Communiqué de la FIDH
Les familles de disparus isolées, abandonnées et harcelées
mercredi 7 février 2007
Au lendemain de la signature par l’Algérie de la convention sur les disparitions forcées à Paris1, les autorités algériennes empêchent la tenue d’un colloque d’ONG et d’experts sur la problématique des disparitions en Algérie.
Organisé par les associations de familles de disparus en Algérie, le Collectif des familles de disparus en Algérie (CFDA), SOS Disparus, Djazairouna, l’Association nationale des familles de disparus (ANFD) et Somoud, le séminaire « Pour la Vérité, la Paix et la Conciliation » devait réunir experts, ONG internationales et algériennes, familles de victimes et toute la société civile algérienne.
Dûment informées et invitées au séminaire les autorités algériennes ont tout mis en oeuvre pour empêcher sa tenue :
- plusieurs experts internationaux devant y participer n’ont pu obtenir l’autorisation d’entrer sur le territoire algérien ;
- ce matin, à l’ouverture du séminaire, les autorités ont fait couper l’alimentation électrique de la salle de conférence, réservée dans un hôtel ;
- d’importantes forces de police se sont déployées autour de l’hôtel afin d’en barrer l’entrée aux familles des victimes et des disparus.
Pour autant, ces mêmes autorités n’ont jamais fait part aux organisateurs de leur opposition à la tenue de ce séminaire. Le Président de la Commission nationale consultative pour la promotion et la protection des droits de l’Homme en Algérie, M. Farouk Ksentini, avait notamment été rencontré et destinataire du programme du séminaire ainsi que de la liste des personnes invitées. Autorisation avait également été demandée et invitations étendues aux ministres de l’Intérieur, des Affaires étrangères et de la Justice.
Sidiki Kaba, président de la FIDH se joint aux organisateurs de ce séminaire pour dénoncer avec la plus grande vigueur l’attitude des autorités algériennes : « Hier, M. Bedjaoui, le Ministre de la justice algérien était à nos côtés pour signer la convention sur les disparitions forcées. Aujourd’hui, c’est un véritable camouflet : la signature n’a-t-elle aucune valeur à leurs yeux ? ».
En effet, en signant cette convention, l’Algérie en reconnaît officiellement le contenu qui prévoit notamment en son article 18.2 que la protection des [proches de la personne privée de liberté, leurs représentants ou leurs avocats] (…) « contre tout mauvais traitement, toute intimidation ou toute sanction en raison de la recherche d’informations concernant une personne privée de liberté ».
Cette attitude s’inscrit par ailleurs, en totale contradiction avec les déclarations publiques de l’Algérie qui à l’occasion de sa candidature au Conseil des droits de l’Homme des Nations unies, dont elle est membre depuis le 9 mai dernier, s’est engagée à « privilégier le dialogue et la concertation » en réaction aux violations des droits de l’Homme.
La FIDH rappelle par ailleurs que cette interdiction n’est que le dernier d’une longue liste d’incidents qui, ces derniers mois, visent défenseurs des droits humains et avocats impliqués dans la défense des familles de disparus. « l’Algérie, qui fut le théâtre pendant une décennie de violations graves des droits humains et particulièrement, de plusieurs milliers de disparitions forcées, voit ses autorités refuser de faire la vérité sur ces agissements, au mépris de tous ses engagements internationaux, laissant les familles des victimes et des disparus dans l’abandon et l’isolement », a regretté Sidiki Kaba.
Communiqué Sos Disparus – Collectif des familles de disparu(e)s en Algérie
Interdiction du séminaire pour la Vérité, la Paix et la Conciliation
Alger, le 7 février 2007
Après avoir signé la Convention internationale contre les disparitions forcées, les autorités algériennes interdisent le séminaire pour la Vérité, la Paix et la Conciliation.
Ce matin dès 8 heures, les agents de la sûreté d’Alger sont entrés dans l’Hôtel Mercure où devait se tenir le séminaire afin de notifier aux organisateurs son interdiction. Alors que l’autorisation avait été demandée aux ministères concernés, il y a plus de deux mois et qu’aucune réponse n’était parvenue, c’est à la dernière minute que les autorités algériennes ont démontré une fois encore leur volonté de bafouer les libertés de réunion, de manifestation et d’expression en Algérie. Le commissaire général, les services de renseignements généraux et le chef de la sûreté sont venus en force pour empêcher en toute impunité les participants de se réunir alors que des familles de victimes, des représentants d’ONG, des journalistes et des représentants d’ambassade étaient déjà arrivés.
Après plus d’une heure de discussion, une grande partie des invités n’ont même pas pu passer la porte de l’hôtel. A l’intérieur de la salle, l’électricité a été coupée, le matériel d’enregistrement a été retiré et les participants ont même éprouvé des difficultés à entrer dans la salle de conférence.
C’est donc dans l’obscurité que les difficiles négociations se sont poursuivies entre les forces de police et les organisateurs. Ces derniers n’ont néanmoins pas cédé et ont essayé par tous les moyens de joindre un « haut responsable » qui n’a jamais répondu.
Les avocats présents ont vivement contesté ce déni de liberté tout comme les familles de victimes. C’est donc à la lueur des bougies que les conférenciers se sont installés à la tribune. Malgré la résistance, les autorités ont obligé tout le monde à sortir de l’hôtel. Tandis qu’un des objectifs du séminaire était d’ouvrir le dialogue avec le gouvernement, force est de constater qu’il n’est même pas prêt à respecter les droits les plus élémentaires.
Le Ministre des Affaires Etrangères algérien s’est pourtant rendu hier à Paris et a signé la Convention pour la protection des personnes contre les disparitions forcées, qui aurait dû être un signe d’ouverture d’esprit sur cette question cruciale pour l’Algérie de demain mais les associations de victimes sont une nouvelle fois la cible d’une politique de deux poids, deux mesures et de manoeuvres dictatoriales et subversives d’un pays qui affirme vouloir la « paix et la réconciliation ».
Tous les participants se sont ensuite rendu devant la maison de la presse. La conférence de presse a été tenue dans la rue puisqu’ aucune salle ne nous a été prêtée. Les mères de disparu(e)s ont manifesté et ont brandi les photos de leurs proches et la banderole confectionnée pour le séminaire. Des membres du comité organisateur, des personnalités et des avocats ont été interviewés par des journalistes pour décrier cette violation flagrante des libertés fondamentales.
Le CFDA, SOS Disparu(e)s, l’ANFD, Djazairouna et Somoud regrettent amèrement de constater que les autorités algériennes refusent encore le dialogue et de construire une véritable paix et réconciliation.
- Voir : 1840.