Les opposants demandent un moratoire
Une délégation1 du collectif opposé au projet d’un « centre de la présence française en Algérie » a été reçue mardi 10 avril par le maire de Perpignan, Jean-Paul Alduy, accompagné des deux adjoints Jean-Marc Pujol et Maurice Halimi.
A la suite de cette entrevue, la délégation a fait part de ses premières réactions, à l’occasion d’une conférence de presse.
« Cette entrevue, nous ne l’aurions pas obtenue sans l’action du collectif. La présence de nombreux opposants à la dernière séance du conseil municipal2 aura été décisive ». Sur ce point, les membres de la délégation sont unanimes, de même sur le fait que cette entrevue aura été une avancée : « Nous avons enfoncé un clou ». La difficulté est d’en apprécier la portée réelle car l’ombre du cercle algérianiste planait sur cette rencontre. A ce sujet, les représentants de la mairie sont dans une « incohérence totale » : ils regrettent les dérapages extrémistes de cette association, ils disent ne pas être engagés par ses propos, que d’ailleurs ils minimisent, et pourtant ils s’apprêtent à lui remettre les clefs du couvent de Sainte Claire.
Or pour les membres de la délégation, il n’est pas possible dans ces conditions de concevoir un projet pluraliste sur l’histoire de l’Algérie. C’est, de l’avis général, ce qui met le maire dans l’embarras : « Il sent bien que le terrain est miné, que ce projet comporte des risques en particulier parce qu’il ne concerne qu’une partie des protagonistes de l’histoire algérienne et pourtant il continue à dire qu’il ne peut pas faire autrement que de s’appuyer sur le cercle algérianiste ». Pour la délégation, « la seule façon qu’il a de s’en sortir par le haut », c’est de revoir son projet de fond en comble : « S’il confirme son intention de réaliser un centre qui tienne compte de toutes les facettes de l’histoire franco-algérienne, alors il n’a pas autre chose à faire que de décider un moratoire ». La mairie pourrait alors se donner le temps de mettre en place un collectif d’experts, de scientifiques qui puisse travailler sur un tout autre projet. Le collectif ne rejette pas la possibilité de rencontrer à nouveau Jean-Paul Alduy, mais à condition qu’il y ait des avancées vérifiables: « A l’issue de cette entrevue, nous n’avons aucune garantie de ce qu’il veut faire ; pour l’instant ce ne sont que des paroles. C’est encore le flou intégral. Monsieur Halimi s’est engagé à préciser dans un document les intentions de la mairie. Nous attendons de voir ce qu’il en est exactement »
D’ici là, le collectif entend bien continuer à manifester son opposition à ce « musée à la gloire de la colonisation ». Il sera de nouveau présent à la prochaine séance du conseil municipal.
Les déclarations de Jean-Paul Alduy sur FR3 régionale le lendemain de l’entrevue montraient que la position de la municipalité n’avait pas évolué :
«Seul le centre3 algérianiste depuis 30, 35 ans ans a fait un vrai travail de mémoire avec des publications. Donc, nous avons pris appui sur le cercle algérianiste et nous resterons sur cette ligne là parce que c’est de cette façon là que nous pourrons être efficaces. Cela ne veut pas dire que c’est fermé.»
A quoi, le collectif répondait le même jour sur FR3, par la voix de Bernard Cholet :
«Nous proposons un moratoire pour repartir sur des bases solides et pluralistes.
Et la solution c’est d’arriver à mettre en place une équipe d’experts, de
scientifiques, la plus large possible, qui puissent travailler ensemble sur
l’histoire de l’Algérie.»
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Quelques jours avant cette entrevue, le 3 avril, le cercle algérianiste avait réitéré sa position à l’occasion d’une conférence de presse.
Pieds Noirs : « nous ne sommes pas des marchands de haine »
Le Cercle Algérianiste a voulu s’exprimer. Pour répondre aux accusations de certaines associations de gauche, à propos du Centre de documentation de la présence française en Algérie.
Le bureau du Cercle Algérianiste est au complet : la présidente, Suzy Simon-Nicaise, etMM. Yves Sarthe, Jean Scotto, Jean-Pierre Darmani, Laurent Marchioni. Ils ont provoqué une conférence de presse afin de répondre aux accusations portées par un certain nombre d’associations de gauche et d’extrême-gauche4, à propos du Centre de documentation de la présence française en Algérie, que la ville projette d’installer dans les murs de l’ancien couvent de Sainte-Claire, rue Derroja5.
Il s’agira d’un mémorial aux disparus, une stèle dressée dans le jardin Anna-Maria Antigo, et qui portera le nom de Mur des disparus ; le monument sera inauguré le 25 novembre 20076. Ensuite, dans l’aile et la galerie sud de l’ancien couvent-ancienne prison civile, prendront place les quantités de documents, livres, tableaux, objets, recueillis patiemment, et pieusement conservés par le Cercle Algérianiste dans ses locaux actuels, trop exigus, de la Maison des associations.
«Menés par la gauche et l’extrême-gauche»
Il n’y aura aucune hostilité, mais le ton sera ferme, voire grave : «Nous avons voulu dire qui nous étions, car de toute évidence il y a une forte ignorance et une véritable méconnaissance de notre cercle, de la part de ceux qui veulent faire croire que nous voulons créer un musée de l’Algérie Française. Ils ont aussi une volonté affichée de nous nuire. C’est intolérable, inacceptable, nous ne sommes pas des marchands de haine», commence Mme Simon-Nicaise. Tandis que MM. Sarthe et Scotto raconteront la création du cercle Algérianiste, en 1973, entre Jean Pomier, intellectuel algérianiste, et un groupe d’étudiants. lls liront aussi l’article 2.7 de leurs statuts, qui interdit toute appartenance à «un mouvement politique, syndical, confessionnel» aux membres du bureau du Cercle Algérianiste, et concède aux adhérents un poste de conseiller municipal, et encore sous certaines conditions.
Suzy Simon-Nicaise va pourtant durcir un peu le ton : «Ce sont des groupes hétéroclites, négationnistes de nos massacres, menés par la LCR et le PC, qui veulent nous faire appeler musée ce que nous, nous considérons comme un centre de documentation, un conservatoire de nos mémoires, ouvert à tous, ouvert aux chercheurs». Et d’insister : «Nous disons non à un musée, nous disons non à un musée qui dirait une histoire déjà écrite par certains, nous disons non à un musée de la dénonciation du colonialisme et de l’éloge de la colonisation, nous disons oui à un espace qui accueille les mémoires des Français d’Algérie».
Le Cercle Algérianiste a créé son propre comité scientifique, comité auquel se sont joints trois élus municipaux, Jean-Marc Pujol, Maurice Halimi et Raymond Sala (l’historien de l’équipe). Et le projet de centre a déjà été voté en conseil municipal, le 23 octobre 2006, à la majorité des voix, sauf celles de la gauche. La ville fournira les locaux du futur centre et leur restauration, le Cercle s’occupera du fonctionnement. Et à l’objection que le Centre de la mémoire française en Algérie sera donc réalisé avec des deniers publics, Mme Simon-Nicaise rétorque que les Pieds-Noirs sont aussi des contribuables, et renvoie au mémorial de Rivesaltes, également construit avec des fonds publics.
- La délégation était composée de Marcel Legoaëlec (ARAC), Dominique Lasnier (LDH), Bernard Cholet (LCR), Patrick Lecroq (MRAP), Jacky Mallea (PCF) et Christian Bousquet (SURVIE).
- Voir 1956.
- Jean-Paul Alduy a bien dit centre au lieu de cercle.
- Voir 1934.
- Voir 1820.
- Le 34ème congrès national du Cercle Algérianiste se tiendra à Perpignan, les 24 et 25 novembre 2007.