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Édition du 1er au 15 décembre 2024

Le Front populaire et les colonies, par Alain Ruscio

L’avènement, en France, au printemps 1936, d’un gouvernement s’appuyant sur le programme du Rassemblement populaire – c’est le nom exact de la coalition – regroupant essentiellement le Parti socialiste et le Parti radical, avec l’appui, importante novation, du Parti communiste, a marqué les esprits. Pour l’imaginaire français, ouvrier en particulier, pour la mémoire de la gauche, le Front popu de 36 a marqué une date, régulièrement célébrée depuis.

Mais cette expérience survint dans un pays qui était à la tête du second Empire colonial du monde, à une époque où les doutes sur la présence de la France étaient, en ce domaine, strictement minoritaires. Ce gouvernement de gauche pouvait-il, devait-il, contribuer à la libération nationale des peuples soumis à la domination coloniale ? Ou, au moins, alléger le poids de cette domination ?

Du côté gouvernemental, une volonté réformatrice réelle, bien qu’extrêmement timide, fut les premiers temps proclamée. L’arrivée rue Oudinot de Marius Moutet, député socialiste depuis plus de vingt années, animateur de la Ligue des Droits de l’Homme, avocat (au sens politique et professionnel) des indigènes pourchassés et persécutés, était plutôt de bon augure. Puis, cette volonté s’étiola rapidement, à l’image du projet Blum-Viollette. Du côté des colonisés – du moins des plus politisés d’entre eux – il y eut, nettement, trois phases : de grands espoirs, une attente un peu agacée, puis des désillusions, phase précédant elle-même la recherche de nouvelles voies.

Si le bilan global de cette courte expérience est, en matière coloniale, plutôt maigre, il ne peut en aucune façon être mesuré à l’aune d’un projet indépendantiste… qui n’a jamais existé. Pour paraphraser Léon Blum, il s’agissait de savoir si, de la situation coloniale, il était possible d’extraire le maximum de quantité d’ordre, de bien-être, de sécurité et de justice1.

Le programme2 et la Commission d’enquête

En septembre 1935, la SFIO et le PCF font connaître une plate-forme, qui se veut pré-programme en vue de la « réussite d’un grand mouvement populaire capable de déterminer un changement dans la situation politique » du pays3. Or, ce texte ne fait aucune référence à l’Empire français. Quatre mois plus tard, c’est le programme du Rassemblement populaire qui est rendu public. Aux deux partis de gauche s’est joint le Parti radical. La question coloniale y apparaît cette fois, mais de façon extrêmement discrète. En quantité (une phrase, 30 mots). Mais surtout en qualité : ce programme n’affiche même pas des ambitions réformatrices. Il n’y est question que de la constitution d’une Commission d’enquête : « Constitution d‘une Commission d’enquête parlementaire sur la situation politique, économique et morale dans les territoires français d’outre-mer, notamment dans l’Afrique française du Nord et l’Indochine » (10 janvier 1936).

Le principal animateur en fut Henri Guernut, ministre radical du gouvernement Sarraut (janvier-juin 1936), ancien secrétaire général de la LDH, homme intègre, respecté de tous. Forte de 42 membres, sa composition en était extrêmement pluraliste, mêlant des politiques et des intellectuels critiques (la journaliste Andrée Viollis, le militant socialiste Maurice Paz, le président de la LDH Victor Basch, le député communiste Henri Lozeray4…), des spécialistes reconnus (l’historien Charles-André Julien, l’ethnologue Paul Rivet, le pasteur Maurice Leenhardt, Robert Montagne, le géographe Pierre Gourou…), mais aussi des membres actifs du lobby colonial (Pierre Taittinger, Paul Reynaud, Théodore Steeg…) et des administrateurs coloniaux (Robert Delavignette, Henri Labouret, Hubert Deschamps)5.

On peut à ce propos s’interroger. Il était certes normal que le nouveau gouvernement se documente. Mais pourquoi mettre en branle la lourde machine d’une Commission ? Aucun des politiciens parvenus au pouvoir en 1936 n’était un homme neuf, ils avaient tous participé, parfois depuis le début du siècle, aux débats politiques sur la question coloniale ; la documentation livresque et journalistique, descriptive, laudative – largement majoritaire – ou contestataire, était foisonnante. C’était particulièrement le cas du ministre des Colonies, Marius Moutet, le Monsieur Empire colonial de la SFIO. Fallait-il enquêter, dans ces conditions, sachant que cela durerait des mois ? Si la raison profonde de la création de cette Commission ne fut peut-être pas la volonté de repousser les réformes, c’en fut en tout cas la première et plus importante conséquence.

Toujours est-il que dix mois après l’avènement du gouvernement, un intellectuel engagé depuis longtemps dans la dénonciation du colonialisme, Francis Jourdain, en était encore à demander un tableau des « injustices » et des « erreurs » commises outre-mer : « Nous souhaitons que le Front populaire dresse l’inventaire de toutes les injustices, de toutes les cruelles erreurs commises par les fondateurs, les gérants, les gardiens du domaine qu’il vient d’hériter. Car c’est bien d’une succession qu’il s’agit. Notre Front populaire ne peut être tenu pour responsable ni de ces injustices, ni de ces erreurs ; mais quand celles-ci seront enfin connues, aucun des partis que comprend le Rassemblement populaire (et il faut qu’ils soient rapidement, complètement informés) ne pourra refuser ses soins – je veux dire le bénéfice de la démocratie – aux victimes d’un régime dont seule la Réaction oserait ne pas rougir » (Clarté, 15 mars 1937)6.

Dans ces conditions, on a l’impression que la fameuse Commission d’enquête fut, de fait, une diversion. Si la Chambre adopta vite le principe (11 août 1936), le Sénat, bastion du conservatisme en matière coloniale comme en bien d’autres, bloqua le processus : lorsque, finalement, celui-ci émit un vote favorable (30 janvier 1937, décret en date du 4 février), il ne restait au premier gouvernement Blum que cinq mois à vivre… Puis, lorsque le cabinet Chautemps se mit en place, le 22 juin 1937, Marius Moutet garda certes la rue Oudinot, mais les partisans du statu-quo colonial – avec à leur tête Albert Sarraut, ministre d’État – avaient marqué de nouveaux points. Un changement encore (second cabinet Chautemps, janvier-mars 1938), et le ministère arriva entre les mains du radical Théodore Steeg, jusque là président de la très conservatrice commission coloniale du Sénat… avant de revenir une dernière fois7, mais pour quatre semaines (13 mars-10 avril 1938), à Moutet.

Au total, la seule activité de la Commission fut l’audition de témoins-acteurs de la vie coloniale, Robert Montagne, André Philip, Ernest Outrey, Alexandre Varenne, puis des techniciens… toutes personnes qui s’exprimaient depuis longtemps sur les questions coloniales. La Commission, par ailleurs, élabora un questionnaire destiné à être utilisé sur place, enrichi par des entretiens avec des témoins assurés par des fonctionnaires coloniaux sur le terrain. Alors qu’il était prévu que la Commission se rende dans les territoires concernés, cela ne se fit pas : seul André Gide (re)partit en Afrique subsaharienne en janvier 1938.

Au total, donc, les avis de ceux qui étaient tout de même les principaux intéressés, les colonisés, ne furent pas recueillis.

Cynisme ou inconscience, les crédits de fonctionnement de la Commission ne furent pas reconduits dans la loi de finance 1938. Le 24 février de cette année, Guernut, qui comprenait très bien ce qu’il était en train de se passer, voulut présenter la démission collective de la Commission. Il en fut dissuadé par Marius Moutet et Théodore Steeg. C’est finalement le 7 juillet 1938 qu’il se décida définitivement, vaincu par une « obstruction totale » et « sournoise » (Charles-Robert Ageron8).

La seule proposition globale concrète du programme du Front populaire disparut ainsi de la vie politique dans l’indifférence générale.

Marius Moutet ne tenait pas, c’est le moins que l’on puisse écrire, à bouleverser la politique de la France outre-mer. Le premier signe qu’il lança – apaisement pour les uns, inquiétude pour les autres – fut le maintien en place des hauts fonctionnaires, dont le directeur des Affaires politiques, Gaston Joseph, l’un des idéologues les plus actifs du lobby colonial – qui d’ailleurs resta en place, jusqu’au bout, sous Vichy. Aucun Gouverneur général de sensibilité socialiste ne fut nommé à la tête d’une colonie, même si certains remplacements furent effectués. Quant au personnel moyen et subalterne, très hostile au Front populaire, il resta intégralement en place.

La ligne réformiste du Parti socialiste SFIO

L’attitude du Parti socialiste fut hésitante.

Quelques jours après la victoire électorale, la SFIO réunit son XXXIII è Congrès, salle Huyghens, à Paris. Le jour même de l’ouverture, son quotidien ouvre ses colonnes à son grand spécialiste des questions coloniales, chargé de définir les objectifs, Charles-André Julien : « Des mesures urgentes s’imposent : d’abord une amnistie, sans bavures ni réticences, capable d’inspirer une véritable confiance, puis le rétablissement des libertés publiques, dont Français, et surtout indigènes, ont été graduellement privés. Liberté de presse, de réunion, d’association, d’opinion ; droit de libre circulation ; suppression des codes de l’indigénat, telles sont les revendications qui s’élèvent partout. Il faudra ensuite s’attaquer aux principaux problèmes (…). Les questions économiques se poseront avec plus d’acuité qu’en France à cause d’injustices sociales plus flagrantes. Il n’y a pas de politique “impériale“ possible, car les colonies françaises sont loin de posséder les ressources qu’une propa­gande intéressée leur attribue. Elles enrichissent non la métropole, mais quelques métropolitains et cela au détriment de l’immense masse des indigènes exploitée, sous-alimentée, condamnée à une mortalité excessive. Dans le domaine économique et social, presque tout est à faire : protection ou restitution de la terre, aide financière aux paysans, allégements fiscaux, élévation des salaires, limitation de la journée de travail, fonds de chômage, développement de l’instruction, extension des mesures d’hygiène, accès à toutes les fonctions avec salaire égal. Tâche de longue haleine, qui se heurtera à de farouches résistances ; mais qui ne doit pas rebuter les courages. Regardons l’avenir en face. La seule justification morale de la colonisation serait de préparer, sincèrement, l’indépendance des peuples indigènes. Comment pourra-t-on le faire si l’on continue à réserver à une minorité souvent infime de Français la majorité des sièges dans les assemblées élues des colonies ? » (Charles-André Julien, Le Populaire, 29 mai 1936)9. Le Congrès adopta en gros cette série de mesures10 qui, sans être extrémistes, dépassaient de loin le programme adopté par le gouvernement Blum (voir infra). Première interrogation : un gouvernement à direction socialiste, dans lequel un socialiste était chargé de la politique coloniale, n’était donc pas tenu par le programme socialiste ?

L’autre texte adopté, une Adresse « aux peuples des colonies, pays de protectorat et territoires sous mandat », était par contre une reprise de la vieille antienne de la gauche française : « Le Congrès du Parti socialiste (SFIO) vous adresse l’expression de son active solidarité. Il connaît votre misère, il a la volonté d’y mettre un terme. Avec le Front populaire au pouvoir, une ère nouvelle commence pour la France laborieuse aussi bien que pour les peuples qu’elle associe à sa destinée. Les espoirs qu’a soulevés la victoire du Front populaire ne seront pas déçus (…). Le Parti socialiste vous en donne l’assurance fraternelle » (1 er juin 1936). Ce qui était une n.ième manifestation d’une vieille tradition du mouvement ouvrier et socialiste français : faites-nous confiance, attendez les réformes promises par la gauche.

Même de vieux combattants contre les injustices coloniales se laissèrent parfois aller, en tout cas dans les premiers temps, à un certain enthousiasme. Andrée Viollis – plutôt communisante –, alors auréolée de l’immense écho de son livre Indochine SOS11, publié l’année précédente, rendit visite au nouveau ministre des Colonies, Marius Moutet, qu’elle gratifia du titre de « ministre de la clémence »12. Magdeleine Paz, qui avait toujours, à l’aile gauche de la SFIO, attiré l’attention de ses camarades sur la nécessité de radicaliser les positions coloniales de son parti, proclamait son espoir : « Travailleurs des villes et des champs, hommes des “races nues“, paysans du mil et du riz, de l’arachide et de l’hévéa, même sous les cieux les plus lointains, il y a désormais pour vous quelque chose de changé ; ces deux seuls mots, “Front populaire“, c’est déjà de l’espoir pour vous. Un peu de patience : ce sera bientôt la vie » (Le Populaire, 12 décembre 1936)13. Même un militant de la tendance Gauche révolutionnaire comme Daniel Guérin, commença par saluer les premières réformes (article dans La Vague, 1 er décembre 193614).

Par la suite, la lecture du Populaire, quotidien du Parti, laisse une impression étrange : les activités fort traditionnelles du ministre Moutet (dîner de la presse coloniale, inauguration d’une Maison de retraite du Colonial, surtout réunion des Gouverneurs généraux…) sont citées… Les revendications plus radicales émises par la Commission coloniale du Parti sont signalées… Mais à aucun moment on n’a l’impression qu’il y a rencontre entre ces deux types d’activité…

Évolutions et timidités du Parti communiste

Les communistes furent sans doute ceux qui opérèrent les évolutions les plus sensibles. Dix années après la violente campagne contre la guerre du Rif15, une année seulement après une Circulaire Barthel16 qui proclamait le droit à l’indépendance de l’Algérie, un réformisme prudent s’imposait désormais au PCF : « Nous nous sommes associés à d’autres pour que soit exécuté un programme très précis. Ce programme en matière coloniale prévoit l’organisation d’une enquête dans les colonies, protectorats et territoires sous mandat. En quoi cette prétention peut-elle sembler exorbitante ? L’enquête gênera peut-être les aigrefins et les prébendiers, ceux dont on retrouve les noms dans tous les scandales ; elle gênera les concussionnaires et les prévaricateurs, elle gênera la Banque d’Indochine, elle gênera les gouverneurs, les résidents, les commissaires qui ont fait détester la France. Tant pis ou tant mieux ! En quoi la France serait-elle affaiblie parce qu’un gouvernement issu du peuple châtiera ceux qui représentent si mal le peuple français ? Mais après l’enquête ? Après l’enquête, il est bien vrai que nous devrons nous mettre d’accord sur l’octroi aux populations des colonies, des territoires sous mandat et des protectorats, de revendications légitimes. Eh bien, nous nous mettrons d’accord. Les droits démocratiques que réclament à juste titre les peuples d’outre-mer, les libertés dont ils exigent la garantie, sont des requêtes auxquelles nous, les combattants du Front populaire, pourrons souscrire sans difficulté. Nous réclamerons, par exemple, l’abolition du Code de l’indigénat, acceptée déjà en Algérie par des députés de gauche qui furent élus grâce à notre désistement. Nous réclamerons l’abrogation des mesures qui ont restreint la liberté de la presse et suscité la protestation de journalistes et d’hommes politiques de toutes opinions, nous réclamerons la liberté d’organisation et d’association. Nous réclamerons, avant toute chose, l’amnistie pour les victimes de la répression politique. Il ne nous semble pas que ces revendications soient inacceptables pour des républicains qui ont été des bons combattants du Front populaire » (Gabriel Péri, L’Humanité, 23 mai 1936)17.

Un an plus tard, malgré le piétinement manifeste du gouvernement en la matière, les communistes font toujours profil bas : « Il faut étendre à l’Algérie les bienfaits du Front populaire. Déjà, des mesures heureuses ont été prises en Tunisie par M. Guillon, Résident général, et au Maroc le général Noguès s’est attiré de la sympathie en autorisant la publication de quatre journaux en langue arabe. L’application des lois sociales en Afrique du Nord, le vote rapide du projet Viollette, des mesures efficaces en faveur de l’enseignement pour la grande masse du peuple, les libertés syndicales, etc. Tout cela contribuera à faire des populations d’Afrique du Nord des alliés sûrs et solides de la démocratie contre lesquels se briseront les tentatives du fascisme étranger et de ses agents français » (Robert Deloche, L’Humanité, 12 février 1937)18.

Les communistes furent pourtant conscients que l’attentisme, pour ne pas dire l’immobilisme, en ce domaine, étaient porteurs de dangers. Le principal responsable du PCF sur ces questions s’interrogea : pourquoi « l’enthousiasme des Musulmans pour le Front populaire » s’était-il « calmé », puis transformé en « une réserve, voire même une hostilité à peine voilée » ? Il y voyait des explications sociales : « Parmi les lois sociales votées en France, un certain nombre d’entre elles furent promulguées pour l’Algérie. Dans les grandes villes, elles furent appliquées avec difficulté et rencontrèrent l’opposition du gros patronat qui, comme en France, chercha à en diminuer le plus possible les effets bienfaisants. Dans les campagnes, il n’en fut pas de même, les ouvriers agricoles, malgré la fixation des salaires minima, ne virent leurs conditions d’existence améliorées que dans des proportions infimes, dérisoires. Les syndicats d’ouvriers agricoles ont rencontré les plus grandes difficultés. Les grèves légitimes pour une élévation des salaires de famine de ceux-ci rencontrèrent l’hostilité des colons, mais aussi de l’administration fasciste qui mit à leur disposition tout l’appareil répressif. Il n’est pas de grève d’ouvriers agricoles qui n’ait connu l’arrestation de ses dirigeants. Quant aux fellahs, leur situation, loin de s’améliorer a empiré. L’office du blé ne leur a apporté aucune satisfaction car, pour la plupart, ils sont acheteurs et non vendeurs de b!é. Pour tous, ouvriers indigènes des villes, ouvriers agricoles et fellahs, le renchérissement considérable du coût de la vie a porté un coup terrible à leurs conditions matérielles d’existence. Pour les ouvriers des villes, les augmentations de salaires ont été largement compensées par le renchérissement. Pour les ouvriers agricoles et les fellahs, ce fut une aggravation considérable de leur niveau de vie, car ils n’ont pas ou n’ont que peu de bénéfice des avantages apportés par le Front populaire » Mais aussi des explications politiques. Même le projet Blum-Viollette, qualifié de « très imparfait », n’avait pas été appliqué. La conclusion était sévère et pessimiste : « Pour n’avoir point compris que le gouvernement de Front populaire ne devait pas être seulement le gouvernement de la liberté pour !a France métropolitaine, mais qu’il devait être également celui de la liberté des peuples colonisés, nous risquons de nous trouver demain en face d’une rupture entre le peuple laborieux de France et celui d’Algérie, au bénéfice le plus sûr des fascistes français et internationaux » (Henri Lozeray, L’Humanité, 24 septembre 1937). Le titre de cet article était tout un programme : « Le Front populaire ne doit pas perdre l’Algérie ».

C’est peu après, en février 1939, que Maurice Thorez, qui voyagea d’Oran à Constantine, en passant par Alger, émit la thèse de la Nation algérienne en formation, qui devait guider la politique communiste, ensuite, durant presque deux décennies.

Les autres forces de gauche

La grande majorité des hommes et femmes de gauche de l’époque épousa la ligne Front populaire, d’autant que cette période coïncida avec les revendications coloniales hitlériennes et mussoliniennes. En 1936, quatre figures de proue du Comité de vigilance des intellectuels antifascistes (CVIA), Paul Langevin, Paul Rivet, Alain et Marc Casati19, publièrent une plaquette, La France en face du problème colonial20, résumant parfaitement cette orientation : il ne fallait pas laisser « les colonies livrées à l’arbitraire de l’administration, et à l’exploitation des hommes d’affaires, qui les considèrent comme une chasse gardée », la puissance publique devait être la protectrice des indigènes. Comme dans le cas du rapprochement SFIO / PCF, les intellectuels les plus en pointe s’étaient alignés – par conviction ? par réalisme ? – sur des positions modérées. De fait, d’Andrée Viollis à Francis Jourdain, en passant par André Malraux, André Gide, Romain Rolland, aucun n’avait réellement envisagé, auparavant, une indépendance des colonies. Le réformisme du Front populaire, qui permettait d’envisager une amélioration du sort des indigènes et un minimum de libertés fondamentales, leur paraissait déjà un pas en avant.

Critiques de gauche en métropole

D’où pouvait venir, en métropole, une critique de gauche de la politique coloniale du Front populaire ? Ce flambeau, totalement abandonné par l’appareil du PCF, fut repris par des communistes oppositionnels, par l’aile gauche de la SFIO – avant d’être exclue du parti – et par des mouvements trotskisants.

Une figure emblématique du travail anticolonial du PCF jusqu’en 1935, André Ferrat21, également ancien rédacteur en chef de L’Humanité (1932-1934), en désaccord depuis 1934, fut évincé du Bureau politique en janvier 1936, précisément au début de cette année emblématique. Cette même année, il rejoignit le groupe oppositionnel Que faire ? Il y dénonça l’attentisme du gouvernement, qui risquait d’avoir un effet pervers : « Le risque est de pousser les coloniaux indigènes dans les filets de la démagogie (…). Le gouvernement Blum a donné aux colons fascistes d’Algérie des facilités nouvelles pour tenter de refaire avec des travailleurs arabes déçus et pleins de rancœur le coup organisé par Franco avec des travailleurs rifains abusés contre le Front populaire espagnol » (André Ferrat, Une honte, 1937)22.

Les militants de la tendance Gauche révolutionnaire du Parti socialiste avaient pris le contrôle de la Commission coloniale. Leur principal porte-parole, Daniel Guérin, commença par saluer les premières réformes (article dans La Vague, 1 er décembre 193623). Mais, très vite, la timidité de la politique entreprise irrita. Guérin se fit une spécialité d’écrire au ministre à de multiples reprises : « Je suis convaincu que votre bonne foi a été surprise. » (Lettre, 10 juillet 1937)24« Depuis un an, je n’ai guère eu l’impression que mes modestes interventions auprès de vous fussent efficaces. Mais j’imagine la situation infiniment difficile dans laquelle se trouve un ministre socialiste, hautement compétent, plein de bonnes intentions, mais prisonnier de ses bureaux »… (Lettre, 12 juillet 1937)25. On peut d’ailleurs s’interroger : Daniel Guérin, qui était déjà, alors, un militant expérimenté, nourrissait-il vraiment des illusions sur la « bonne foi » et les « bonne intentions » de Moutet, ou bien tentait-il, par ces pressions, de l’amener à ses thèses ? Par la suite, en tout cas, cette divergence alla en s’accentuant et fut une des causes de l’éviction de cette tendance de la SFIO, en juin 1938 (XXXV è Congrès, Royan). Un mois passa encore, et Guérin, Marceau Pivert fondèrent un nouveau – mais qui se révélera éphémère – mouvement, le Parti socialiste ouvrier et paysan (PSOP), qui revendiquera le droit à la séparation pour les colonies.

Au groupe La Révolution Prolétarienne, fondé par Pierre Monatte, la critique fut plus affirmée encore. Pour ses militants, la forme politique – le Front populaire – ne pouvait influer sur la nature du système – l’impérialisme. C’est le titre d’un article de Robert Louzon, militant anticolonialiste de toujours, mêlant ses réflexions sur les expériences française et espagnole, « L’impérialisme des Fronts populaires » : « La “démocratie“ espagnole se comporta à l’égard de “ses“ indigènes comme la “démocratie“ française à l’égard des siens » (La Révolution Prolétarienne, 10 novembre 1936). Ou son camarade Louis Bercher, qui signait Péra : « La répression actuelle, c’est la répression du Front populaire, c’est la répression de Blum et de Delbos. Comme le dit Louzon, le “redoublement d’oppression“ actuel est le fait de purs “démocrates“. Vous voudriez après cela que les Marocains prennent parti pour les “républicains“ contre les “fascistes“ ! Allons donc ! La remarquable passivité actuelle des Marocains devant les événements d’Espagne ne prouve qu’une chose : la grande sagesse politique de la masse de ce peuple » (La Révolution Prolétarienne, 25 novembre 1936)26)

On peut également citer des intellectuels qui souhaitèrent se tenir à l’écart des enthousiasmes du moment, comme Simone Weil : « Au cours du grand mouvement qui a soulevé, en 1936, les ouvriers français, ils ne se sont pour ainsi dire pas souvenus qu’il existât des colonies. Les organisations qui les représentaient ne s’en sont bien entendu guère mieux souvenues » (Essais et Combats, décembre 1938)27. Plus sévère encore est un autre texte, contemporain, les « organisations antifascistes », accusées de s’intéresser plus au « traitement d’un instituteur français » qu’à la « misère atroce (…) des populations d’Afrique du Nord », étaient frappées de ce fait d’une « honte ineffaçable »28.

La grande peur des milieux colonialistes

L’arrivée au pouvoir d’un gouvernement à direction socialiste, soutenu par les communistes et un mouvement syndical réunifié (congrès de Toulouse de la CGT, mars 1936) fut, on le sait, un moment d’effroi pour certains, au sein des classes possédantes, qui voyaient déjà les salopards en casquettes occuper le pouvoir.

Cette peur politique en métropole fut doublée de la crainte de la perte des colonies.

Avant même la victoire électorale, un périodique questionnait : « Quelle sera l’attitude du nouveau gouvernement à l’égard des colonies ? (…) Il serait regrettable que, lui aussi, il travaillât en façade et que sa sympathie pour les indigènes d’outre-mer se manifestât par la promulgation dans des territoires de lois ou de conventions internationales qui ne leur sont pas adaptées » (C.-A. Le Neveu, La Quinzaine coloniale, 25 avril 1936)29. La presse conservatrice affirmait alors que « l’influence directe du Komintern se manifesterait d’abord par les colonies, les pays sous mandat et les territoires, assimilés aux départements, de la France d’outre-mer », que Maurice Thorez était un ennemi déclaré de « l’impérialisme français »30, etc.

Le Figaro dénonça à de multiples reprises l’irresponsabilité de ceux qui voulaient organiser les indigènes. En Algérie : « Des extrémistes de la métropole “travaillent“ la population indigène » (Augustin Bernard 14 décembre 1936)31… En Tunisie : « Les colons sont désignés comme spoliateurs, voleurs,etc. (…), les fonctionnaires, qui bénéficient encore d’un ton mineur, mais que les agitateurs destouriens commencent à montrer du doigt avec plus d’intrépidité chaque jour sont des hôtes importuns gavés de l’argent de l’indigène. Ah! que le Front populaire est un instrument commode ! Car tout cela se fait en son nom, au nom despromesses“, desespoirs“ du Front populaire. La politique parisienne a une vertu rare : elle permet aux “protégés“ d’insulter la quasi-totalité des Français » (Maurice Noël, 15 avril 1937)32

On peut imaginer que l’extrême droite se déchaîna plus encore. L’Action française mena une campagne mêlant la peur du rouge, l’islamophobie33et l’antisémitisme34. Léon Daudet affirma sa crainte du « réveil islamique (…) en Tunisie, en Algérie, au Maroc, en Palestine, menaçant à la fois la France et l’Angleterre », concluant : « Que les Soviets encouragent en sous-main ce mouvement, la chose ne semble pas douteuse, car la III è Internationale exploite de son mieux les nationalismes extra-européens. Mais il y a sans doute une zone d’agitation plus générale et plus profonde, étrangement ramifiée, un trouble qui annonce l’orage (…). Le fait que le cabinet actuel est présidé par un Sémite passionné et militant est une complication de plus » (L’Action française, 28 juin 1936)35« Les craintes que nous manifestions ici, quant à notre Empire français, depuis le milieu de mai et l’installation du cabinet Blum, dit du Talmud, sont en train de se justifier. Les incidents de toute sorte se multiplient en Algérie, notamment dans la province d’Oran, le Maroc frémit, et voici que la Tunisie se met en mouvement (…). Toux ceux qui connaissent l’Islam et la rapidité de propagation des troubles racistes dans les milieux musulmans estiment la situation des plus graves » (L’Action française, 6 juillet 1936)36.

Sur place, dans les trois pays du Maghreb, il y eut alliance de fait entre la réaction coloniale, hostile par tradition – et par intérêt immédiat – à toute réforme, et les partisans des Ligues, Croix-de-feu de De La Rocque et doriotistes.

L’espoir des colonisés

Après des décennies de limitation des libertés, de répression, de nuit coloniale37, la perspective d’être enfin écoutés procura chez les colonisés – du moins ceux d’entre eux qui étaient à même d’être informés – de grands espoirs.

En métropole, les travailleurs coloniaux se joignirent aux cortèges du Front populaire. Dans un premier temps, leurs organisations se félicitèrent du ton des déclarations du nouveau gouvernement. En juin 1936, un meeting à la Mutualité vit à la même tribune quatre orateurs : à côté du socialiste Jean Longuet et du communiste Henri Lozeray, Habib Bourguiba, alors présent en France, représentant le Néo-Destour, et Messali Hadj, pour l’Étoile Nord-africaine, s’exprimèrent38.

Plus grande encore fut l’excitation dans les colonies. Gabriel Péri, qui dirigeait alors la rubrique de politique internationale de L’Humanité, affirmait : « Lorsque sont arrivés à Rabat, à Saigon, à Beyrouth, les résultats du scrutin du 3 mai, la foule indigène a crié “Vive la France du Front populaire !“, car la vraie France, pour elle comme pour nous, c’est celle-là » (L’Humanité, 23 mai 1936)39. Même si l’éditorialiste sollicitait quelque peu la réalité, il reste que de nombreux témoignages attestent du bon accueil, chez les colonisés, de la nouvelle équipe au pouvoir. Mais, contrairement sans doute à ce qu’auraient voulu bien des militants de gauche, les indigènes n’attendirent pas les bienfaits venus de Paris. Il y eut alors une exceptionnelle activité politique et sociale.

En Algérie, opinion du secrétaire général de l’association des Oulémas : « Nul ne peut contester que l’avènement du gouvernement du Front populaire ait suscité chez nous un grand enthousiasme, qui s’est traduit par d’éclatantes manifestations de sympathie et d’innombrables motions de confiance à l’adresse de tous les hommes auxquels le peuple de France confia sa destinée à la suite de la brillante victoire du 3 mai 1936 » (Lamine Lamoudi, La Défense, Alger, 24 décembre 1937)40. L’Humanité recensa, lors des manifestations fêtant la victoire du Front populaire, « 18.000 manifestants indigènes et européens » à Oran41. Cette participation eut lieu également à Alger, à Constantine, dans des villes moins importantes. Certains observateurs européens, étonnés ou effrayés, virent même des femmes voilées levant le poing42 ! Les forces politiques issues du monde colonisé fondèrent une sorte de pendant algérien du Rassemblement populaire, sous le nom de Congrès musulman43. Ce fut à l’occasion d’un meeting de ce mouvement que Messali fit une de ses (rares) interventions publiques sur le sol même de l’Algérie, avec un ton sensiblement différent de celui des autres orateurs : « J’ai entendu tout à l’heure les orateurs qui m’ont précédé dire avec combien d’égards et de bienveillance ils ont été reçus en France par le gouvernement de Front populaire ; je ne veux pas discuter ou amoindrir l’atmosphère dans laquelle cette réception s’est déroulée, mais je dis que le peuple algérien se doit d’être vigilant. Il ne suffit pas d’envoyer une délégation présenter un cahier de revendications, ni trop se leurrer sur les réceptions et attendre que les choses se réalisent toutes seules. Mes frères, il ne faut pas dormir sur vos deux oreilles maintenant et croire que toute l’action est terminée, car elle ne fait que commencer. Il faut bien vous organiser, vous unir au sein de vos organisations, pour être forts, pour être respectés et pour que votre voix puissante puisse se faire entendre de l’autre côté de la Méditerranée. Pour la liberté et la renaissance de l’Algérie, groupez-vous en masse autour de votre organisation nationale, l’Étoile Nord-africaine, qui saura vous défendre et vous conduire dans le chemin de l’émancipation » (Discours, Alger, 2 août 1936)44.

En Tunisie, le Néo-Destour réunit son Conseil national dès le 10 juin 1936 et émit un préjugé favorable45. Pierre Viénot, sous-secrétaire d’État aux Affaires étrangères, reçut au Quai d’Orsay, le 18 août de la même année, Habib Bourguiba, leader du Néo-Destour, fait sans précédent. La liberté syndicale fut reconnue.

Au Maroc, la CGT réunifiée connut une vague d’adhésions46, malgré l’interdiction du résident, le général Charles Noguès.

À Madagascar, des militants du Parti communiste de la région de Madagascar (PCRM) organisèrent des rassemblements de masse, drapeaux rouges déployés et « l’administration coloniale adopta un profil bas »47.

À La Réunion naquirent les premiers rassemblements politiques. Un Comité du Rassemblement populaire tint une première réunion à Saint-Denis (9 août 1936). Une section SFIO fut créée. Le courant communiste, sous forme d’un Cercle marxiste, s’y affirma, autour de Léon de Lapervenche et de Raymond Vergès. Des élus communistes firent leur entrée au Conseil général en 193748.

Au Sénégal, dans les quatre communes où régnait déjà un semblant de démocratie, Lamine Gueye, fondateur du Parti socialiste sénégalais (PSS), soutenu par toute la gauche locale, n’échoua aux élections que grâce à un trucage éhonté. Le 14 juillet 1936 vit, à Dakar, un immense rassemblement, aux couleurs du drapeau français et de celui du PSS.

S’il est un endroit où l’écho du Front populaire fut immense, c’est bien en Indochine. Pour deux raisons, convergentes : le mouvement national y était le plus développé et, en conséquence, la répression y était la plus forte. Une expression légale fut possible en Cochinchine (journal La Lutte, élus communistes et trotskistes au conseil municipal de Saigon), semi légale au Tonkin (journal Le Travail, où écrivit Vo Nguyen Giap). Tous se regroupèrent dans un Congrès indochinois, qui fit des adhésions par dizaines de milliers. Les prisonniers politiques, qui croupissaient alors dans les prisons et les bagnes coloniaux, saluèrent avec espoir l’avènement du nouveau gouvernement : « Nous sommes les détenus politiques qui vous écrivons de Poulo Condore où depuis six ans nous menons la vie la plus intolérable, le corps épuisé et mourant, mais gardant intact au cœur l’espoir qu’un jour le peuple de France nous délivrerait. Ce jour est venu. Au peuple de France, nous crions de toutes nos forces : “SOS, nous voulons la liberté“ » (Lettre au Front populaire, 25 mai 1936)49.

En 1936, un journaliste visite le bagne de Poulo Condor. Témoignage : « Je rangeais mes bagages dans la Maison des Passagers, lorsqu’on frappa doucement à ma porte. C’était un très vieux bagnard annamite vêtu de bleu. Sa longue barbiche blanche, ses lunettes dorées, sa maigre silhouette, ses ongles très longs lui donnaient l’allure classique d’un Lettré des Concours triennaux. J’appris plus tard qu’il était l’ancêtre du Bagne n° 3, où l’on enfermait les vieillards et les impotents. Il tomba à genoux subitement et se prosterna plusieurs fois, le front contre le parquet, les mains jointes au-dessus de la tête. J’interrompis ses courbettes. Alors, d’un geste vif, il me tendit une requête cachée sous sa camisole. Je lus, en en-tête: « Pétition de simples détenus au haut personnage du Front populaire en mission à Poulo-Condore ». Suivaient plusieurs pages de revendi­cations, d’une écriture bleue. Le vieux forçat me demandait l’amnistie pour aller se soigner dans sa famille, et toute une série de réformes en faveur de ses codétenus. Il terminait ainsi : « La victoire du Front populaire français a apporté beaucoup d’espoirs à nous, détenus maltraités. A haute voix nous crions : Vive le Front Populaire. Et nous vous saluons en vous souhaitant la bienvenue. À partir d’aujourd’hui, nous mettons toute notre confiance en vous ». Bien entendu je voulus rendre le papier au vieillard, lui expliquant qu’il y avait méprise sur ma personne. Peine inutile ! L’ancêtre sourit et se retira à reculons » (Jean-Claude Démariaux, Les secrets des îles Poulo Condore, 1956)50.

Dès juillet 1936, 1 277 condamnés politiques furent libérés51. Il y eut en tout de l’ordre de 11 000 libérations, tous condamnés confondus. Les libérés de Poulo Condor – parmi lesquels des compagnons proches de Ho Chi Minh, Pham Van Dong52 et Ton Duc Thang53 – en gardèrent toute leur vie un souvenir ému54.

Par contre, cette amnistie ne toucha pas tous les condamnés politiques. En Guyane, dans le bagne dit des Annamites55, il restait près de 170 condamnés politiques, appartenant au VNQDD (révolte de Yen Bay, 193056). Moutet avait été leur courageux défenseur, lors de leur déportation. Devenu ministre, il les oublia : il n’y eut que 12 bénéficiaires de l’amnistie et 150 dossiers restèrent sans suite sur son bureau57.

Cette agitation politique s’accompagna d’une vague de mouvements sociaux.

En Tunisie, où une tradition syndicale, malgré la répression, s’était établie dès l’immédiat après-guerre58, des grèves eurent lieu à la mine de Djerissa, aux chantiers Chauffour Dumez de Metline, aux mines de Metlaoui, où les gendarmes tirèrent sur la foule, faisant 17 morts et 34 blessés (mars 1937)59. Au Maroc, les grèves avec occupation commencèrent dès le 11 juin60. En Indochine, des grèves secouèrent le pays du printemps 1936 à l’hiver 1937. Une vague de grèves toucha également l’île de La Réunion. Une première éclata sur le Port de Saint-Denis le 31 août 1936 : les dockers réclamaient une augmentation de 10 frs par jour et l’application de la journée de huit heures. Le 14 décembre, trois décrets furent pris, étendant à l’île les dispositions des lois du 20 et 21 juin 1936 relatives aux congés payés, aux contrats collectifs et à la semaine de 40 heures. Un salaire agricole minimum fut fixé, mais semble-t-il peu respecté61. Au Sénégal, il y eut également des mouvements de grève62. Diverses lois en vigueur depuis longtemps en métropole furent promulguées : journée de huit heures, lois sur les accidents du travail, lois pour la protection de la femme et de l’enfant, délivrance du livret de travail. Surtout, la liberté syndicale fut reconnue, à la grande colère des colons63.

Des espoirs déçus

Les leaders nationalistes avaient-ils réellement cru que l’avènement d’un gouvernement de gauche en métropole suffirait pour bouleverser la situation coloniale ? Ou bien donnèrent-ils le change afin de ne pas être accusés de jusqu’au boutisme ? La réponse diffère, selon les individus. On peut imaginer que Messali Hadj, sans doute Bourguiba, les révolutionnaires vietnamiens, ne se payèrent pas de mots et continuèrent à compter sur leurs propres forces, tout en utilisant les possibilités légales d’expression.

En tout cas, l’attentisme du Front populaire doucha très rapidement les premiers enthousiasmes, là où il y en eut.

Non seulement les réformes attendues ne vinrent pas, mais la politique de répression reprit. En Algérie, Messali Hadj, en Tunisie, Habib Bourguiba, au Maroc, Allal El Fassi furent l’objet de décisions d’éloignement, les principales organisations patriotiques (Étoile nord-africaine, Néo-Destour, Comité d’action marocaine) furent dissoutes, des arrestations opérées, un millier par exemple au Maroc dès l’automne, dont 200 condamnés à des peines de prison pour « menées subversives »64, des saisies de journaux eurent lieu – la plus cocasse étant celle de Maroc socialiste par un gouvernement… socialiste65. En Indochine, le nationaliste Nguyen An Ninh, le trotskiste Ta Tu Thau et le communiste Nguyen Van Tao furent poursuivis et un temps emprisonnés. Les possibilités d’expression légale, notamment par le journal La Lutte, à Saigon, furent une à une éliminées.

En fait, tout ce qui ne rentrait pas dans le moule des droits octroyés et qui ressemblait de près ou de loin à des revendications nationalistes fut pourchassé.

Dans le texte, déjà cité, de Lamine Mamoudi, le responsable des Oulémas – nullement un extrémiste – poursuivait : « Examinons, en toute objectivité, notre situation depuis que le Gouvernement de Front populaire est au pouvoir. Y a-t-il eu un changement sensible dans notre situation ? A-t-on tenu tout ou partie des promesses qui nous ont été solennellement faites ? A-t-on fait droit à une quelconque de nos revendications primordiales, dont tout le monde pourtant a reconnu la modération et la légitimité ? Nous répondons, sans hésitation aucune : Non ! (…). Les musulmans n’admettent plus que l’on abuse de leur confiance ou de leur patience. Ils ont été pendant trop longtemps dupés et trompés et ils exigent aujourd’hui qu’on réponde à leur loyauté par la loyauté et à leur franchise par la franchise. Nos amis doivent tenir compte de cette réalité. Sinon, gare ! » (Lamine Lamoudi, La Défense, Alger, 24 décembre 1937)66.

Des échos de cette déception parvinrent jusque dans les congrès de la SFIO : « Il faut dire la vérité, toute la vérité à ses amis ; disons la nôtre franchement, cordialement, au Front populaire et surtout à son gouvernement. Disons qu’à l’enthousiasme succède l’indifférence, à l’espérance une déception. Des orateurs, la mort dans l’âme, je le sais, ont proclamé que les Musulmans ne devraient désormais compter que sur eux-mêmes » (Mohamed Kessous, Intervention, Congrès national de la SFIO, Marseille, juillet 1937)67.

En Tunisie, le Néo-Destour critiqua également la timidité gouvernementale : « À la période d’euphorie qui a suivi les mesures libérales prises par M. Guillon68 a succédé un état de malaise qui, depuis quelque temps, ne fait que s’accentuer et qui a différentes causes. La plus grande raison de ce malaise est, sans conteste, une situation économique d’une extrême gravité (…). Une autre cause, non moins importante, c’est la persistance des méthodes arbitraires et de provocation qu’on croyait à jamais abandonnées depuis le départ de Peyrouton69 (…). Certains conflits sociaux, aggravés par la mauvaise volonté du gros patronat industriel et minier, se trouvent également à l’origine de ce malaise. Il y a, enfin, le retard mis par le gouvernement à apporter les réformes politiques et administratives que le peuple tunisien attend depuis l’avènement du Front populaire, avec une impatience très compréhensible » (Dr Mahmoud El Materi, L’Action Tunisienne, 28 janvier 1937)70.

Dans la même veine, le leader charismatique du Néo-Destour insista, lors d’une visite à Paris : « Nous sommes venus pour alerter tous ceux qui veulent, d’une façon absolue et profonde, lier le destin de la France au destin de ces peuples-là71 (…). Nous sommes obligés de constater malheureusement qu’avec ces atermoiements, ces hésitations du gouvernement de Front populaire, la propagande fasciste, aussi bien française qu’internationale, attend que cette impatience, cette exaspération des masses tunisiennes jette le peuple tunisien vers une solution de désespoir (…). Nous voudrions qu’avec le peuple tunisien la France gouverne, et non pas avec certains notables et marabouts qui ont fait faillite. Nous voudrions qu’elle essaye de gouverner pour une fois avec le peuple tunisien » (Habib Bourguiba, Discours, mars 1937)72.

C’est le contraire qui se produisit. L’année 1938 marqua une escalade73. À Bizerte, le 8 janvier 1938, lors d’une manifestation conjointe, non autorisée, mais pacifique, de la CGTT reconstituée et du Néo-Destour, la police ouvrit le feu sur les manifestants. Il y eut six morts. L’Union locale du syndicat fut dissoute, ses dirigeants arrêtés74. Début avril, les dirigeants nationaux du Néo-Destour furent mis un à un sous les verrous. Le 9 avril, une manifestation, cette fois à Tunis, tourna à l’affrontement. Il y eut 11 morts, tous Tunisiens. Le résident décida alors de proclamer l’état de siège, de dissoudre le Néo-Destour, d’interdire sa presse75. Les lecteurs n’eurent donc pas accès au journal du 10 avril, qui commençait par cette simple constatation de Bourguiba : « Entre le peuple tunisien et le Protectorat, c’est de nouveau la rupture » (L’Action tunisienne, 10 avril 1938)76.

Comment réagit la gauche française ? En dénonçant… les victimes, les « fascistes de la CGT Tunisienne »77, sans doute manipulés par « une puissance étrangère voisine »78.

Moutet, on l’a vu, quitta ensuite le ministère. Mais la rupture avec les forces vives des mouvements nationalistes était consommée depuis longtemps.

Front populaire, Révolution anti-coloniale manquée ?

Le Front populaire fut-il une Révolution anti-coloniale manquée, pour paraphraser le pamphlet célèbre de Daniel Guérin79 ? Non, car il aurait fallu, pour que cette Révolution fût possible, que les hommes de gauche, à Paris, la souhaitassent et que les nationalistes les plus radicaux, outre-mer, fussent mieux organisés.

L’historiographie dominante sur le sujet oppose le plus souvent des « bonnes intentions », un « élan humanitaire et altruiste »80 d’une gauche trop naïve ou trop timorée face à la droite et aux lobbies coloniaux manipulateurs. Pourtant, la déception qui s’impose après une analyse des actions du Front populaire en matière coloniale ne vaut que si on avait prêté auparavant à ce mouvement des ambitions radicales. On a vu que ce ne fut jamais le cas pour les partis gouvernementaux et que le PCF, qui aurait pu jouer un rôle d’aiguillon, s’en garda bien.

En fait, c’est la nature même du Front, proclamée par ses dirigeants, qui a marqué les limites de son action réformatrice. Nuls mieux que les révolutionnaires vietnamiens, groupés dans le journal La Lutte, ne l’avaient compris et écrit : « Blum propose simplement à son parti et aux masses laborieuses “d’extraire de la société bourgeoise ce qu’elle peut compter d’ordre, de bien-être, de sécurité et de justice“. Le régime capitaliste n’est pas encore menacé, pas plus que le principe de la colonisation » (Saigon, 3 juin 1936)81.

Superbe convergence : en Tunisie, Habib Bourguiba, pourtant bien moins radical que les communistes et les trotskistes vietnamiens, parvint à la même analyse : « En Tunisie comme en France, le Front populaire a surtout effrayé les puissances d’argent, sans les mettre hors d’état de nuire. En Tunisie comme en France, il a voulu détruire les privilèges avec le consentement, je dirais même la permission, des privilégiés » (L’Action tunisienne, 18 octobre 1937)82.

Toute l’action de Marius Moutet – et donc de Léon Blum – confirme cette analyse.

En fait, Moutet obéissait aux mêmes vieux schémas que ses prédécesseurs rue Oudinot : la masse nous était fidèle, elle ne faisait pas de politique, n’attendait que des améliorations sociales initiés par nous, mais des agitateurs compromettaient la situation. Dans un télégramme au gouvernement général de l’Indochine, il fit directement référence à l’organisation, alors en cours, du Congrès Indochinois : « Agitation persistante, sous prétexte organisation masses, les incitant à la lutte (…) compromettrait politique libérale que gouvernement décide de poursuivre (…). Vous maintiendrez l’ordre public par tous moyens légitimes et légaux même par poursuites contre ceux qui tenteraient de le troubler (…). Ordre français doit régner en Indochine comme ailleurs » (Télégramme, 15 septembre 1936)83. Ce télégramme fut connu peu de temps après, en France. Daniel Guérin en publia le contenu dans le mensuel oppositionnel La Révolution prolétarienne84, avec les effets que l’on peut deviner. Moutet n’en persista pas moins. Dans une lettre de réponse à Andrée Viollis, il dénonça « ceux qui entretiennent l’agitation (…) avec une extraordinaire duplicité » : « Systématiquement toute une action occulte est poursuivie dans un but révolutionnaire que je comprends, mais que dans ma situation je ne puis défendre » (23 septembre 1937)85.

Fidèle depuis longtemps à la ligne centriste au sein de la SFIO, celle de Léon Blum, Moutet fut l’un des pères de la théorie dite de la Colonisation altruiste. Il ne cacha d’ailleurs nullement qu’une cloison étanche séparait ses conceptions de l’anticolonialisme : « Certains pensent que la gauche est anti-coloniale ; peut-être que certains de ses membres, par suite d’un idéalisme dévié, n’ont vu dans l’expansion coloniale rien d’autre que brutalité, violence et pillage. Mais le plus grand nombre a bien compris les tâches immenses à accomplir en prenant au sérieux la mission civilisatrice qu’une nation peut accomplir sans renier ses traditions et ses principes » (Discours, 10 juin 1936)86« Nous prendrons au sérieux notre rôle civilisateur et émancipateur. Ce sont-les besoins matériels, physiques et moraux de la masse des hommes habitant nos territoires coloniaux, qui seront notre constante préoccupation » (Discours, 13 juin 1936)87.

Vint donc, en 1936, le moment d’appliquer cette politique.

Il n’y eut donc pas de quiproquo mais bel et bien application d’une ligne réformiste assumée.

En 1936, le choc avec les nationalismes indigènes fut rude, mais la métropole avait tous les atouts pour l’emporter. Dix années plus tard, Moutet, revenu rue Oudinot, était dans le même esprit. Mais il avait désormais Ho Chi Minh devant lui… et une guerre de sept années commença.


Bibliographie

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Notes

1 « Il s’agit de savoir si de ce régime social il est possible d’extraire la quantité d’ordre, de bien-être, de sécurité, de justice qu’il peut comporter pour la masse des travailleurs et des producteurs » (XXXIIIème congrès du Parti socialiste, Paris, Salle Huyghens, 30 mai au 1er juin 1936).

2 Rappel : le projet Blum-Viollette, propre à l’Algérie, est décrit dans une notice de l’Encyclopédie de la colonisaion française, sous la direction d’Alain Ruscio, Paris, Les Indes Savantes.

3 L’Humanité, 23 septembre.

4 Lequel joua un « rôle plutôt effacé » (Marc Lagana, art. cité) : signe d’un malaise, de la part de ce militant anticolonialiste, naguère emprisonné à Alger pour ses activités (1925-1927).

5 Marc Lagana, art. cité.

6 « Sur le problème colonial ».

7 En tout cas pour cette période : il réoccupera le ministère, rebaptisé de la France d’outre-mer, en 1945-1947. Voir infra.

8 Charles-Robert Ageron, art. cité.

9 « Front populaire et politique coloniale », repris in Une pensée anti-coloniale. Positions, 1914-1979, Paris, Ed. Sindbad, Coll. Les Grands Documents, 1979.

10 « La motion sur le problème colonial », Le Populaire, 3 juin.

11 Voir cette entrée dans Encyclopédie de la colonisation française, op. cit..

12 « Le ministre de la clémence », Vendredi, 31 juillet 1936, cité par Anne Renoult, Indochine SOS. Andrée Viollis et la question coloniale, Thèse pour le diplôme d’archiviste paléographe, École nationale des Chartes, 2009.

13 « Le gouvernement de Front populaire et les problèmes coloniaux », citée par Anne Mathieu, « Le vent se lève… Magdeleine Paz face au colonialisme », Aden, Revue du Groupe Interdisciplinaire d’Études Nizaniennes, n° 8, octobre 2009.

14 « Les colonies sont encore sous le joug », article repris in Au service des colonisés, Paris, Éd. De Minuit, Coll. Documents, 1953.

15 Voir cette entrée dans Encyclopédie de la colonisation française, op. cit..

16 Voir cette entrée dans Encyclopédie de la colonisation française, op. cit.

17 « Le Front populaire et les colonies ».

18 « La dissolution de l’Étoile nord-Africaine ».

19 Le moins connu des quatre, militant de l’aile gauche de la LDH, qui semble bien avoir été le principal, peut-être l’unique, rédacteur. Voir Anne Mathieu & Anne Renoult, « Textes et témoignages retrouvés », in Revue Aden, Groupe interdisciplinaire d’Etudes Nizaniennes, n° spécial, « Anticolonialistes des années 30 et leurs héritages », n° 8, octobre 2009.

20 Brochure CVIA, Paris, 1936.

21 Jean Maitron & Claude Pennetier, Notice « André Ferrat », in Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, IVe partie, Vol. 27, Paris, Éd. ouvrières, 1986.

22 Drapeau rouge, 3 février 1937 ; cité par Benjamin Stora, « La gauche socialiste, révolutionnaire et la question du Maghreb au moment du Front populaire », Revue Française d’Histoire d’Outre-Mer, Tome LXX, n° 258-259, 1er et 2e trimestres 1983.

23 « Les colonies sont encore sous le joug », article repris in Au service des colonisés, Paris, Éd. De Minuit, Coll. Documents, 1953.

24 Citée par Anne Renoult, op. cit..

25 Id.

26 « Plus de 200 arrestations au Maroc ».

27 « Les nouvelles données du problème colonial dans l’Empire français », Essais & Combats, n° 2-3, repris in Écrits historiques et politiques, Paris, Gallimard, 1960.

28 « Qui est coupable des menées anti-françaises ? », vers 1938, article publié à titre posthume, in Écrits, op. cit.

29 Cité par Jacques Marseille, art. cité.

30 Gaëtan Sanvoisin, « Et l’Afrique du Nord ? », Le Figaro, 26 juin 1936.

31 « Menace en Algérie ».

32 « Ceux qui mordent la main qui les nourrit ».

33 Voir cette entrée dans Encyclopédie de la colonisation française, op. cit..

34 Voir cette entrée dans Encyclopédie de la colonisation française, op. cit..

35 « En Afrique du Nord, une mosaïque de risques ».

36 « Le Front populaire et l’Afrique du Nord ».

37 Ferhat Abbas, Guerre et révolution d’Algérie. La nuit coloniale, Paris, Julliard, 1962.

38 « Un beau meeting pour la défense des peuples coloniaux », Le Populaire, 28 juin.

39 « Le Front populaire et les colonies ».

40 « Le Front populaire et nous ».

41 15 juin 1936.

42 Claire Marynower, art. cité.

43 Voir cette entrée dans Encyclopédie de la colonisation française, op. cit..

44 Meeting du Congrès musulman algérien, cité par Mohamed Mestoul, « Messali Hadj à Alger en 1936. Souvenirs », in Réflexions. Messali Hadj. Parcours et Témoignages, 1898-1998, Alger, Casbah Éd., 1998.

45 Mohamed Lofti Chaïbi, art. cité.

46 Ahmed Benami, La formation sociale marocaine de la fin du XIX è siècle à la “marche verte“ 1975, Lausanne, Éd. Piantanida, 1983.

47 Solofo Randrianja, Société et luttes anticoloniales à Madagascar (1896 à 1946). Paris, Éd. Karthala, 2001.

48 Didier Rouaux, art. cité ; même auteur, « La Réunion durant le Front populaire », Tsingy, Revue du CRESOI (Centre de Recherches et d’Études sur les Sociétés de l’Océan Indien), Tamatave, n° 1.

49 Cité par Daniel Hémery, op. cit..

50 Les secrets des îles Poulo-Condore, le grand bagne indochinois, Paris, Ed. J. Peyronnet.

51 L’Humanité, 17 juillet.

52 Plus tard Premier ministre du gouvernement de la République démocratique du Viêt Nam) (RDV).

53 Ancien mutin de la mer Noire, plus tard président de la RDV.

54 Hoang Quoc Viet, « Peuple héroïque », in Récits de la Résistance vietnamienne, Paris, Maspero, Coll. Petite Collection Maspero, 1966.

55 Voir cette entrée dans Encyclopédie de la colonisation française, op. cit..

56 Voir cette entrée dans Encyclopédie de la colonisation française, op. cit..

57 Christèle Dedebant & Céline Frémaux, Le Bagne des Annamites, Cayenne, Éd. Région Guyane, Coll. L’Inventaire, 2012.

58 Voir l’entrée dans Encyclopédie de la colonisation française, op. cit..

59 Robert Louzon, « La tragédie du Sud tunisien », La Révolution Prolétarienne, 25 mars 1937.

60 Albert Ayache, « Les grèves de juin 1936 au Maroc », Annales, ESC, Vol. XII, n° 3, 1957.

61 Didier Rouaux, art. cités.

62 Yves Person, art. cité.

63 Id.

64 Jean Péra (Louis Bercher), « Plus de 200 arrestations au Maroc », La Révolution Prolétarienne, 25 novembre 1936 ; même titre, même revue, 10 décembre 1936.

65 « Autour de la saisie de “Maroc socialiste“ », Les Cahiers Rouges, n° 5, novembre 1937 ; cité in Front populaire et colonialisme, Dossier, Centre d’Études et de Recherches sur les Mouvements Trotskyste et Révolutionnaires Internationaux (CERMTRI), Cahier n° 93, juin 1999.

66 « Le Front populaire et nous ».

67 Cité par Mahfoud Kaddache, Histoire du nationalisme algérien, Vol. I, Paris, Ed. Paris-Méditerranée, Alger, Ed. EDIF, 2003.

68 Résident de France à Tunis (avril 1936-octobre 1938).

69 Résident de France à Tunis (juillet 1933-mars 1936).

70 « Provocation des prépondérants », in Itinéraire d’un militant (1926-1942), Tunis, Cérès Prod., 1992.

71 Les peuples colonisés.

72 L’Action tunisienne, 10 mars, reproduit par L’Humanité, 19 mars.

73 Habib Bourguiba, « Le problème tunisien et le statu quo méditerranéen », Mémoire, 8 septembre 1938, cité par La Révolution Prolétarienne, 10 janvier 1939.

74 Le Figaro, 3 février 1938.

75 Le Figaro, 10 avril 1938.

76 « La rupture » (n° saisi), in Ma vie, mon œuvre (1934-1938), Vol. II, Paris, Libr. Plon, 1986.

77 Le Populaire, 9 janvier.

78 Élie Cohen-Hadria, Le Populaire, 10 janvier.

79 Front populaire, révolution manquée. Témoignage, Paris, Julliard, 1963.

80 Par exemple Mohamed Lofti Chaïbi, art. cité.

81 Cité par Daniel Hémery, op. cit.

82 « La CGT et nous », in Ma vie, mon œuvre (1938-1943), Vol. III, Paris, Libr. Plon, 1986.

83 Cité par Daniel Hémery, op. cit.

84 « La répression en Indochine. Au secours de Ta Tu Thau ! », 25 février 1938.

85 Cité par Anne Renoult, op. cit.

86 Rencontre avec la Fédération nationale des Associations et Syndicats de fonctionnaires et agents coloniaux, Bulletin, XVI, juillet, cité par Joseph-Roger de Benoist, Église et Pouvoir colonial au Soudan français. Les relations entre les administrateurs et les missionnaires catholiques dans la boucle du Niger de 1885 à 1945, Paris, Éd. Karthala, 1987.

87 Cérémonie à la mémoire des fonctionnaires coloniaux morts à la guerre, Le Populaire, 14 juin.

A lire dans notre dossier

• Le Front Populaire survint dans un pays à la tête du second Empire colonial du monde, à une époque où les doutes en ce domaine étaient strictement minoritaires : Le Front populaire et les colonies, par Alain Ruscio

• Dans cet extrait de son Front Populaire, révolution manquée (1963), Daniel Guérin relate son expérience de la Commission coloniale de la SFIO : « On ne tient pas parole aux colonisés » : le témoignage de Daniel Guérin

• Dès la première moitié du XIXème siècle, les socialistes se sont divisés sur la légitimité de l’expansion coloniale : Ligue des droits de l’Homme, socialistes et communistes et la question coloniale lors du premier Front populaire

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