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Édition du 1er au 15 septembre 2025

A Bobigny et à Vénissieux, des hommages ont été rendus à Djamila Amrane et Annie Steiner


« J’ai participé à l’inauguration du nouveau bâtiment culturel “Annie Steiner” de Vénissieux »

par Bernard Deschamps, ancien député communiste, publié sur son Blog le 27 août 2025.

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J’ai participé mardi 26 août à l’inauguration du bel édifice culturel réalisé par la mairie de Vénissieux, et baptisé du nom de la mujâhida algérienne, Annie Steiner, aux côtés de Madame la maire, Michèle Picard et de Mme Edith Steiner-Meier, la fille d’Annie Steiner, qui remercia chaleureusement la municipalité de Vénissieux pour ce geste.

Le Centre Annie Steiner. Au-dessous, de gauche à droite, M. le consul général adjoint d’Algérie, Mme Edith Steiner-Meier et Mme Michèle Picard, maire de Vénissieux. Photos Emmanuel Foudrot.

Invité à prendre la parole, j’ai rappelé le parcours d’Annie Fiorio-Steiner dont la mère était institutrice et le père directeur d’hôpital. Annie Steiner, alors qu’elle était déjà maman, s’engagea pour l’indépendance de l’Algérie et rejoignit les rangs du Front de Libération Nationale (FLN) sous les ordres de Yacef Saâdi dans la Casbah d’Alger. Contrairement à ce qui a été parfois écrit, elle ne fut pas une porteuse de bombes. Elle était agent de liaison. Et à ce titre, bien qu’elle ne fut pas communiste, c’est elle qui, en mai 1956, mit en relation les dirigeants du Parti communiste algérien, Bachir Hadj Ali et Sadek Hadjeres et les représentants du FLN, Abane Ramdane et Benyoucef Benkhedda, qui décidèrent de l’intégration individuelle des communistes au FLN. Arrêtée et condamnée, Annie Steiner fut incarcérée successivement dans six prisons dont celle de Serkadji (Barberousse) à Alger où elle assista le 11 février 1957 à l’exécution de Fernand Iveton, de Mohamed Ounouri et Ahmed Lakhnache. Ce crime lui inspira le poême « Ils ont osé… Ce matin ils ont osé vous assassiner », car Annie Steiner était une poétesse très proche du grand poète algérien Jean Sénac.

Juriste de formation, à l’indépendance en 1962, elle intégra le Secrétariat général du  gouvernement de la République algérienne, puis fut nommée directrice de l’Administration centrale. Elle vécut dans ces hautes fonctions, toutes les avancées progressistes de l’Algérie indépendante, dans la santé (les pandémies vaincues), l’enseignement (53% des Algériennes d’aujourd’hui ont suivi un enseignement supérieur), l’économie, les nationalisations, l’électrification des campagnes…

Je l’ai connue les dernières années de sa vie et je lui rendais visite lors de chacun de mes séjours à Alger. Aimée et connue de la population, les gens dans la rue l’abordaient pour lui baiser les mains. D’une extrême modestie, elle avait l’habitude de dire, je n’ai fait que mon devoir et elle ajoutait : « L’Algérie est ma patrie… Ma patrie est l’Algérie ! »

La décision de donner son nom à ce bel équipement culturel fait honneur à la municipalité à direction communiste de Vénissieux et à sa maire, Mme Michèle Picard. Elle est une contribution importante à l’amitié entre les peuples algérien et français et entre nos deux pays.

Dans la nombreuse assistance qui assistait à cette inauguration, outre les personnes déjà citées, on notait la présence de M. le consul général adjoint de la République algérienne à Lyon ; de M. Nacer Khamla, premier adjoint ; de Mme Sophia Brikh, M. Bayrem Braïki, M. Aurélien Scandalora et des élus municipaux ; des représentants des associations, des responsables des services municipaux et des différents organes de presse.

Mme la préfète du Rhône, représentant l’Etat, en désaccord avec la décision de donner le nom d’Annie Steiner à cette réalisation municipale, était absente, ayant décliné l’invitation qui lui avait été adressée.


Comme l’extrême droite, l’État refuse les réalités humaines de la guerre d’Algérie 

par Nils Andersson, éditeur à Lausanne pendant la guerre d’Algérie de livres dénonçant la torture qui étaient interdits en France, le 27 août 2025.

Le 5 juillet 2025, la Maison du parc de la Bergère à Bobigny (93) a reçu le nom de la résistante algérienne Djamila Amrane-Minne. Le 19 juillet, elle a été taguée : « assassins », « terroristes », « traitres », quelques jours après, de nouveaux tags de haine sont apparus, et, dans la nuit de 4 au 5 août, et la Maison du parc a été incendiée. Le feu a pris sous le nom de Daniele Djamila Amrane-Minne apposé sur le fronton. Actes racistes, de l’extrême droite, plainte a été déposée par le conseil départemental auprès du procureur de la République.

Ce mardi 26 août, à 11 heures, la Ville de Vénissieux a inauguré un nouvel équipement polyvalent pour les jeunes de 11 à 17 ans, espace collaboratif de fabrication et médiathèque.

Il a été soutenu à hauteur de 1,7 million d’euros par l’État dans le cadre de la politique de la ville. Mais la sous-préfète en charge de la politique de la ville, Anne Laybourne, annoncée dans l’invitation, ne devrait pas être présente : l’État a fait savoir dans un communiqué plutôt sec qu’il « désapprouve la dénomination choisie » pour le bâtiment.

En l’occurrence, Annie Steiner. « Ce choix extrêmement contestable de valoriser le nom d’une Française militante du Front de libération nationale (FLN), complice, à l’époque, de la lutte armée, est de nature à diviser nos concitoyens. La préfète du Rhône ne peut pas partager ce choix qui va à l’encontre de l’esprit qui a guidé à la création de ce nouvel outil de cohésion sociale et d’échange intergénérationnel au service des habitants de Vénissieux ».

En suggérant à Vénissieux de trouver un autre nom, l’État assure qu’aucun représentant n’assistera à la cérémonie « afin de signifier la désapprobation pleine et entière de la préfète du Rhône, Fabienne Buccio ».

Annie Steiner a lutté contre la colonisation. En 1956, elle a été arrêtée et emprisonnée à la prison Barberousse à Alger, où elle a rencontré d’autres combattantes pour l’indépendance de l’Algérie. Elle a ensuite été transférée en France avant d’être libérée en 1961. Dès l’indépendance de l’Algérie en 1962 elle a choisi la nationalité algérienne et est retourné vivre dans son pays.

Le magazine Expressions, édité par la municipalité, a rappelé que le choix avait été validé en conseil municipal, l’adjointe au maire Sophia Brikh l’expliquant ainsi : « Refusant de voir le système colonial réduire les Algériens à la misère et à l’exploitation, Annie Steiner plaçait les valeurs de liberté au-dessus de tout, ce qui l’amènera à adhérer au Front de libération national ». Au cours d’un voyage en Algérie en 2022, « nous avons alors découvert ces hommes et ces femmes, Français ou Algériens de naissance, qui ont combattu ensemble et d’une seule voix le racisme et le colonialisme pour leurs valeurs humanistes. Annie Steiner était de ceux-là. »


Un article du journal Le Progrès



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