Le “fardeau de l’homme blanc” » se refait une jeunesse
par Priyamvada Gopal, professeure d’histoire postcoloniale à l’université de Cambridge (UK).
Une résurrection étrange s’opère en ce moment dans les médias britanniques : celle de « l’empire bienveillant ». De plus en plus de documentaires et de débats arrivent à la conclusion que le colonialisme n’était, dans le fond, pas si mauvais.
La « promotion » de l’historien néoconservateur Niall Ferguson comme historien en chef de la BBC et de la station de radio Channel Four, au Royaume-Uni, est révélatrice du désir actuel de croire de nouveau aux bienfaits imaginaires de la tragédie coloniale. « L’Histoire » selon Ferguson n’est qu’un conte de fées des temps modernes, qui remet l’homme blanc et son fardeau au centre d’actions héroïques. Le colonialisme y est à nouveau présenté comme une mission de développement bénigne, accidentellement entachée de quelques excès.
Le racisme institutionnalisé par l’époque coloniale semble être également remis au goût du jour. Le livre qui accompagne la série sur l’histoire du XXe siècle (The War of the World) actuellement diffusée sur Channel Four nous explique que les peuples « semblent prédisposés » à faire confiance « aux membres de leur race ». « Quand une femme chinoise épouse un homme européen, il y a de fortes chances que seul le premier enfant soit viable », peut-on lire. On n’est pas loin de l’aberration pseudo-scientifique qui a pu justifier, à une époque, l’interdiction des relations sexuelles interraciales. Ferguson fait de l’empire un mythe, une méthode employée également par l’administration Bush, qui prétend apporter la liberté, la démocratie et la prospérité aux cultures primitives.
Ils feignent d’oublier les nombreuses recherches menées par de grands historiens qui ont montré que le colonialisme européen a surtout engendré appauvrissement, répression, misère et mort.
On ne demande pas aux Européens d’aujourd’hui de battre leur coulpe. La reconnaissance de la responsabilité historique ne signifie pas qu’il faille s’encombrer d’une culpabilité malsaine et inutile. Oublier l’histoire est toujours tentant, mais les dénégations minent la capacité des sociétés à évoluer. Il faut surtout combattre l’affirmation trop facile des chantres du colonialisme selon laquelle critiquer ce dernier revient à absoudre les tyrans d’Asie et d’Afrique de leurs crimes actuels. Il est, bien au contraire, possible et nécessaire, de condamner les deux.