Le putsch des généraux en bref
- au cours de la nuit du 21 au 22 avril : le 1er REP marche sur Alger, s’empare du gouvernement général, de l’aérodrome, de l’Hôtel de Ville et du dépôt d’armes.
- samedi 22 avril matin : un message radiodiffusé apprend à la population que les généraux Challe, Jouhaud et Zeller, bientôt rejoints par Salan, ont pris le pouvoir à Alger.
- dimanche 23 avril à 20h : de Gaulle s’adresse directement aux soldats pour qu’ils résistent aux appels à la désobéissance lancés par les putschistes.
- mardi 25 avril : le général Challe se rend. Salan, Jouhaud et Zeller entrent dans la clandestinité. Le putsch a échoué.
Dès le samedi, le gouvernement décrète l’état d’urgence. Les partis de gauche, les syndicats, la Ligue des droits de l’homme, appellent à manifester «l’opposition des travailleurs et des démocrates au coup de force d’Alger».
Dimanche soir à 20 h, le général de Gaulle en uniforme paraît à la télévision et s’adresse aux troupes par dessus la tête de leurs chefs. Voici le début de son allocution :
L’allocution du 23 avril 1961, télédiffusée et radiodiffusée1
Un pouvoir insurrectionnel s’est établi en Algérie par un pronunciamiento militaire.
Les coupables de l’usurpation ont exploité la passion des cadres de certaines unités spécialisées, l’adhésion enflammée d’une partie de la population de souche européenne qu’égarent les craintes et les mythes, l’impuissance des responsables submergés par la conjuration militaire.
Ce pouvoir a une apparence : un quarteron de généraux en retraite. Il a une réalité : un groupe d’officiers, partisans, ambitieux et fanatiques. Ce groupe et ce quarteron possèdent un savoir-faire expéditif et limité. Mais ils ne voient et ne comprennent la nation et le monde que déformés à travers leur frénésie. Leur entreprise conduit tout droit à un désastre national.
Car l’immense effort de redressement de la France, entamé depuis le fond de l’abîme, le 18 juin 1940, mené ensuite jusqu’à ce qu’en dépit de tout la victoire fût remportée, l’indépendance assurée, la République restaurée ; repris depuis trois ans, afin de refaire l’État, de maintenir l’unité nationale, de reconstituer notre puissance, de rétablir notre rang au-dehors, de poursuivre notre oeuvre outre-mer à travers une nécessaire décolonisation, tout cela risque d’être rendu vain, à la veille même de la réussite, par l’aventure odieuse et stupide des insurgés en Algérie. Voici l’État bafoué, la Nation défiée, notre puissance ébranlée, notre prestige international abaissé, notre place et notre rôle en Afrique compromis. Et par qui ? Hélas ! Hélas ! par des hommes dont c’était le devoir, l’honneur, la raison d’être, de servir et d’obéir.
Au nom de la France, j’ordonne que tous les moyens, je dis tous les moyens, soient employés pour barrer partout la route à ces hommes-là, en attendant de les réduire. J’interdis à tout Français et, d’abord, à tout soldat d’exécuter aucun de leurs ordres. […]
Françaises, Français, aidez-moi !
L’enregistrement vidéo : Hélas ! hélas ! … 2
Comme l’aurait déclaré de Gaulle, « cinq cent mille gaillards munis de transistors » du contingent ont entendu cet appel à la désobéissance légitime3.
Le contingent ne suit pas4
Libéré par le discours du général de Gaulle, le contingent se manifeste. Depuis le début du mouvement, les officiers rebelles ont tenu les appelés pour quantité négligeable. Des bidasses qui obéissent aux ordres, qui ne réfléchissent pas et qui ne pensent qu’à la quille. Challe a fait procéder aux opérations normales de libération des appelés qui devaient quitter l’Algérie entre le 22 et le 25 avril.
Au jour fixé, les unités du contingent ont regagné la métropole. Cette opération psychologique devait lui gagner sinon la sympathie du moins la neutralité des appelés. Mais le discours de De Gaulle a bouleversé ces prévisions optimistes.
Le général Bigot, patron de l’aviation en Algérie, voit ses bases de la Mitidja en état d’insurrection. Lui-même ne peut plus gagner son bureau à l’état-major ! A Blida on a même vu un drapeau rouge flotter sur la base. On en conclut immédiatement dans l’entourage de Challe que la résistance du contingent est l’oeuvre des militants communistes. L’un des officiers de la base de Blida, le commandant Kubasiak, paiera de sa vie, à l’heure de l’O.A.S., d’avoir dirigé le mouvement de fidélité à de Gaulle5.
Sont-ils tous communistes les hommes du 14° bataillon de chasseurs qui arrêtent leurs officiers ? Et ceux du 21° R.I. qui à Oran ont projeté de kidnapper Gardy et Argoud ? Et ceux de la compagnie des transmissions du corps d’armée qui ont tenté de quitter le Château-Neuf pour gagner Mers el-Kébir, base du fidèle amiral Querville ?
Les exemples se multiplient dans la journée du lundi. Le préfet Belhaddad reçoit des dizaines de délégations d’appelés, et des télégrammes venant de toutes les unités. De plus en plus nombreux, des avions de transport quittent les bases algériennes au nez et à la barbe des putschistes impuissants.
Au sein même du 14e R.C.P., l’un des régiments « en pointe » de la révolte des généraux, le colonel Lecomte n’est plus « sûr » de ses hommes. Il recevra même une grenade sur son P.C. ! La machine grippe. Le contingent verse le sable à poignées.
Comme on peut le présumer, ces réactions n’ont pas contribué à établir la confiance entre l’OAS et les appelés du contingent.
Le document ci-dessous6, transcription d’une directive de l’OAS extraite d’une note de décembre 1961, émanant des services du général de Menditte, «commandant la R.T. et le C.A. d’Alger», et rappelant les consignes de sécurité pour contrer le «mouvement subversif O.A.S.», atteste de l’agressivité que l’organisation subversive a manifesté envers les appelés :
Rappelons que, le 23 mars 1962, à Bab el Oued, l’OAS ouvrit le feu sur un véhicule de transport de troupes tuant sept soldats appelés du contingent : Roger Oudin, Robert Nogrette, Jean Grasset, Philippe François, Daniel Doutre, Messaoud Secuh et Saïd Belmiloud, tous 2ème classe
- Source : http://www.charles-de-gaulle.org/pages/l-homme/accueil/discours/le-president-de-la-cinquieme-republique-1958-1969/appel-aux-algerois-a-la-suite-de-la-semaine-des-barricades-25-janvier-1960.php.
- En cas d’échec, cliquer.
- Jean Planchais, Le Monde, 23 avril 2001.
- Source : http://www.histoire-en-questions.fr/guerre%20algerie/putsh-fin-appeles.html.
- Lors du putsch du 21 avril 1961, le colonel commandant la base aérienne de Blida fut interpellé par des hommes de troupe sur sa position personnelle par rapport au putsch ; comme il tardait à répondre, ils le mirent en prison. Compte tenu de l’indisponibilité du colonel, le commandant Joseph Kubasiak prit le commandement de la base.
Joseph Kubasiak refusa l’utilisation de la base aérienne de Blida comme lieu de départ des unités parachutistes vers la France.
Une fois les troubles apaisés et le commandement légitime ayant retrouvé sa place, le commandant Kubasiak fut mis aux arrêts de rigueur ; il purgea une peine de prison d’un mois pour prise illégale de commandement, puis il fut mis en retraite anticipée.
De retour en France, il s’installa à Aix-en-Provence et, le 24 juin 1962, alors qu’il était dans son jardin avec son beau-père, un commando de l’OAS vint les assassiner tous les deux, devant sa femme, tandis que ses enfants étaient enfermés dans leur chambre.
Sources :
- le témoignage :http://www.collectif-communiste-polex.org/afrique/maghreb/algerie_temoignage.htm,
- René Collinot, Le Témoin gaulois,
- J-M. Curutchet, Le Procès du Capitaine Jean Marie, dont certaines pages sont accessibles via le lien suivant :
[->http://books.google.fr/books?id=ZnnafjodbCIC&pg=PA200&lpg=PA200&dq=baudry+kubasiak+curutchet&source=bl&ots=28ThavafmJ&sig=3FARs1RQEANiCkzsxkU270DBQdM&hl
=fr&ei=fvWiTfHKFIjLhAeCmpTxBA&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=1&ved=0CBkQ6AEwAA#v=onepage&q=baudry%20kubasiak%20curutchet&f=false].
. - Reproduction partielle d’un document figurant page 241 de l’ouvrage Algérie 1954-1962, arrêt sur images inédites édité par le FNACA-GAJE (dépôt légal mars 2002).