Le colonialisme néolibéral d’Emmanuel Macron
par Louis Albert Serrut
Le 29 octobre 2024, lors d’un discours devant les députés marocains, Emmanuel Macron a proclamé que « le présent et l’avenir » du Sahara occidental « s’inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine ». Ses auditeurs attendaient précisément cette annonce pour se lever et applaudir le président de la République française. Nul ne doute que cela fut préparé, marchandé et soigneusement mis en scène. Dès le 30 juillet en effet, Emmanuel Macron annonçait dans une lettre au roi Mohammed VI que l’avenir du Sahara occidental s’inscrivait « dans le cadre de la souveraineté marocaine ».
Il faut rappeler, puisque Macron l’oublie, que le Sahara occidental est inscrit depuis 1963 sur la liste des territoires à décoloniser. La Cour internationale de justice (CIJ), saisie par lʼAssemblée générale de lʼONU, a déclaré dans son avis consultatif du 16 octobre 1975 « que les éléments et renseignements portés à sa connaissance n’établissent l’existence d’aucun lien de souveraineté territoriale entre le territoire du Sahara occidental d’une part, le Royaume du Maroc […] d’autre part ».
Récemment, le 4 octobre 2024, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a jugé que les accords commerciaux UE-Maroc de 2019 en matière de pêche et de produits agricoles, auxquels « le peuple du Sahara occidental n’a pas consenti, ont été conclus en méconnaissance des principes de l’autodétermination et de l’effet relatif des traités » et les a annulés.
Alors que cette même semaine où Macron s’affranchissait des engagements de la France, le Conseil de sécurité de lʼONU – où siège la France – devait renouveler la mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (Minurso). Il faut, à l’inverse de Macron, défendre le droit du peuple sahraoui à choisir son avenir et à se prononcer librement sur la question de l’indépendance du Sahara occidental.
La Ligue des droits de l’homme écrit dans son communiqué du même jour, le 29 octobre, que « la déclaration de Macron est contraire au droit international (décisions de la CIJ et de la CJUE) qui ne reconnaît pas la souveraineté marocaine, notamment aux résolutions de lʼONU (1966 et 2003) qui réaffirment le statut de territoire non autonome du Sahara occidental et le droit de son peuple à l’autodétermination. »
Si Macron s’est efforcé, durant sa déclaration, de réécrire l’histoire du Maroc, gommer la relation conflictuelle entre la France et les populations marocaines qui lui furent hostiles et atténuer la violence de la colonisation comme de la décolonisation, son objectif n’était pas là. Il voulait faire passer un autre message. « Je le dis ici aussi avec beaucoup de force, nos opérateurs et nos entreprises accompagneront le développement de ces territoires au travers d’investissements, d’initiatives durables et solidaires au bénéfice des populations locales ».
Il serait intéressant de rapprocher ce propos de ceux des partisans de la colonisation au XIXème siècle qui déployaient toutes sortes d’argument pour justifier l’expédition militaire de conquête, et déceler des similitudes. Notamment les arguments économiques, que nous retrouvons aujourd’hui alors que l’Elysée annonce des contrats et engagements conclus pour dix milliards d’euros. Les milieux économiques ont poussé à cet abandon du Sahara occidental contre de prometteuses affaires, ce dont le président du Medef se félicitait. La démarche est identique.
Que penser de cette opération ? Elle a tous les aspects d’une entreprise coloniale, l’exploitation d’un territoire qui défend son autonomie négociée avec le pays occupant.
La décision d’accéder à la demande du Maroc en échange de contrats, affirmée sans avoir été annoncée, a été prise sans concertation préalable ni délibération du Parlement, en rupture de la position diplomatique et, de surcroît, alors que le gouvernement ne faisait « qu’expédier les affaires courantes ». Cette opération a tout du « coup », coup politique, coup de force contre les institutions et le droit international, mauvais coup contre la démocratie et la République qui se retrouve coloniale.
Il s’avère ainsi que Macron a décidé, en comité restreint et secret, d’une tractation mercantile qui ignore la population sahraouie devenue monnaie d’échange, place la France en contradiction avec ses engagements et traités, en infraction du droit international et en position d’Etat colonial. Comment ne pas faire de parallèle avec la situation de la Nouvelle Calédonie, de la Martinique et de la Guadeloupe, ou celle de Mayotte ?