junte. Et de préciser que des condamnations à mort auraient provoqué une trop forte réaction de la part de l’étranger. «Il suffit de voir ce qu’avaient provoqué trois condamnations à mort prononcées à l’époque par Franco. La pression internationale a été si forte qu’il n’a fait exécuter qu’une! Sept à huit mille exécutions en Argentine eurent donc été impossibles», explique froidement du fond de sa cellule le vieil homme âgé de 86 ans.

Jorge Videla assure que les listes contenant le nom des victimes existent mais que leur publication n’amènerait à rien puisqu’elles ne contiennent pas la destination finale des corps.

Si, par sa confession, l’ex-dictateur assure se libérer d’un poids de l’âme, il reste cependant amer envers les dirigeants politico-économiques de l’époque qui avaient soutenu son gouvernement en lui disant de «faire ce qu’il avait à faire», certains lui auraient même reproché de ne pas avoir eu la main assez lourde. La «disposition finale» fait froid dans le dos et, quoi que prétende Jorge Videla en assurant qu’il ne s’agit là que d’une expression militaire, elle ne va pas sans rappeler une autre tristement célèbre «finale».


A la Une du quotidien Pagina/12 du 6 juillet 2012.
A la Une du quotidien Pagina/12 du 6 juillet 2012.

Videla condamné à 50 ans de prison pour vols de bébés

par Gilles Klein, Arrêt sur images le 6 juillet 2012

L’ex-dictateur argentin Jorge Videla (86 ans) a été condamné à 50 ans de prison pour des vols de bébés de ses opposants sous la dictature (1976-1983)

Videla apparaît comme un vieux monsieur tranquille en veste bleue assis dans le tribunal, mais il n’a pas changé d’idée malgré les années : « Toutes celles qui ont accouché, que je respecte en tant que mères, étaient des militantes actives de la machinerie du terrorisme. Elles ont utilisé leurs enfants comme boucliers humains », a déclaré l’ancien général pendant ce procès, qui concernait 33 cas de bébés retirés à leurs mères.

La condamnation de l’ancien dictateur est surtout une victoire morale pour les familles qui ont été victimes de ces vols (près de 500 bébés auraient été retirés à leurs familles), car Videla avait de toute façon déja été condamné à la prison à perpétuité pour crimes contre l’humanité.

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