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Édition du 1er au 15 décembre 2024

Toulon et Cagnes-sur-Mer : contestation de cérémonies commémorant les “barricades d’Alger”

Plusieurs associations protestent contre les célébrations en région Provence-Alpes-Côte d'Azur du 50e anniversaire des Barricades de janvier 1960 à Alger5. Ces tragiques journées apparaissent en effet comme le début d'une guerre civile qui culmina avec le putsch des généraux d'avril 1961, avant de se poursuivre par le combat sans issue de l'OAS qui devait anéantir toute chance d’un règlement humain de la guerre d'Algérie. A la suite des communiqués de l'ANPNPA, de l'ANPROMEVO et de l'association Les amis de Max Marchand de Mouloud Feraoun et de leurs compagnons, nous reprenons une tribune dans laquelle les présidents des deux dernières associations s'interrogent devant «la mise en œuvre d’une politique de mémoire adossée à la valorisation du fait colonial». Ils demandent si «la France ne serait pas entrée en voie de repentance pour avoir permis la décolonisation de l'Algérie ?».

Communiqué de l’ANPROMEVO et de l’ANPNPA

Paris, Marseille, le 19 janvier 2010

Le cinquantenaire des Barricades d’Alger en PACA : une mémoire décomplexée

Le week-end prochain, d’anciens activistes de l’OAS envisagent de commémorer le cinquantième anniversaire de la journée des Barricades d’Alger, au cours de laquelle les insurgés, en signe de déclaration de guerre contre l’État, ont tiré sur les gendarmes mobiles venus rétablir l’ordre, tuant quatorze d’entre eux et déclenchant alors la première crise grave de la Vème République.

À l’instigation du président du groupe « Front national » au conseil régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur, deux cérémonies, marquées par des discours et dépôts de gerbes, sont prévues : l’une, le samedi 23 janvier 2010 à Cagnes-sur-Mer ; la seconde, le lendemain, à Toulon, en prélude à un meeting de Jean-Marie Le Pen.

Cette initiative n’a d’autre objet que de valoriser les crimes de guerre commis en Algérie par ceux qui devaient, lors du putsch du 21 avril 1961, tourner contre la République les armes qu’ils en avaient reçues.

En visant les villes de Cagnes-sur-Mer et de Toulon, ces manifestations commémoratives constituent une double provocation : en effet, Gabriel Anglade, actuel adjoint au maire de Cagnes en charge des rapatriés et co-organisateur de la première de ces célébrations, figurait parmi les membres du commando de l’OAS qui, le 15 mars 1962, assassina collectivement six inspecteurs des centres sociaux éducatifs à Alger ; quant à la deuxième cérémonie, elle tend à défier, sur le territoire de sa commune, le maire de Toulon, Hubert Falco, qui, en sa qualité de secrétaire d’État à la défense et aux anciens combattants, aurait naturellement vocation à instaurer un hommage national à l’intention de ces quatorze militaires tombés, victimes du devoir, le 24 janvier 1960.

L’Association nationale pour la protection de la mémoire des victimes de l’OAS (ANPROMEVO) a statutairement pour objet de lutter contre toute forme de révisionnisme concernant les faits imputables à cette organisation terroriste. L’Association nationale des pieds noirs progressistes et leurs amis (ANPNPA), pour sa part, rassemble ces pieds noirs qui ont affirmé le droit du peuple algérien à la libre autodétermination que le discours du général de Gaulle venait enfin de reconnaitre et à l’exercice duquel les factieux des barricades ont tenté de s’opposer.

Elles entendent intervenir auprès des ministres de la défense et de l’intérieur ainsi qu’auprès de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur pour que soit prévenu tout risque d’injure publique à l’égard de la mémoire de ces soldats de la République et pour que l’État et la Nation leur expriment officiellement leur reconnaissance le 24 janvier 2010.

L’ANPROMEVO et l’ANPNPA appellent notamment le monde combattant à soutenir leur démarche en dénonçant la commémoration d’événements qui ont conduit à la politique de violences suicidaire de l’OAS.

Elles mettent en garde contre le développement des discours décomplexés sur la colonisation de l’Algérie, d’où qu’ils émanent, dans la mesure où ils portent en germes les formes les plus insidieuses de l’apologie du crime organisé contre l’État.

Pour l’ANPROMEVO et l’ANPNPA

Leurs présidents

Jean-François Gavoury et Jacques Pradel

Communiqué de l’association Les amis de Max Marchand de Mouloud Feraoun et de leurs compagnons

Paris, le 18 janvier 2010

D’anciens Ultras de la colonisation en Algérie envisagent de célébrer la journée des « barricades » le 23 janvier à Cagnes-sur-mer et le lendemain à Toulon.
Le 24 janvier 1960 à Alger, voulant rétablir l’ordre, 14 gendarmes mobiles ont été tués et 125 blessés par les tirs des fusils-mitrailleurs servis par des insurgés embusqués. Les autorités n’ont jamais indiqué le nombre des gendarmes qui devaient succomber à leurs blessures.
Un certain nombre d’entre eux ont été déclarés « Mort pour la France ».

Ceux qui ont, ce jour là, déclaré la guerre contre l’Etat, se retrouveront bientôt dans l’OAS : d’ailleurs, en tête des organisateurs des journées du Midi, figure Gabriel Anglade qui revendique sa participation à l’assassinat des six Inspecteurs des Centres sociaux éducatifs, le 15 mars 1962 à Alger, dont notre association défend l’œuvre et la mémoire.

Le pire serait à craindre si l’Etat ne dénonçait pas la récupération politique d’un jour noir pour la République, et s’il faisait preuve une fois encore de complaisance à l’égard de ceux qui n’ont pas hésité à mitrailler des gendarmes, tenter de renverser la République par le putsch le 21 avril 1961, abattre des policiers, assassiner des enseignants et tuer des magistrats, attenter à la vie du Chef de l’Etat.

Tout, alors, conduirait à penser que demain, la mémoire des victimes de l’OAS en France et en Algérie ne mériterait ni respect, ni hommage.

Les autorités ont obligation de défendre et d’honorer la mémoire des civils et des militaires, des magistrats et des fonctionnaires, défenseurs des institutions et des valeurs de la République, victimes du devoir.

Le président Jean-Philippe Ould Aoudia


Nul ne peut dicter la mémoire de la nation

La décolonisation de l’Algérie : une repentance française ? 1

Trois événements récents peuvent conduire à soutenir que le révisionnisme inspire l’écriture officielle de la présence française en Algérie.

1°) L’ensemble des moyens et ressources du ministère de la défense a été mis à la disposition de Patrick Buisson2, conseiller influent du Président de la République, pour lui permettre de réaliser, d’initiative ou sur commande, un ouvrage sur la guerre d’Algérie3. L’accès au patrimoine audiovisuel et photographique des Armées lui a été ouvert et les images qu’il y a puisées servent une présentation apologétique de l’Algérie coloniale et de l’action des militaires. Recevant l’auteur le 3 novembre dans le cadre solennel de l’Hôtel national des Invalides, le secrétaire d’État à la défense et aux anciens combattants, M. Hubert Falco, indiquait : « Vous rendez justice, cher Patrick Buisson, à ces hommes qui ne sont pas de simples pièces sur le grand échiquier de l’histoire. Vous leur redonnez leur épaisseur et leurs couleurs. Vous leur redonnez vie. C’est de tout cela que j’ai souhaité, ce soir, vous remercier. »4

2°) Un mois plus tard, le 5 décembre, s’est déroulée à Paris, quai Branly, la cérémonie annuelle entrant dans le cadre de la Journée nationale d’hommage aux « Morts pour la France » pendant la guerre d’Algérie et les combats du Maroc et de la Tunisie. Intervenant au nom du Président de la République et du Gouvernement, M. Hubert Falco a réaffirmé les aspects positifs de la présence française en Algérie (éducation, santé, valorisation de la terre … ), dans le droit fil des dispositions de la loi du 23 février 2005, écrites sous la dictée des plus revanchards au sein du lobby nostalgérique.

Dans le même temps, il a annoncé la prochaine inscription du nom des victimes civiles de la fusillade de la rue d’Isly le 26 mars 1962 sur la colonne centrale du Mémorial national de la guerre d’Algérie devant lequel il s’exprimait : cette initiative tend à conférer un quasi-statut de « Mort pour la France » à des personnes ayant répondu à un mot d’ordre insurrectionnel lancé par l’OAS dans le but de renverser le Gouvernement qui venait de signer les Accords d’Evian.

Par contre, ont été oubliées de l’hommage les victimes des jusqu’au-boutistes de l’Algérie française agissant au sein des commandos de la mort de l’OAS, comme si la reconnaissance de la Nation devait exclure les civils, les représentants des forces de l’ordre, les magistrats, les fonctionnaires de l’Éducation nationale restés fidèles à la République jusqu’au sacrifice de leur vie. À la gloire de ceux qui l’ont loyalement servi, l’État préfère, semble t-il, célébrer celle de personnes ayant violé les lois et la démocratie pour assurer le maintien du régime colonial en Algérie.

3°) Cependant qu’Hubert Falco portait la voix de la France sur son passé en Algérie, le président de la République déclarait son intention de faire entrer Albert Camus au Panthéon. Le chef de l’État prenait ainsi le relais des associations de rapatriés extrémistes qui, en novembre 2007, avaient cherché à récupérer l’écrivain algérien en tentant de graver une citation extraite de son œuvre sur le Mur des Disparus en cours d’installation à Perpignan. La fille du prix Nobel de littérature avait su alors s’opposer à ce détournement de l’héritage camusien.

Le choix de ces modalités de mise en œuvre d’une politique de mémoire adossée à la valorisation du fait colonial induit une interrogation : la France ne serait-elle pas entrée en voie de repentance pour avoir permis la décolonisation de l’Algérie ?

Une telle stratégie ne peut, en toute hypothèse, que nuire au développement entre la France et l’Algérie, entre les peuples français et algérien, de rapports authentiques d’amitié sincère et véritable dans une coopération multiforme où chacun trouverait son intérêt et des raisons d’espérer dans l’avenir.

Honorer le souvenir des victimes de la guerre d’indépendance de l’Algérie exige impartialité et neutralité, surtout en période préélectorale, par nature chargée d’arrière-pensées idéologiques et partisanes. Le partage de la mémoire est la condition de l’unité de la Nation.

L’État donne une image négative de lui-même lorsqu’au mépris de l’égalité et de la fraternité, il méconnaît une catégorie de victimes au profit d’une autre et introduit des discriminations dans le respect dû aux morts et dans la douleur des familles : c’est, alors, aux plus hautes valeurs de la République qu’il porte atteinte.

La Nation ne saurait se laisser imposer une mémoire étatique, sauf à se mentir à elle-même vis-à-vis de sa propre histoire.

Jean-François Gavoury

Dr Jean-Philippe Ould Aoudia

  1. Tribune publiée dans L’Humanité du 16 janvier 2010.
  2. Directeur général de la chaîne de télévision Histoire, ancien journaliste à Minute, coauteur de OAS. Histoire de la résistance française en Algérie (préface de Pierre Sergent, ancien chef d’état-major de l’OAS-Métropole).
  3. La Guerre d’Algérie, préface de Michel Déon, ancien secrétaire de rédaction à l’Action française, auprès de Charles Maurras.
  4. [Note de LDH-Toulon] – Voir, les pages suivantes de ce site :

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