par Saskia Cousin, anthropologue, sociologue et professeure à l’Université Paris Nanterre, diffusé sur France culture le 25 septembre 2025.
La France poursuit son travail au long cours de restitution d’objets d’art spoliés : le ministère de la Culture a annoncé récemment que trois tableaux de Fédor Lowenstein, peintre juif tchécoslovaque ont été rendus à la famille de l’artiste après plus de 80 ans dans les réserves du Louvre puis du Musée d’Art moderne. Fin août, ce sont trois crânes coloniaux conservés dans des collections publiques qui ont été remis par la France à Madagascar. Mais même si le nombre de restitutions augmente, elles se font toujours au compte-goutte. Aucune loi cadre n’existe en effet pour le moment pour statuer sur l’avenir de ces milliers d’objets réclamés par des pays étrangers, dont la majorité sont des anciennes colonies françaises. Un argument revient souvent dans le débat : les pays demandeurs ne seraient pas en mesure d’offrir à ces objets de bonnes conditions d’exposition et de conservation. Pour l’anthropologue Saskia Cousin, il s’agit néanmoins d’un argument fallacieux :
« La question des musées est souvent vue d’un prisme français qui, pour des raisons historiques extrait toute sacralité et toute vitalité des objets. Mais il y a plein d’autres formes de musées comme les musées autochtones où les objets rentrent et sortent, font l’objet de rituels et puis reviennent. (…) Je trouve étrange qu’on demande des garanties : on vous rend des objets à condition que ce soit exposé de manière patrimoniale. Mais qu’est-ce qui définit une exposition patrimoniale ? C’est justement la difficulté pour beaucoup de musées africains de sortir de cette conditionnalité des conservations, alors même qu’on pourrait avoir d’autres propositions, qui sont par ailleurs validées de façon internationale. »
Saskia Cousin fait partie du programme « Retours : géopolitiques, économies et imaginaires de la restitution ». Elle a publié en 2024 aux Presses universitaires de Paris Nanterre l’ouvrage Kouton, Ogun et les Matrimoines.