Le 13 janvier 2009, la Fédération internationale des droits de l’homme appelait l’ONU à saisir la Cour pénale internationale (CPI). Dans une lettre ouverte adressée aux membres du Conseil de sécurité de l’ONU, Souhayr Belhassen, présidente de la FIDH écrivait : «Les attaques à grande échelle et systématiques de l’armée israélienne dans la bande de Gaza doivent être qualifiées de crimes de guerre, si ce n’est de crimes contre l’humanité»1.
La Cour Pénale Internationale est compétente pour les crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide commis depuis 2002. Elle peut inculper un individu si les crimes ont été commis sur le territoire d’un Etat partie ou s’il est ressortissant d’un Etat partie. Or Israël n’est pas un Etat partie de la CPI.
« Dans l’état actuel des choses, la CPI n’a pas compétence à Gaza », a indiqué à l’AFP Nicola Fletcher, une porte-parole du procureur de la CPI. Mais le procureur peut se pencher sur la situation si « le Conseil de sécurité (lui) renvoie la situation » ou si Israël « accepte temporairement la compétence de la Cour », selon Mme Fletcher.
Crise à Gaza : la France doit demander une commission internationale d’enquête indépendante sur les violations des droits humains
Communiqué commun
Choquées par l’absence de réaction adéquate au piétinement des conventions internationales relatives aux droits de l’Homme et au droit international humanitaire dans le contexte du conflit entre Israël et le Hamas, les organisations Amnesty International France, la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine, la Fédération internationale des Ligues des droits de l’Homme et son affiliée française, la Ligue des Droits de l’Homme, appellent la France à demander la mise en place d’une commission internationale d’enquête indépendante sur les graves violations de ces droits dans le cadre de cette crise.
Les violations graves des conventions internationales relatives aux droits de l’Homme et au droit international humanitaire dans le contexte de la crise actuelle à Gaza, dont la communauté internationale a été témoin depuis trois semaines, pourraient constituer des crimes de guerre, voire des crimes contre l’humanité.
Le 9 janvier dernier, le Conseil des droits de l’Homme a mandaté une commission internationale d’enquête, mais les Européens – dont la France – se sont abstenus de voter la résolution proposée, que le Canada a rejetée. Il est donc essentiel que le Conseil de sécurité agisse dès maintenant en faveur des victimes du conflit et fasse jouer son autorité morale ainsi que sa dimension incriminante.
Partie à la IVe Convention de Genève, la France a l’obligation juridique de s’assurer que toute violation grave du droit international humanitaire est dûment documentée et ses auteurs poursuivis.
Membre permanent du Conseil de sécurité, dont elle assume en ce mois de janvier la Présidence, la France a également l’influence internationale nécessaire pour s’assurer que les demandes d’enquête se traduisent en actions concrètes – comme l’ont notamment demandé le Secrétaire général des Nations unies, suite aux bombardements des bâtiments des Nations unies, mais également des organisations israéliennes et palestiniennes de défense des droits humains.
La France, par l’intermédiaire de son ambassadeur au Conseil de sécurité, rappelait cette semaine encore son attachement à la « responsabilité de protéger » les populations civiles, ainsi qu’à la lutte contre l’impunité des auteurs des crimes les plus graves.
Face à l’horreur et l’inhumanité des attaques commises sous nos yeux, au delà des déclarations, elle doit faire en sorte que le Conseil de sécurité agisse immédiatement sur le retour de l’Etat de droit.
Paris, 20 janvier 2009
Amnesty international : l’évidence de crimes de guerre
Une équipe d’Amnesty International se trouve actuellement à Gaza pour enquêter sur les conséquences du recours disproportionné de l’offensive israélienne.
L’équipe a trouvé des preuves indiscutables du recours intensif au phosphore blanc dans des zones d’habitation densément peuplées de la ville de Gaza et dans le nord de la bande de Gaza.
Amnesty International a dénoncé le recours fréquent à cette arme dans les quartiers résidentiels de Gaza, où la population est dense.
Une utilisation répétée de cette arme qui frappe sans discrimination a des effets terribles sur les civils et constitue un crime de guerre.
Le cessez-le feu, actuellement en vigueur à Gaza, ne doit pas nous faire oublier le désastre humanitaire et le massacre de la population civile qu’a entraîné l’offensive israélienne depuis le 27 décembre 2008 sur Gaza.
En trois semaines, sept cents civils palestiniens ont été tués sur au moins 1 300 morts, dont 410 enfants et 108 femmes, et plus de 5 300 blessés, selon les services d’urgence de Gaza.
Du côté israélien : dix soldats et trois civils ont péri durant la même période.
Amnesty International exige que des enquêtes exhaustives, indépendantes et impartiales sur les atteintes au droit international humanitaire et relatif aux droits humains soient entreprises pour enquêter notamment sur les attaques israéliennes disproportionnées ou ayant visé des civils ou des bâtiments civils dans la bande de Gaza, ainsi que sur les tirs de roquettes par les groupes armés palestiniens en direction d’agglomérations israéliennes.
Israël prépare sa défense contre des accusations de crimes de guerre
Moins d’une semaine après la fin de l’offensive israélienne contre la bande de Gaza, le ministre de la justice de l’Autorité palestinienne, Ali Kasham, a rencontré, jeudi 22 janvier à La Haye, le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Luis Moreno Ocampo. Le ministre palestinien a déposé une déclaration de compétence auprès du greffe de la juridiction.
Chargée de poursuivre les responsables de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre, la Cour ne peut poursuivre que les ressortissants d’Etats qui ont ratifié son statut ou qui ont commis des crimes sur le territoire de tels Etats. Or ni Israël ni l’Autorité palestinienne ne l’ont fait. Une disposition prévoit cependant que, faute de ratification, un Etat peut donner à la Cour une compétence ad hoc.
Le ministre de la justice a donc déposé une déclaration en ce sens remontant au 1er juillet 2002, date de l’établissement de la juridiction. Si les territoires palestiniens ne constituent pas un Etat, comme le soulignent plusieurs juristes, la déclaration déposée au greffe de la Cour pourrait conduire le procureur « à ouvrir une analyse », estiment-ils, c’est-à-dire une information judiciaire, pour déterminer s’il est ou non compétent.
Le même jour, une délégation conduite par Me Gilles Devers, au nom de 350 organisations propalestiniennes, selon l’avocat français, était reçue par le chef de l’Unité des preuves du bureau du procureur à La Haye. Elle déposait plainte pour, selon son texte, les crimes commis depuis le 27 décembre 2008, date du début de l’offensive israélienne marquée par un nombre sans précédent de victimes (plus de 1 300, de sources palestiniennes) et les bombardements de bâtiments de l’ONU où s’étaient réfugiés des civils. Des organisations pro-israéliennes devraient également mettre en cause les milices palestiniennes responsables de tirs de roquettes sur le territoire israélien.
Depuis sa création en 2002, des dizaines de plaintes ont été déposées à la Cour, dont plusieurs concernent le conflit israélo-palestinien. Mais ces plaintes ne contraignent pas le procureur à se saisir des crimes allégués. L’ouverture de poursuites par la Cour est un processus complexe. Elle ne peut, par exemple, agir que si les Etats n’en ont pas les moyens ou la volonté.
Cette situation a incité, au cours des dernières années, de plus en plus d’Etats à se donner une compétence universelle pour de tels crimes. Plusieurs organisations envisagent d’ores et déjà de se tourner vers ces juridictions. Pour les plaignants, le « jeu » consiste à trouver le territoire sur lequel leurs plaintes auront le plus de chances d’aboutir. Deux plaintes, déposées au cours des dernières années devant les tribunaux espagnols et britanniques à l’encontre d’officiers israéliens, sont toujours actives.
Selon la presse israélienne, conscient des risques de poursuites, le gouvernement israélien étudie sa riposte. Placée sous la direction du ministre de la justice, Daniel Friedmann, une équipe interministérielle a été constituée jeudi. Elle détiendrait déjà les films que fait réaliser l’armée pendant ses opérations. Le procureur général Menahem Mazuz, également conseiller juridique du gouvernement, a décidé de maintenir la censure sur les noms des officiers en charge des unités engagées dans l’opération de Gaza.
Les militaires les plus exposés aux accusations de crimes de guerre sont pour l’instant le chef d’état-major, Gabi Ashkenazi, le chef de l’armée de l’air, Ido Nehoushtan, et le responsable de la région sud qui englobe Gaza, Yoav Galant. Ils devraient solliciter à l’avenir un feu vert pour certains de leurs déplacements, particulièrement en Europe.
Pour les plaignants, l’arsenal judiciaire implique de disposer de preuves. En visite à Gaza, le 20 janvier, le secrétaire général de l’ONU, Ban ki-Moon, a estimé que les responsables des bombardements contre des bâtiments de l’ONU devraient être identifiés et « rendre des comptes devant des instances judiciaires ». Plusieurs voix ont appelé à la création d’une commission d’enquête indépendante. Pour Antoine Bernard, directeur exécutif de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH), « la question des preuves est la raison pour laquelle les Israéliens ont fermé l’accès à Gaza » et « il ne faudrait pas que la reconstruction soit l’occasion de détruire des preuves », s’inquiète-t-il.