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Édition du 1er au 15 février 2025
L'ANPNPA était venue dénoncer la décision du conseil municipal.

Marignane entretient la mémoire partisane de l’OAS

Lors de sa réunion du 27 octobre 2010, le conseil municipal de Marignane a approuvé le retour à l’intérieur du cimetière Saint-Laurent Imbert de la stèle d’hommage « aux combattants tombés pour que vive l’Algérie Française ». La majorité “divers droite” du maire Éric Le Dissès et l’UMP menée par Daniel Simonpieri, ex FN-MNR, ont voté la délibération. Seules deux élues, Marie-Claude Gargani, communiste, et Christane Azam, responsable locale du MRAP, ont voté contre, tandis que les trois socialistes s’abstenaient – après une explication de vote absolument consternante de leur chef de file. A la suite du reportage de Jean-Baptiste Malet qui a assisté à cette réunion du conseil municipal, vous pourrez prendre connaissance du communiqué commun publié par trois associations, ainsi que des réactions du NPA Est Etang de Berre et du PCF 13 qui dénoncent cette décision.
[Mis en ligne le 28 octobre 2010, mis à jour le 2 novembre]

Marignane vote le retour de la stèle des ex-OAS

par Jean-Baptiste Malet, Bakchich info, le 28 octobre 2010

Le retour de l’incroyable stèle de Marignane a été approuvé par la majorité DVD d’Éric Le Dissès et par l’opposition UMP menée par Daniel Simonpieri. Après son apologie de l’OAS, les trois élus socialistes se sont… abstenus.

« Imaginons un instant que ça se soit passé différemment et que l’Algérie soit restée française. Comment les appellerait-on, aujourd’hui, les membres de l’OAS ? ». Sur le parvis de la mairie de Marignane, une heure avant le conseil municipal qui devait délibérer mercredi soir sur une convention entre l’Amicale pour la défense des intérêts moraux et matériels des anciens détenus et exilés politiques de l’Algérie français (Adimad) et la Mairie, les discussions vont bon train.

En attendant que le conseil municipal procède au vote entérinant le retour de la stèle éminemment polémique, les membres de l’Amicale des Oranais des Bouches-du-Rhône s’échauffent : « Pour nous, l’OAS, ce sont des résistants, des héros, des sauveurs. ». Un autre membre ajoute : « Manouchian, il tuait. Mais Bastien Thiry, lui, n’a tué personne. Il a loupé de Gaulle. Et c’est dommage. »

Venus à près de 70 supporters appuyer la décision du maire Éric Le Dissès, la plupart ne sont pas encartés, mais certains émargent au FN ou à l’UMP. « Toute la communauté pied-noire soutient la stèle », affirme Élisabeth Mira, élue d’opposition UMP, jadis FN, membre du groupe de l’ancien maire Daniel Simonpieri. « C’est faux !, riposte Michelle Ballanger, trésorière de l’Association nationale des pieds-noirs progressistes et leurs amis, l’ANPNPA. Nous sommes venus en tant que pieds-noirs pour contredire ces nostalgériques qui ne sont pas représentatifs de la communauté », explique-t-elle, avec à ses côtés une quarantaine de contre-manifestants, dont certains du PCF ou du NPA.

Cantonales en vue

Outre les conversations mémorielles, les cantonales de mars 2011 sont sur toutes les lèvres. Et personne ne peut s’empêcher de penser qu’Éric Le Dissès s’apprête à se présenter. Avant de pénétrer dans la salle du conseil, Pierre Manfredi, candidat à la candidature au titre du FN dans le canton de Marignane, mais également ancien 1er adjoint de Daniel Simonpieri avec lequel il est aujourd’hui fâché, raconte : « Au soir du premier tour des régionales, je sais que Jean-Marie Le Pen a appelé Le Dissès pour le féliciter. ». Quant à Frédéric Boccaletti, le secrétaire régional en Paca du FN, il va plus loin : « Nous sommes très contents de cette décision et nous saurons ne pas l’oublier. Éric Le Dissès nous avait déjà prêté une salle gratuitement à l’entre-deux tours des régionales. Et si demain il a l’intention de nous rejoindre, il est le bienvenu ! ». Mais au sujet de ce canton où le FN est devenu incontournable, Éric Le Dissès ponce sa langue de bois : « Il n’est pas encore temps de parler de ce scrutin. »

Relativement calme du premier à l’avant dernier point de l’ordre du jour, le conseil municipal s’est brusquement transformé en une poudrière lorsque le maire a présenté sa convention avec l’Adimad, afin « d’assurer le devoir de mémoire ». Et après une présentation drapée de convenance et garnie de phrases ampoulées, vint l’heure des prises de parole de l’opposition.

« Le droit de fleurir les héros morts »

C’est ainsi que Daniel Simonpieri, actuel conseiller général UMP en campagne pour sa réélection, s’est livré à la toute première apologie publique de l’OAS par un élu UMP, sans même que ses « combattants » ne soient évoqués par un quelconque second degré, comme c’est souvent le cas pour bon nombre d’élus nostlagériques de la région Paca. Simonpieri a ainsi revendiqué « le droit de fleurir les héros morts, militaires et civils, et aussi ceux qui ont choisi la voie de l’honneur, combattant ceux et celui qui avaient renié leur parole. [Ainsi que] le droit de fleurir, comme à Perpignan ou à Théoule-sur-Mer, les 119 membres de l’Organisation Armée Secrète, commandée par le Général Salan ». Avant de conclure en citant le chef des commandos de la mort Roger Degueldre sous les applaudissements.

Le haro fut en revanche général lorsque la communiste Marie-Claude Gargani prit la parole. Avec Christane Azam, responsable locale du MRAP, elles sont les deux seules élues à avoir voté contre la délibération, tandis que les trois socialistes (Vincent Gomez, Christiane Lantermo et Michel Gini) ainsi qu’un élu de la majorité (Jean Brunel, du parti « Le Trèfle »), ont préféré s’abstenir.

« Le discours tenu par les communistes aurait pu l’être il y a 50 ans. Le discours de Simonpieri également », considère le leader PS Vincent Gomez, que les communistes ont rebaptisé « Ponce-Pilate » pour l’occasion. « Quand on en arrive à une situation où des gens souffrent de ce passé, je dis ça suffit. Mon abstention va peut-être m’attirer des remontrances, mais j’ai parlé avec mon cœur. Je veux que cette histoire soit apaisée. François Mitterrand lui même a amnistié les généraux putschistes en 1982. Le pardon n’est pas l’oubli. »

Quand le conseil municipal se termine, alors que des partisans de la stèle entonnent le chant des Africains et qu’à l’extérieur des militants crient : « Non à la stèle OAS ! », le sulfureux Daniel Simonpieri s’amuse du vote PS inattendu : « Vincent Gomez n’est pas idiot, il sait qu’il y a beaucoup de Pieds-Noirs à Marignane… ». Plus tard, le socialiste est pris à partie par des pieds-noirs progressistes devant la mairie. Michelle Ballanger, déterminée, l’interpelle : « Et bien bravo ! Vous êtes un lâche ! Votre position, dans un tel contexte, c’est une position qui approuve ! ».

Recours

Loin des querelles internes à la gauche, Jean-François Collin, le président de l’Adimad, prépare déjà la prochaine manche : « Si l’on gagne notre pourvoi en cassation, on remettra les dates de la stèle initiale », déclare-t-il, évoquant ainsi les dates des exécutions des fusillés de l’OAS que la convention fraîchement signée avec la mairie exclut, en théorie, de voir à nouveau figurer sur le monument…

Mais Jean-François Gavoury, qui avait obtenu justice en 2008 contre la stèle, prévient : « Dans les jours à venir, il appartiendra à l’autorité préfectorale, à l’autorité judiciaire, aux veuves et descendants de victimes de l’OAS ainsi qu’aux organisations et associations qui les soutiennent de se déterminer sur les suites à donner à l’ensemble de ces provocations ».

La nouvelle bataille de Marignane ne fait que commencer.

Jean-Baptiste Malet

L'ANPNPA était venue dénoncer la décision du conseil municipal.
L’ANPNPA était venue dénoncer la décision du conseil municipal.

Trois associations, l’Association nationale pour la protection de la mémoire des victimes de l’OAS (ANPROMEVO), l’association Les amis de Max Marchand de Mouloud Feraoun et de leurs Compagnons, et l’Association nationale des pieds noirs progressistes et leurs Amis (ANPNPA), ont publié le communiqué suivant :

Communiqué commun1

le 28 octobre 2010

La justice bafouée, l’OAS glorifiée au conseil municipal de Marignane

L’installation en juillet 2005 d’un cénotaphe dédié à l’OAS dans l’enceinte du cimetière Saint-Laurent Imbert de Marignane (Bouches-du-Rhône), à l’initiative conjointe de l’association d’anciens activistes dénommée « ADIMAD » et du maire Daniel Simonpieri, a été à l’origine de plusieurs contentieux dont le Conseil d’État est à présent saisi.

Pour parvenir à un règlement, avant les élections cantonales de mars 2011, de la situation créée par le démantèlement de ce monument tel qu’ordonné par le tribunal administratif de Marseille le 7 juillet 2008 et devenu effectif quatre mois plus tard, l’actuel maire de Marignane, Éric Le Dissès, et le président de l’Adimad, Jean-François Collin, ont prévu la réimplantation de la stèle en question par voie de convention : le mercredi 27 octobre en soirée, le texte en a été soumis à une délibération du Conseil municipal qui en a majoritairement approuvé le principe et les dispositions.

La réinstallation du cénotaphe sur son emplacement d’origine représente à la fois :
– un refus de l’hommage de la ville à toutes les victimes, civiles et militaires, de la guerre d’Algérie ;
– une discrimination mémorielle, matérialisée, sur la stèle elle-même, par la valorisation de la présence coloniale française en Algérie et la mise en avant d’un condamné à mort de l’OAS ;
– un mépris des quelque 2.700 victimes militaires et civiles de cette organisation criminelle, parmi lesquelles des élus, des magistrats, des fonctionnaires, des enseignants, des représentants des forces de l’ordre, reconnus pour certains « Morts pour la France » ;
– un affront fait à la justice, dans la mesure où l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Marseille d’avril 2010 qui avait consacré l’illégalité de la stèle et validé le jugement de juillet 2008 ordonnant son retrait du domaine public est frappé par l’Adimad d’un recours en cassation sur lequel le Conseil d’ État n’a pas encore statué.

En passant convention avec l’Adimad au nom de la commune, Éric Le Dissès va plus loin que son prédécesseur Daniel Simonpieri, puisque cet acte l’amène à apposer sa signature en regard de celle de Jean-François Collin, qui, en février 1962, participa, à l’intérieur de l’hôpital militaire du Val-de-Grâce à Paris, à une tentative d’assassinat dirigée contre Yves Le Tac, compagnon de la Libération et frère d’un ministre gaulliste.

Pire, Éric Le Dissès a favorisé l’apologie publique par Daniel Simonpieri des crimes de guerre commis par l’OAS ou en son nom en 1961-1962, comme en atteste l’extrait ci-après de sa déclaration durant la séance en question du conseil municipal : « [Les pieds noirs] ont le droit de fleurir leurs héros morts, militaires et civils, et aussi ceux qui, pour moi, ont choisi la voie de l’honneur, combattant celui et ceux qui avaient renié leur parole. Ils ont le droit de fleurir les noms, comme à Perpignan ou à Théoule-sur-Mer dans les Alpes-Maritimes, des 119 membres engagés dans l’Organisation de l’armée secrète, commandée par le Général Salan. ».

Dans les jours à venir, il appartiendra à l’autorité préfectorale, à l’autorité judiciaire, aux veuves et descendants de victimes de l’OAS ainsi qu’aux organisations et associations qui les soutiennent – au sein du monde combattant notamment – de se déterminer sur les suites à donner à l’ensemble de ces provocations.

Signataires :

– Jean-François Gavoury, président de l’ANPROMEVO
– Jean-Philippe Ould Aoudia, président de l’association Marchand-Feraoun
– Jacques Pradel, président de l’ANPNPA

Communiqué NPA Est Etang de Berre

Quelle mouche a piqué le Maire de Marignane?

Le NPA Est Etang de Berre dénonce la décision du Maire, présentée au conseil municipal du 27 octobre 2010, de réimplanter la stèle des nostalgiques d’une Algérie française qui n’a jamais existé et qui n’existera jamais. Cette décision dont le but est clairement la récupération d’un électorat d’extrême droite qui avait permis son élection mais qui lors des dernières élections est retourné au bercail et risque de faire défaut aux cantonales et municipales. Nous nous étonnons aussi de voir prendre cette décision alors que le recours engagé par l’ADIMAD en cassation n’a pas encore été examiné.

Mais d’autres raisons sont aussi à l’origine de notre engagement à lutter contre cette réimplantation.

D’une part le Maire s’était engagé au moment de l’enlèvement de la stèle à faire ériger à son emplacement un monument dédié à l’ensemble des morts de la guerre d’Algérie mais aujourd’hui cédant à la pression, il rétablit la stèle de la honte, celle des nostalgiques du colonialisme oubliant par la même toutes les victimes de celui-ci.

D’autre part les engagements pris entre la mairie et l’ADIMAD ne sont pas de nature à nous satisfaire. En effet, rien n’empêchera les commémorations à la mémoire des activistes de l’OAS fusillés pour leurs actions contre la République, en particulier le dépôt de gerbes sur lesquelles figureront les portraits de ces activistes, gerbes qui avaient déjà souillé le cimetière municipal. De même, les inscriptions retenues ne vont nullement dans le sens d’un apaisement entre la France et l’Algérie près de 50 ans après la fin de cette guerre. Que sont devenues pour Monsieur le Maire les victimes des jusqu’aux boutistes de l’Algérie française??

Devant cette manipulation politicienne et historique, le NPA Est Etang de Berre s’engage à participer à toute action destinée à obtenir l’empêchement définitif de cette stèle sur le territoire de la commune de Marignane, mais aussi partout en France.

Déclaration du parti communiste des Bouches du Rhône2

Non à la stèle du déshonneur !

On croyait en avoir fini avec la stèle dressée en l’honneur de l’OAS à Marignane. Mais une délibération présentée en conseil municipal vise tout simplement à la réhabiliter. Et les modifications sournoises dont elle pourra faire l’objet n’enlèveront rien à l’infamie de l’intention qui l’a fait naître.

La République ne peut accepter que l’on continue de faire l’apologie de l’Algérie française, des combattants de l’OAS et de la colonisation. Ces dernières années, de façon récurrente, nous assistons à des tentatives de réécriture de l’histoire qui doivent être fermement combattues.

Nous craignons que ces tentatives ne soient encouragées par les atteintes portées ces derniers temps aux fondements de notre République. Ceux qui veulent ou acceptent que l’on associe à nouveau Marignane à cette cause détestable salissent une fois de plus le nom d’une ville qui ne mérite pas cela.

Avec Marie-Claude Gargani, conseillère municipale et l’ensemble des communistes, je veux dire notre révolte devant ce nouvel épisode et j’appelle les autorités à empêcher l’application d’une telle délibération, en vertu des jugements déjà prononcés. Il est plus que temps de regarder notre histoire en face et de travailler à l’amitié et à la solidarité entre les peuples.

  1. Les associations signataires :

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