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Niqab, burqa, hidjab et tchador.

Mardi 26 janvier 2010 : journée de la burqa

Le rapport de la mission d'information parlementaire sur le port du voile intégral, rendu public mardi 26 janvier 2010, propose de mettre en place un dispositif législatif visant à bannir la burqa et le niqab dans les services publics et les lieux d'accueil du public – cela inclut les transports, les écoles, les hôpitaux, les banques, la Poste... – mais il ne préconise pas d'interdiction générale dans l'espace public1. Au cours de ses six mois d'existence, la mission a auditionné plus de 200 personnes2 à propos d'un phénomène resté marginal – selon le ministère de l’Intérieur, 1900 femmes porteraient le voile intégral en France. L'importance prise par ce thème, parallèlement au débat sur l'identité nationale fertile en dérapages, a été souvent ressentie comme une stigmatisation de la religion musulmane et des personnes considérées – à tort ou à raison – comme étant d'“origine musulmane”. Jamel Debbouze et Alain Gresh en témoignent ci-dessous. Pour le sociologue Vincent Geisser, le débat sur le sujet a déjà produit des effets pervers: «Beaucoup de musulmans, au départ très hostiles au port du niqab, sont devenus compatissants envers ces filles, parce qu’ils se sentent visés collectivement, notamment à travers le débat sur l’identité nationale. Il y a un risque que des gens commencent à le porter par réaction, que le niqab devienne un étendard.3» Le New York Times ne mâche pas ses mots : dans son éditorial, il accuse Sarkozy d'«attiser la haine».
[Mise en ligne le 26 janvier 2010, complétée le 28]

Niqab, burqa, hidjab et tchador.
Niqab, burqa, hidjab et tchador.

La journée de la burqa1

On n’a pas encore instauré la journée de la jupe, journée que revendiquait Isabelle Adjani dans le film du même nom. En revanche, se multiplient les journées de la burqa qui permettent, enfin, de mobiliser la société pour une noble cause, celle des femmes opprimées. La prochaine journée d’indignation collective aura lieu mardi 26 janvier, quand la mission parlementaire sur le voile intégral remettra son rapport au président de l’Assemblée nationale.

Un article du Monde daté des 24-25 janvier, intitulé « Drôle d’attelage contre la burqa », signé de Stéphanie Le Bars et Patrick Roger et surtitré « L’un est communiste, l’autre très à droite », dresse le portrait des deux députés qui ont conduit les travaux, André Gérin, communiste, et Eric Raoult, UMP. En conclusion, M. Gérin défend « une fraternité d’armes : nous sommes tous les deux des soldats ». Face aux menaces contre l’identité nationale, l’union sacrée entre un député représentant les franges les plus à droite de l’UMP et un communiste paraît tellement naturelle. Nous sommes en guerre, et, contre l’ennemi de la nation, il faut nous unir. En 1914 déjà, la Section française de l’internationale ouvrière (SFIO) communiait avec la droite contre les « Boches » (pour ne pas dire les Allemands). Désormais, le combat contre les islamistes (pour ne pas dire les musulmans) appelle la même unanimité.

Ce qui n’empêche ni les déchirements, ni les débats entre groupes parlementaires, ou à l’intérieur même de ceux-ci : de petites querelles qui cachent surtout des ambitions personnelles et que l’on ne peut que regretter alors que la patrie est en danger. La mission d’information avait pourtant montré une grande mobilisation des députés, unanimes à dénoncer le danger islamiste, et Jean Glavany avait pu, lors de l’audition de Tariq Ramadan, dénoncer l’invitation même de ce personnage trouble qui venait témoigner : pas de liberté pour les ennemis de la liberté.

Certains feignent de ne pas comprendre. En 2004, la commission Stasi avait préconisé l’interdiction des signes religieux ET politiques dans les écoles, une manœuvre qui laissait croire que la neutralité de nos établissements scolaires était menacée par autre chose que par le foulard. La représentation nationale a justement rectifié le tir et interdit le foulard (enfin, « les signes religieux »…) Il suffit de suivre l’actualité : du Yémen à nos banlieues, de la burqa à l’Afghanistan, plane sur l’Occident une menace contre laquelle il faut lever l’étendard de la Croisade (et pendre, à l’occasion, tous les traîtres de l’intérieur, tous les complices des nouveaux nazis).

Il en va de nos libertés et surtout de celles des femmes. Car la femme française, comme ses congénères occidentales, est enfin libérée : elle a obtenu l’égalité des salaires, elle occupe la moitié des sièges à l’Assemblée nationale et au gouvernement, elle ne subit aucune violence conjugale et les hommes partagent, dans la joie, les tâches domestiques et l’éducation des enfants. Et toutes ces conquêtes sont menacées par un voile noir qui s’abat sur la France. Aux armes citoyens ! Mobilisons-nous dans l’unité, gauche et droite, contre ce péril vert (ou noir, au choix).

Le 26 janvier sera donc une « journée de la burqa ». Mais que l’on se rassure : ce ne sera pas la dernière. Et nous savons déjà que nous aurons à nous mobiliser encore. Après le foulard, les minarets suisses2, la burqa, quel sera le prochain thème ? Il y en aura un, cela ne fait pas de doute, et nous en sommes rassurés, car tant de causes justes se présentent à nous et à nos soldats, tant de vies à sauver, de femmes à libérer, de régimes obscurantistes à détruire, de l’Afghanistan à l’Irak…

Le 24 janvier 2010

Alain Gresh

Jamel Debbouze dénonce le débat sur la burqa

[AFP 26/01/2010 12:08]

« La burqa n’est même pas un épiphénomène, ça concerne 250 personnes : qu’est ce qu’on vient nous faire chier avec ce truc », a estimé l’humoriste Jamel Debbouze sur France Inter aujourd’hui, dénonçant un débat sur la burqa « xénophobe ».

« Encore une fois, c’est xénophobe, voilà. Et les gens qui vont dans ce sens là sont des racistes », a ajouté l’humoriste à propos des préconisations de la mission parlementaire sur le voile intégral rendues mardi.

Jamel Debbouze a également fustigé le débat « schizophrénique » sur l’identité nationale qu’il a qualifié d’« insulte ». « Comment ? J’ai encore à me justifier d’habiter dans mon pays », s’est-il insurgé. « C’est schizophrénique. Pointer quels sont les bons Français, les mauvais Français ça me dégoûte. La France a aussi un nouveau visage et il ressemble étrangement au mien et il faut que ça rentre dans les cerveaux », a-t-il ajouté.

Pour l’humoriste, « c’est dangereux, c’est électoraliste et c’est stérile comme débat. »

Le New York Times accuse Sarkozy d’«attiser la haine»

[LEMONDE.FR avec AFP 27.01.10 18h04]

Le grand quotidien américain New York Times s’est invité mercredi dans le débat sur l’interdiction du voile intégral en France, accusant le gouvernement français d’« attiser la haine » dans un éditorial intitulé « Les talibans applaudiraient ».

« Il est facile de voir que les droits des femmes sont violés quand un gouvernement leur ordonne de dissimuler leur corps sous un voile entièrement couvrant », écrit le quotidien new-yorkais dans un éditorial au ton très offensif. « Il devrait être aussi facile de voir la violation quand une commission parlementaire française recommande […] l’interdiction des services publics, dont les écoles, les hôpitaux et les transports publics, aux femmes qui portent ces voiles », poursuit le texte.

UN DÉBAT NATIONAL « IDIOT »

La mission parlementaire pluraliste sur le port du voile intégral a préconisé mardi une loi l’interdisant dans les services publics, transports compris. « Au lieu de condamner les recommandations [de la commission], le président Nicolas Sarkozy semble déterminé à surenchérir », affirme le New York Times, évoquant la position du chef de file des députés UMP Jean-François Copé, qui exige que le voile intégral soit prohibé dans tout l’espace public. Si une telle loi était adoptée, « les talibans seraient contents » mais « le reste du monde devrait manifester sa répugnance », poursuit le texte, ajoutant : « Malheureusement, les responsables politiques français semblent vouloir fermer les yeux devant les violations des libertés individuelles. »

Dans la perspective des régionales en mars, « il est difficile de créer de l’emploi et facile d’attiser les préjugés antimusulmans », continue l’éditorial, ajoutant que pour récupérer des voix à l’extrême droite, « le gouvernement de centre-droit de M. Sarkozy a passé des mois à promouvoir un ‘débat national’ parfois idiot, parfois menaçant sur l’identité française ». « Aucun gain politique ne peut justifier d’attiser la haine », conclut-il.

  1. Reprise du blog d’Alain Gresh : http://blog.mondediplo.net/2010-01-24-La-journee-de-la-burqa.
  2. Voir http://blog.mondediplo.net/2009-11-27-L-Assemblee-nationale-la-burqa-et-les-minarets.
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