Publié le 10 juillet 2025 par la Fondation pour la mémoire de l’esclavage
Le Prix de thèse de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage récompense chaque année une thèse en sciences humaines et sociales portant sur l’histoire de la traite, de l’esclavage et des abolitions à l’époque coloniale ou sur ses conséquences dans le monde actuel. Il est le seul prix qui couronne les travaux en français des chercheuses ou chercheurs sur ces thèmes.
Pour la première fois, le jury a remis le Prix de thèse de la FME à deux lauréat.e.s ex æquo : Domitille de Gavriloff et Melaine Harnay.
Le jury constitué de membres du Conseil scientifique était présidé par Audrey Célestine, Présidente du Conseil scientifique de la FME, et composé de Charles Forsdick, Jean Hébrard, Cécile Fromont, Tina Harpin, Bruno Maillard, Jean Moomou et Jean-Marie Théodat.
Les lauréats :
Domitille de Gavriloff
La porte étroite. Missions d’évangélisation et esclavage racial en Martinique et à Saint-Domingue (1635-1789).
Thèse en histoire sous la direction de Cécile Vidal, directrice d’études de l’EHESS.
- Résumé :
« Cette thèse d’histoire sociale et religieuse s’intéresse à la mise en œuvre des missions d’évangélisation auprès des esclaves africains et afro-descendants dans deux îles de la Caraïbe française, Saint-Domingue et la Martinique, entre 1635 et 1789.
Dépassant toutefois le cadre d’une histoire des missions, il s’agit d’éclairer le processus complexe de la construction de sociétés coloniales à la fois esclavagistes, catholiques et fortement marquées par la race. En effet, l’entreprise esclavagiste française dans la Caraïbe repose notamment sur l’évangélisation des populations africaines et afro-descendantes, qui constitue pour les autorités coloniales et la monarchie l’une des modalités de légitimation du recours à l’esclavage dans les colonies.
Pourtant, dès la première moitié du XVIIe siècle, le postulat universaliste d’égalité spirituelle entre chrétiens aux sources de cette politique d’évangélisation se heurte à la mise en place et à la consolidation dans ces colonies d’un esclavage racial, c’est-à-dire un système esclavagiste qui cible les population africaines et afro-descendantes et postule que celles-ci auraient une vocation singulière pour l’esclavage.
Dépassant cette apparente contradiction, ce travail montre combien la mise en pratique de l’évangélisation des esclaves a représenté l’un des piliers de cet esclavage racial, sans que la doctrine du salut universel qui en est le moteur remette en cause l’ordre socio-racial. »

Melaine Harnay
A Journey to River Road : représentation et mémorialisation de l’esclavage dans les plantations touristiques de Louisiane
Thèse en études anglophones sous la direction d’Hélène LE DANTEC-LOWRY, Professeur des universités à l’Université Sorbonne-Nouvelle.
- Résumé :
« Cette thèse a pour objet les plantations touristiques d’une région de Louisiane, connue sous le nom de « River Road », qui s’étend principalement le long du fleuve Mississippi entre les villes de La Nouvelle-Orléans et de Bâton Rouge et ses environs. Ces lieux, qui constituent quelques-uns des vestiges les plus emblématiques du passé esclavagiste de cet État du Sud des États-Unis, sont aujourd’hui des destinations majeures de l’industrie du tourisme de la région – avec plusieurs centaines de milliers d’entrées chaque année.
Dans ces anciennes plantations esclavagistes reconverties en sites touristiques, les visiteurs et visiteuses prennent part, dans la plupart des cas, à un parcours guidé dont le récit et la muséographie des espaces aménagés prêtent attention, à des degrés divers, à l’histoire de l’esclavage et à celle des populations noires asservies, avec des disparités souvent significatives d’un site à l’autre en termes de représentation, de mémorialisation et de médiation de leur passé esclavagiste.
Dans cette région qui fut le berceau du système esclavagiste de ce que l’on appelait alors la Basse-Louisiane, le labeur des personnes d’ascendance africaine réduites en esclavage fut la force motrice de la culture de l’indigo au XVIIIe siècle puis, surtout, de la canne à sucre tout le long du XIXe siècle. Pourtant plusieurs de ces plantations touristiques s’inscrivent depuis des décennies dans une logique d’effacement de la violence de l’esclavage et de dissimulation des expériences de vie des individus esclavisés, au profit d’une approche qui met en valeur l’histoire des propriétaires blancs.
Depuis la fin des années 1990 et particulièrement au cours des années 2010, toutefois, certains de ces sites ont décidé de transformer leurs pratiques représentationnelles, mémorielles et muséographiques, afin de mieux y intégrer l’histoire des populations noires asservies.
Au cours de ma recherche, j’ai cherché à comprendre les choix expliquant ces stratégies, anciennes et nouvelles, pour mieux en saisir leurs évolutions. »