La lettre que le président de la République a adressée aux Calédoniens le 18 juin semble marquer une rupture, puisqu’elle acte l’ajournement du dégel du corps électoral qu’il avait décidé pour imposer le maintien de la Nouvelle-Calédonie dans la France. A-t-il pris conscience que sa politique a fait perdre quarante ans d’un lent cheminement ? L’arrestation dès le 20 juin de onze militants kanak permet d’en douter.
Christian Tein, responsable de la CCAT, actuellement détenu à Nouméa, ©NC la 1ère
Cette lettre commence par une contre-vérité : « le 13 mai dernier, écrit-il, un fil a été rompu ». Or, c’est par son refus de repousser – au moment de l’épidémie de covid – la date du troisième référendum prévu par les Accords de Nouméa et donc de tenir compte de ce que représente le deuil dans la culture kanak, que le président de la République avait – de fait – déjà rompu le dialogue. Ensuite de très nombreux avertissements venus de la Nouvelle Calédonie auraient pu être entendus du président de la République, puisque des forces politiques (même au sein de sa majorité) en ont exprimés, et que des dizaines de milliers de manifestants ont défilé à Nouméa.
Ces trois dernières années ont été marquées par un Etat affichant sa partialité et son engagement à conserver la Nouvelle-Calédonie dans la France :
• en confiant à Gérald Darmanin un dossier qui était jusque-là géré par Matignon,
• en nommant Sonia Backès, élue Les Républicains, comme secrétaire d’Etat à la citoyenneté,
• et en désignant Nicolas Metzdorf député néo-calédonien Renaissance comme rapporteur du projet de loi sur le dégel du corps électoral, ce qui, de fait, rendait minoritaire la population kanak en âge de voter.
Dans son courrier, alors qu’il considérait jusque-là que la page des Accords de Matignon de 1988 avait été tournée à la suite du troisième référendum, il affirme maintenant que l’accord de Nouméa de 1998 est le socle pour envisager l’avenir. Et de constater que les consultations qui se sont tenues depuis 1988 n’ont pas permis « de trouver un accord » sur « l’avenir commun qui demeure à construire pour tous ceux qui font la Nouvelle Calédonie ». Mais ajoutant (dans un « en même temps » dont il a le secret ?) que les résultats des référendum : « C’est aussi un choix qui nous engage collectivement ».
Comme lors de son déplacement express et improductif de mai, le président de la République réclame « la levée ferme et définitive de tous les barrages » et « la condamnation des violences sans faux-semblants ». « La situation dans laquelle la Nouvelle-Calédonie a été réduite par quelques-uns demeure inadmissible, et ceux qui l’ont encouragée devront répondre de leurs actes, peut-on lire dans ce courrier. Il faut toujours plus de temps pour construire que [pour] détruire. Mais la patience est toujours la condition de l’espérance. »
Les conséquences ne sont pas fait attendre. L’arrestation, le 19 juin, de onze représentants de la CCAT (Cellule de coordination des actions de terrain), dont son porte-voix Christian Tein, qui a été mis en garde à vue sous le chef d’accusation de « faits relevant de la criminalité organisée ». La Cellule de coordination des actions de terrain porte l’opposition au dégel du corps électoral et avait été invitée à participer au congrès du FNLKS.
Le Président de la République n’a pas fait aboutir son projet. Kanaky/Nouvelle Calédonie y a perdu des vies et des années de construction de son avenir.
Histoirecoloniale.net
Communiqué de l’Association Information et Soutien aux Droits du Peuple Kanak (AISDPK)
Le 19 juin 2024
Nous apprenons avec stupéfaction l’arrestation de militants/dirigeants? de la CCAT en Nouvelle-Calédonie considérés par l’État français comme des « Malfaiteurs… ». L’AISDPK, depuis plus de 40 ans, a toujours dénoncé la justice coloniale. Elle s’abat de nouveau sur des militants politiques dont le combat est celui de l’indépendance de la Kanaky/Nouvelle-Calédonie. Nous demandons expressément la libération de ces militants et l’arrêt de la répression dans tout le pays.
L’Association Information et Soutien aux Droits du Peuple Kanak