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Édition du 1er au 15 octobre 2024

Rachid Bouchareb : militants algériens et résistants français ont utilisé les mêmes méthodes

Le réalisateur Rachid Bouchareb s'installe aux États-Unis où il a plusieurs projets de films, dont un sur la militante américaine des droits de l’homme Angela Davis, co-écrit avec Yasmina Khadra. Dans un entretien publié le 23 novembre 2010 dans le journal en français paraissant aux États-Unis France-Amérique, il revient sur les polémiques qui ont, quelques mois plus tôt, précédé la sortie de son film Hors-la-loi en France, le film ayant été accusé par l'extrême droite française et des associations de pieds-noirs de "falsifier l'Histoire".

Rachid Bouchareb : « Je ne voulais pas refaire La Bataille d’Alger »

Johanna Safar, France-Amérique, le 23 novembre 2010

Après le triomphe international d’Indigènes (Days of Glory, 2006), nominé aux Oscars dans la catégorie du meilleur film étranger, Rachid Bouchareb s’est attaqué, avec Hors-la-loi, à une page de l’histoire qui continue de créer un malaise dans la société française : la guerre d’Algérie. Le film est sorti en salle cette semaine aux États-Unis.

Dans Indigènes, il avait dénoncé l’injustice faite aux soldats nés dans les colonies françaises et ayant combattu pour une patrie peu reconnaissante. Quatre ans plus tard, avec Hors-la-loi, c’est la guerre d’Algérie qu’il traite, à travers le destin de trois frères interprêtés par Jamel Debbouze, Roschdy Zem et Sami Bouajila.

Le film s’ouvre sur la répression sanglante des manifestations de Sétif par les forces de l’ordre en 1945. Des scènes qui lui ont valu un accueil houleux au festival de Cannes. « Je suis né et j’ai grandi en France », rappelle Rachid Bouchareb, venu à New York accompagner la sortie de son long-métrage. Une précision qui n’est pas anecdotique quand on sait qu’il a été accusé notamment d’avoir fait un film « anti-français » et « négationniste ». Mais si le premier quart d’heure de Hors-la-loi évoque l’injustice de la colonisation en Afrique du Nord, c’est la métropole que le réalisateur a choisi ensuite comme décor, les bidonvilles de Nanterre, les commissariats de police, les usines Renault ou les couloirs de métro : là où s’est aussi jouée et gagnée l’indépendance de l’Algérie.

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  • La polémique qui a entouré la sortie du film a-t-elle privé le public du débat de fond que vous souhaitiez amorcer en France sur cette partie de son histoire ?

Non, car cette polémique a été déclenchée par des gens qui n’avaient pas vu le film. Mais cela a finalement été très court. Après la sortie du film les médias se sont emparés du sujet et y ont mis fin. Finalement, le sujet lui-même a été l’occasion de continuer les débats en parallèle, de donner la parole aux historiens… Et ce n’est pas fini. Ceux qui ont protesté font partie d’une très faible minorité en France. Ils sont opposés à l’existence même du film, à toute évocation du passé colonial mais surtout de la guerre d’Algérie.

  • Votre film évoque la guerre d’Algérie telle qu’elle s’est déroulée sur le territoire français. Pourquoi avoir choisi cet angle ?

C’est quelque chose qu’on sait peu. Parallèlement à la guerre qui sévissait en Algérie, se déroulait la bataille de Paris. Je voulais montrer la construction sur le territoire français de la libération de l’Algérie. C’était intéressant de traiter le sujet de ce point de vue car plusieurs dizaines de milliers de travailleurs algériens installés en France ont contribué d’une façon ou d’une autre à cette lutte pour l’indépendance.

  • Dans votre film les personnages qui s’affrontent ont combattu côte à côte pour libérer la France en 1945 et pendant la guerre d’Indochine…

Abdelkader a participé à la Seconde Guerre mondiale. Face à lui se dresse le colonel Faivre, qui fut un résistant. Leur affrontement est un moyen de démontrer que Abdelkader se retrouve finalement dans la même position que son adversaire, à quelques années d’écart … Il combat l’occupation de son pays. Les méthodes des militants algériens sont les mêmes que celles utilisées par les résistants pendant l’occupation allemande. Elles sont décrites dans des films comme L’Armée des Ombres de Jean-Pierre Melville ou Le vent se lève de Ken Loach. Pour moi, Faivre c’est un homme d’honneur fidèle au général de Gaulle, qui fait un travail au nom de la grandeur de la France, de son empire colonial… et de la fidélité au général de Gaulle. Même s’il comprend au cours du film que c’est perdu…

  • Dans le film vous montrez les conflits internes qui déchirent les différents mouvements luttant pour la libération de l’Algérie.

Oui, je l’évoque à travers une scène… C’est aussi un sujet sur lequel on pourrait faire dix films. Il y avait de nombreux choix à faire pour Hors-la-loi, car il y avait tellement de choses à dire sur d’autres repères historiques qu’on risquait de perdre le fil du récit, à savoir le destin de trois frères. De même que je voulais parler du fait que des Français ont aidé les Algériens parce qu’ils trouvaient leur cause juste. L’imprimeur communiste qui a fait des faux-papier pour la Résistance française puis pour les militants du FLN (ndlr, Front de Libération Nationale)… C’est un personnage réel que j’ai rencontré, de même que des artistes, des avocats, des curés… A l’époque, une grande majorité des Français pensait que ces sympathisants étaient des traîtres et finalement l’histoire leur a donné raison. Il fallait évoquer tout cela… Mais encore une fois, une scène suffit.

  • Sur la forme, avec Hors-la-loi vous avez choisi de mêler les genres cinématographique. C’était un risque ?

Indigènes était un film de genre, à savoir un film de guerre. Là, j’ai essayé de mêler plusieurs dimensions au traitement de l’histoire, la dimension politique, le genre policier, les costumes, les décors… j’étais inquiet mais finalement je pense que pour le spectateur ça marche. Je ne voulais pas refaire L’Armée des ombres ou La Bataille d’Alger

  • Comment avez-vous travaillé avec les trois acteurs pour explorer les rapports qui unissent ou divisent la fratrie ?

Dans ce cas précis, je travaille avec des acteurs que je connais depuis longtemps et avec lesquels je retravaillerai. On a parlé longtemps en amont de ce que serait le film, pendant l’étape de l’écriture notamment. Du coup quand on arrive sur le tournage, ils ont eu en main plusieurs versions du scénario, et tout se met en place facilement. Il y a eu 4 ans entre le début du projet et la fin. Cela nous a donné le temps de parler du profil de chaque personnage…

  • Après Indigènes et Hors-la-loi, il y aura une troisième volet ?

J’y réfléchis et il y en aura un mais pour l’instant j’ai deux autres projet plus intimistes qui se dérouleront aux Etats-Unis en Californie et dans le Michigan. Des films moins lourds qui ne demandent pas 4 ans ! J’aime bien revenir à des histoires où il y a peu de personnages, dans la veine de London River

  • Vous avez tourné à New york (Little Sénégal) et avant ça en Louisiane (Baton Rouge). Qu’est ce qui vous attire tant aux Etats-Unis ?

Il y a beaucoup de grands films et de grands réalisateurs américains… Et j’aime bien que le cinéma me fasse voyager. Ici les décors de cinéma sont intéressants. Après un tournage à l’étranger, peu importe si les thèmes sont les mêmes, lorsque je rentre en France pour traiter, un sujet disons « bien français » je me sens un peu neuf… J’aime les décors neufs.

Bouchareb: «tout dire sur le passé colonial en Algérie pour se réconcilier»

[AFP – le 28 octobre 20100] – Le réalisateur Rachid Bouchareb, venu présenter son film Hors la loi au Qatar, estime nécessaire de « tout dire » sur le passé colonial pour pouvoir réconcilier les deux peuples algérien et français avec leur passé commun.

« Les choses vont se régler et les relations [entre la France et l’Algérie] vont aller plus loin quand le passé colonial sera évoqué, complètement évoqué, et que tout sera dit », affirme le réalisateur franco-algérien dans une interview accordée à l’AFP en marge du festival de Doha-Tribeca.

Pour Rachid Bouchareb, dont le dernier film retrace le parcours de trois frères ayant survécu aux massacres de Sétif en mai 1945, il est important « qu’on accepte que les Algériens puissent aussi raconter leur histoire ». […]

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