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Édition du 15 novembre au 1er décembre 2024

Non à la mise en péril du processus de décolonisation en Nouvelle-Calédonie

La politique du coup de force, irrespectueuse des droits légitimes du peuple Kanak, conduite par le gouvernement ne peut mener qu’à un immense gâchis.

La politique du coup de force, irrespectueuse des droits légitimes du peuple Kanak, conduite par le gouvernement ne peut mener qu’à un immense gâchis, s’alarment dans cet appel 56 personnalités.

Tribune collective publiée par Politis le 12 avril 2024.

Source

Non à la mise en péril du processus de décolonisation en Nouvelle-Calédonie 
Un indépendantiste devant un drapeau du Front de libération nationale kanak socialiste (FLNKS) lors d’un meeting de la campagne du FLNKS pour le « Oui » au référendum d’autodétermination de la Nouvelle-Calédonie, à Nouméa le 1er octobre 2020.
© Théo Rouby / AFP

L’État a imposé que le 3e référendum d’autodétermination se tienne à la date prévue en décembre 2021. C’était aller contre la demande des indépendantistes de le reporter, compte tenu de l’impact du covid et de la période de deuil qui s’en est suivie. En dépit d’une abstention de 57 %, dont une majorité de Kanaks, le gouvernement considère que l’électorat de l’archipel a alors définitivement opté pour une « Nouvelle-Calédonie dans la France ».

Aujourd’hui, il décide de reporter les élections provinciales de 2024 et de modifier la Constitution pour autoriser le « dégel » du corps électoral provincial. Il s’agit d’ouvrir la citoyenneté calédonienne, pas seulement aux natifs – les indépendantistes sont favorables à la pleine application du droit du sol –, mais au terme d’une durée de 10 ans à tous les résidents. Lesquels deviendront électeurs et éligibles pour les assemblées de Province qui déterminent les orientations politiques locales et la composition du Congrès du pays.

Cette imposition d’un « corps électoral glissant », sans un accord politique global négocié entre les différentes parties prenantes, constitue un passage en force de l’État. Celui-ci, une fois de plus, dicte son calendrier en fixant au processus engagé la date butoir du 1er juillet 2024.

C’est revenir sur un élément clé de l’accord de Nouméa, lequel a permis d’engager un processus de décolonisation et de garantir la paix civile au cours de ces trente dernières années.

Une telle politique renoue avec la logique qui a fait de la Nouvelle-Calédonie une colonie de peuplement.

Elle vise à mettre définitivement en minorité le peuple Kanak, en contradiction du droit international et des résolutions de l’ONU qui invitent les « puissances administrantes » à « veiller à ce que l’exercice du droit à l’autodétermination ne soit pas entravé par des modifications de la composition démographique dues à l’immigration ou au déplacement de populations dans les territoires qu’elles administrent ».

Le Congrès du FLNKS, qui s’est tenu le 23 mars 2024, s’est unanimement prononcé contre ce projet de réforme constitutionnelle. Il a également confirmé que, pour le FLNKS, seuls le dialogue et la recherche du consensus peuvent permettre d’envisager une solution d’avenir pour l’ensemble des Calédoniennes et Calédoniens.

Nous nous alarmons de cette politique du coup de force, irrespectueuse des droits légitimes du peuple kanak et qui met en péril la notion même de citoyenneté calédonienne au principe de la construction du destin commun.

Elle compromet la recherche d’un consensus entre les diverses communautés quant au devenir du pays et ne peut conduire qu’à un immense gâchis.

Il est impératif de préserver le processus de décolonisation qui a été poursuivi ces dernières décennies. Pour les droits du peuple kanak et des autres communautés. Pour l’avenir de la Kanaky/Nouvelle-Calédonie. Pour l’image de la France et celle de la République.


Premiers signataires :

  • Gilbert Achcar, chercheur et écrivain
  • Paul Alliès, universitaire
  • Bertrand Badie, politiste
  • Etienne Balibar, philosophe
  • John Barzman, historien
  • Christian Belhôte, magistrat
  • Jérôme Bonnard, syndicaliste Union syndicale Solidaires
  • Claude Calame, helléniste et anthropologue
  • Patrick Chamoiseau, écrivain
  • David Chapell, historien, Université de Hawaï
  • Mathias Chauchat, professeur de droit, université de Nouvelle Calédonie 
  • Nara Cladera, syndicaliste Union syndicale Solidaires
  • Pierre Cours-Salies, sociologue
  • Thomas Coutrot, économiste
  • Pierre Dardot, philosophe
  • Christine Demmer, anthropologue
  • Bernard Dreano, responsable Cedetim
  • Josu Egireun, syndicaliste et anticapitaliste
  • Didier Epsztajn, blogueur Entre les lignes, entre les mots
  • Franck Gaudichaud, historien, Université Toulouse Jean Jaurès
  • Daniel Guerrier, militant anticolonialiste, ancien co-président de l’AISDPK
  • Christine Hamelin, anthropologue
  • Hortensia Ines, syndicaliste Union syndicale Solidaires
  • Mehdi Lallaoui, réalisateur
  • Christian Laval, sociologue
  • Isabelle Leblic, anthropologue
  • Michael Löwy, sociologue
  • Christian Mahieux, syndicaliste Union syndicale Solidaires, éditeur Syllepse
  • Philippe Marlière, politiste
  • Roger Martelli, historien
  • Jean-Pierre Martin, psychitatre
  • Gustave Massiah, économiste, altermondialiste
  • Laurent Mauduit, écrivain et journaliste
  • Isabelle Merle, historienne
  • Michel Naepels, anthropologue
  • Ugo Palheta, sociologue
  • Alice Picard, porte parole nationale d’ATTAC
  • Christian Pierrel, directeur de publication de La Forge
  • Philippe Pignarre, éditeur
  • Boris Plezzi, secrétaire confédéral CGT, en charge des questions internationales
  • Jacques Ponzio, psychanalyste
  • Michèle Riot-Sarcey, historienne
  • Henri Saint-Jean, docteur en psychologie sociale
  • Christine Salomon, anthropologue
  • François Sauterey, vise président du MRAP
  • Denis Sieffert, éditorialiste
  • Patrick Silberstein, éditeur Syllepse
  • Francis Sitel, responsable revue ContreTemps
  • Marc Tabani, anthropologue
  • Serge Tcherkezoff, anthropologue
  • Jean-Marie Theodat, universitaire
  • Benoît Trepied, anthropologue
  • Anne Tristan, journaliste
  • Jacques Vernaudon, linguiste, université de Polynésie française
  • Antoine Vigot, syndicaliste FSU
  • Sophie Zafari, militante syndicale

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