Nouvelle charge de Bouteflika contre la France coloniale
[AP – 08/05/2006 16:57] Lors de la commémoration des massacres commis le 8 mai 1945 par l’armée française dans l’est algérien, le président algérien Abdelaziz Bouteflika a lancé une nouvelle salve contre la France coloniale.
Quelques semaines après avoir parlé de «génocide identitaire», le président Bouteflika a récidivé en évoquant la «violence génocidaire» du colonialisme. Son message a été lu par le ministre algérien des moudjahidine (anciens combattants), Mohamed Cherif Abbas, hier soir, à Guelma à 500km à l’est d’Alger.
«Nous ne devons pas oublier les fosses communes de mai 1945, ni les fours à chaux d’Héliopolis, pas plus que les bombardements de l’aviation et de la marine, les exécutions sommaires, les viols, tous ces meurtres de masse qui plongèrent les régions de Sétif, Guelma et Kherrata dans une ambiance d’apocalypse», écrit le président algérien. Dans ce message, il évoque encore l’horreur de la machine coloniale «renouant avec sa pulsion originelle, celle du déferlement de violence génocidaire».
«Pour une centaine d’Européens tués, on estimera à plusieurs dizaines de milliers les Algériens assassinés, non pas parce qu’ils combattaient les armes à la main le colonialisme, mais pour ce qu’ils étaient, des êtres humains aspirant à vivre au rythme de leur liberté en tant que peuple autonome, ce qui est la définition même de ce que l’on appelle un génocide», a asséné le chef de l’État.
«Il eut sans doute mieux valu, dans l’intérêt de nos deux peuples et de leur amitié, que des Français disent à d’autres Français, de manière calme et ferme: « oui, notre aventure coloniale a été génocidaire. Oui, colonisation n’a pas rimé avec modernisation mais avec décivilisation. Oui, notre État doit se purger de sa face obscure, de sa face colonialiste et pour cela, comme l’ont fait d’autres États à travers le monde, présenter ses excuses aux peuples auxquels il a imposé son oppression colonialiste et en particulier au peuple algérien qui l’a subie de manière si longue, si brutale, si multiforme, si génocidaire »», a déclaré le président algérien.
Pour dépasser le passé, selon Abdelaziz Bouteflika, «il serait bon que nous prenions appui sur ces données tangibles pour construire une amitié fondée sur la résilience de l’immense traumatisme induit par le colonialisme et délibérément tournée vers l’invention du futur».
Le chef de l’État algérien a nuancé son propos en faisant le distinguo entre le colonialisme comme système et la France en tant que peuple, et cela en affirmant que «nous n’avons jamais confondu la nation française, le peuple français, ni même l’État français avec le colonialisme français qui a été sa face obscure».
Les relations économiques entre Alger et Paris s’intensifient, malgré les frictions politiques
[Le Monde, daté du 12 mai 2006]Bien qu’elles se soient déroulées dans une période de tension entre la France et l’Algérie, la visite à Alger du ministre délégué à l’industrie, François Loos, les 8 et 9 mai, et celle d’une délégation du Medef, les 2 et 3 mai, ont permis de déboucher sur des résultats concrets. […]
« On peut dire que le temps des politiques n’est pas celui des entreprises et que les deux univers sont déconnectés. Nous sommes allés à Alger l’estomac un peu noué mais, sur place, nous avons constaté que nos partenaires algériens étaient comme nous : ils restent déterminés à aller de l’avant et à ne pas se laisser intimider par les soubresauts politiques », indique Thierry Courtaigne, directeur général et vice-président du Medef.
La France est le principal fournisseur de l’Algérie mais seulement son cinquième client. Elle est aussi le premier investisseur en Algérie, hors hydrocarbures. Ces investissements ont augmenté de 75 % entre 2004 et 2005. Ils concernent des secteurs aussi divers que l’agroalimentaire, les travaux publics, les services ou encore l’hôtellerie. […]
Dans les milieux politiques français, on mise sur un prochain apaisement de la crise qui secoue les relations entre Paris et Alger, en dépit de la dernière déclaration du président Bouteflika. […]
Florence Beaugé