Perpignan : vivante, une famille veut être retirée du mur des disparus d’Algérie
La famille Donnat, bien vivante, mais dont les noms figurent sur le mur des disparus français d’Algérie, inauguré à Perpignan en novembre, demande à en être retirée, d’autant qu’elle «refuse d’y figurer aux côtés d’anciens de l’OAS», a indiqué jeudi un membre de la famille.
Gaston et Liberté Donnat, leurs filles Joëlle et Colette, et leur neveu Hervé avaient, le 15 septembre 1962, l’espace d’une soirée, été portés disparus du fait d’un malentendu. Bien qu’immédiatement démentie, cette disparition n’avait sans doute pas été enregistrée.
Le Cercle algérianiste, à l’initiative du mur commémoratif, inauguré le 25 novembre, a expliqué que la liste de 2.619 disparus français et harkis, dont les noms figurent sur les dix plaques de bronze du mémorial, «sont ceux de la liste officielle» émanant du ministère des Affaires Etrangères.
Yvan Donnat, fils de Gaston, décédé le 5 février 2007, et Liberté, 90 ans, a écrit au maire de Perpignan Jean-Paul Alduy (UMP), qui a permis l’érection du mur, pour s’étonner «qu’en sa qualité d’officier d’état civil il n’ait pas contrôlé l’exactitude des noms» portés sur la stèle.
«Nous avons, dans une autre lettre, exigé du Cercle algérianiste que notre nom soit effacé de ce monument dont la récupération politique par les nostalgiques d’un passé peu glorieux pour la France est évidente», a déclaré Yvan Donnat à l’AFP.
Instituteur, «humaniste, militant anti-colonialiste et communiste», Gaston Donnat avait été un temps incarcéré par l’armée française et la famille, «condamnée à mort par l’OAS», avait été victime d’un attentat mené par cette organisation, selon Yvan Donnat.
«Voir son nom figurer sur la même liste que des assassins de l’OAS qui nous avaient condamnés à mort, c’est révoltant, nous ne l’accepterons jamais», a-t-il dit. «Nous étudions avec notre avocat l’opportunité de demander réparation du préjudice», a-t-il ajouté.
Communiqué de Yvan Donnat
Le 27 février à 20h
J’avais contacté la mairie de Perpignan pour qu’à l’occasion de ma venue dans cette ville le vendredi 29 février ainsi que de plusieurs membres de ma famille, dont ma mère, l’épouse de Gaston Donnat, l’autorisation nous soit donnée de nous rendre devant le mur des disparus où figurent les noms de plusieurs Donnat alors qu’ils sont bel et bien vivants. Le représentant de Monsieur Alduy vient de me faire savoir que les noms avaient été effacés mais qu’il ne nous était pas permis de venir le vérifier.
Face à ce refus inadmissible, nous avons décidé de nous présenter devant l’accès à ce monument vendredi 29 février à 9h30 et d’exiger de pouvoir constater de visu que l’effacement des noms des Donnat était effectif
La liste du ministère est-elle «officielle» ?
C’est ce que semblait penser la présidente du Cercle algérianiste :
Mais Suzy Simon-Nicaise était mal informée ! En effet, la lettre adressée à Yvan Donnat par le directeur des archives du ministère des Affaires étrangères, est très claire. Voici l’essentiel de cette lettre datant du 25 février :
« […] Comme il est clairement indiqué dans la note qui figure sur le site du Ministère des Affaires Etrangères et Européennes, la liste des personnes disparues, ou présumées disparues, n’est pas une liste officielle ; il s’agit de l’état des informations reçues par la Direction des Archives lors du versement des archives de l’ancien Secrétariat d’Etat aux affaires algériennes. Nous savons que ces informations peuvent être, dans certains cas, inexactes ou incomplètes, puisque la liste reflète, modestement, les documents versés aux archives du Ministère des Affaires Etrangères. Toutes les notes explicatives concernant ce dossier précisent que cette liste est périodiquement révisée en fonction des informations qui parviennent à cette direction.
« Je vais donc veiller à ce que les noms des personnes de votre famille soient ôtés du site du Ministère, et vous exprime mes profonds regrets pour le trouble qui a pu être occasionné […]»
Nous avions déjà écrit notre perplexité devant la liste établie par le Cercle algérianiste. D’une part, les historiens ne semblent pas disposer de suffisamment d’éléments pour pouvoir établir une liste précise des disparus du fait du conflit algérien entre 1954 et 1963. «Il faudrait d’autre part préciser ce que l’on dénombre : si les historiens semblent s’accorder sur environ 3000 disparus parmi les militaires du contingent et les civils considérés comme européens, en revanche le nombre de disparus dans la population civile dite musulmane ne semble pas avoir été évalué.»1
- Voir notre page 2073.