Rapatriés : le baroud d’honneur de certains élus UMP
Etrange ce rassemblement d’environ 1 500 rapatriés organisé par les députés UMP des Alpes-Maritimes Lionnel Luca, Michèle Tabarot et Jean Léonetti, avec le soutien d’une demi-douzaine d’autres élus de droite du département, vendredi 3 février, à Saint-Laurent-du-Var. Il s’agissait, à l’origine, de s’opposer à la campagne engagée par la gauche pour l’abrogation de l’alinéa de l’article 4 de la loi du 23 février 2005 visant à mentionner » le rôle positif » de la colonisation dans les livres scolaires.
Mais depuis, il y a eu la demande de Jacques Chirac de saisir le Conseil constitutionnel. Et, le 31 janvier, la décision de ce dernier de déclasser l’alinéa contesté au motif qu’il était d' » ordre réglementaire « , ouvrant ainsi la voie à sa suppression par décret. Dès lors, se posait la question du maintien de la manifestation. Difficile pour ces élus de la majorité de mobiliser contre une initiative du président. Mais, » pas question de permettre au Front national de prospérer sur ces séances d’autoflagellations nationales « , a tranché M. Luca. Il a donc été décidé de rendre » un hommage à tous ceux qui ont servi la France « .
Priés de » plier les banderoles et de ramasser les tracts […] pour ne pas donner prétexte à un débordement « , les manifestants ont écouté sagement leurs élus. D’abord Henri Revel, le maire de la ville-hôte, » fier d’être Français « . Puis M. Luca, pour qui » c’est aujourd’hui qu’il y a une histoire officielle, partiale et partielle « . » Pieds noirs et harkis n’ont à faire repentance en rien et devant personne « , a lancé, sous les applaudissements, Mme Tabarot, fille d’un ancien chef de l’Organisation armée secrète (OAS) à Oran. Fermant le ban, M. Léonetti a voulu rappeler que la loi sur les rapatriés ne se résumait pas à l’article 4.
Dans l’assistance, des voix ont crié » Chirac démission ! » D’autres ont pesté contre » Bouteflika « , le président algérien, » qui traite les Français de nazis et vient se soigner en France « . » Pourquoi les parlementaires n’ont pas démissionné de l’UMP ? « , a lancé Rémi François, le responsable départemental du FN présent sur les lieux. Venue » soutenir – ses – amis rapatriés « , l’eurodéputée FN Lydia Schénardi se tenait, ceinte de son écharpe, sur la tribune. A quelques pas d’elle, Rudy Salles, député UDF. La veille, ce dernier était catégorique : » Je ne viendrai pas s’il y a des gens du FN. »
De gauche à droite :
- premier rang :
- Philipe VITEL, député de Toulon,
- Christian KERT, député d’Aix-Salon, rapporteur de la loi du 23 février 2005,
- –
- Lionnel LUCA, député des AM,
- Michèle TABAROT, député-maire du Cannet,
- Jean-Claude GUIBAL, député-maire de Menton,
- second rang :
- –
- Jean LEONETTI, député-maire d’Antibes
- Jacques PEYRAT, sénateur-maire de Nice,
- Jérôme RIVIERE, député des AM.
Discours prononcé par Lionnel LUCA lors de l’Hommage aux Rapatriés le 3 février à St Laurent du Var1
propres erreurs. Mais elle ne doit pas oublier les raisons qu’elle peut avoir de s’estimer elle-même. Il est dangereux en tout cas de lui demander de s’avouer seule coupable et de la vouer à une pénitence
perpétuelle. »
Albert Camus
C’est pour cela que nous sommes rassemblés aujourd’hui. Pour dire que nous sommes fiers de notre histoire, fiers de notre pays, et que nous n’avons à nous excuser de rien.
Nous les Parlementaires, nous sommes fiers de la Loi portant reconnaissance de la Patrie et contribution nationale en faveur des Rapatriés. Nous assumons l’article 4 que nous avons voté à quatre reprises. Notre opposition à toute réécriture de cet article a contraint les plus hautes instances de l’Etat à saisir le Conseil Constitutionnel qui n’a pu se prononcer que sur la forme, et non sur le fond.
Son déclassement confirme que l’article 4 n’était que déclaratif, et qu’il n’imposait aucune histoire officielle. Car c’est aujourd’hui qu’il y a une histoire officielle, partielle et partiale, comme dans cet extrait de ce manuel utilisé dans le lycée le plus proche, financé par le Conseil Régional: » Les accords d’Evian sont signés le 18 mars 1962, et l’indépendance est finalement proclamée le 3 juillet 1962. Des
centaines de milliers de rapatriés rentrent alors en France. A cause de la torture assumée par de nombreux officiers comme moyen de lutte contre le terrorisme. A cause des Harkis abandonnés aux lendemains de la guerre. »
Le retrait de l’alinéa 2 de l’article 4 n’accorde plus « à l’histoire et aux sacrifices des combattants de l’armée française issue de ces territoires la place éminente à laquelle ils ont droit »…
C’est ni plus ni moins du négationnisme qui maintient dans l’oubli le rôle des soldats de nos territoires pendant la 1ère guerre mondiale, dans l’Armée d’Afrique, pendant la Campagne d’Italie, dans le débarquement de Provence, en Indochine et pendant la Guerre d’Algérie.
C’est bien ce que voulait le Chef d’Etat algérien en insultant la France, sa représentation nationale et son peuple.
Voilà pourquoi nous exigeons que la réécriture réglementaire conserve cet hommage qui est le sens de notre présence.
Voilà pourquoi nous n’accepterons jamais un traité d’amitié avec l’Algérie sur des bases aussi tronquées.
En tout état de cause, article 4 ou pas, cette polémique mystificatrice aura eu le mérite de dire enfin qu’il y a bien des aspects positifs à la présence française outre-mer, et que deux tiers des Français le
pensent aussi.
Il sera très difficile désormais aux éditeurs de faire des manuels scolaires à sens unique, comme celui auquel j’ai fait référence. De ce point de vue, notre combat aura été utile.
Oui, il faudra bien dire que c’est l’intervention militaire française qui a mis fin à l’esclavage en Afrique du Nord sous domination ottomane.
Oui, il faudra bien dire que le plus bel hommage de la présence française outre-mer, c’est la francophonie.
60 Etats rassemblés autour de la France (dont certains issus de l’empire britannique) partageant la même langue, la même histoire, la même solidarité politique qui lui a permis à l’ONU de s’opposer à
l’intervention américaine en Irak…
C’est ce qui fait que la France est toujours une grande puissance.
Nous ne ferons pas la France du XXIème siècle sur le renoncement, sur la repentance et sur l’humiliation.
Nous ferons la France du XXIème siècle en continuant ensemble, quelle que soit l’origine de ses fils et de ses filles, une histoire glorieuse dont nous sommes les héritiers, tant il est vrai « qu’il y a un pacte
multiséculaire entre la grandeur de la France et la Liberté du monde »…
Lionnel LUCA
Député de la Nation
Vice-Président du Conseil Général des Alpes-Maritimes
Membre du Groupe d’études sur les Rapatriés
« Faire repentance de quoi ? D’avoir créé 126 hôpitaux ? »
Lionnel Luca, député UMP des Alpes-Maritimes, voulait «une manifestation digne, calme, aucun débordement, pas d’attaque sur le chef de l’Etat». Il a eu ce qu’il cherchait : 1 500 personnes rassemblées vendredi midi sur l’esplanade de l’hôtel de ville à Saint-Laurent-du-Var (Alpes-Maritimes) pour, officiellement, «rendre un hommage solennel à tous les Français rapatriés». En fait, il s’agissait de redonner fierté aux rapatriés pieds noirs meurtris par la polémique sur «le rôle positif» de la colonisation, et déçus après la mise au rencart par Jacques Chirac de l’article de loi controversé.
Pour ce succès, Lionnel Luca a dû tout d’abord faire la police. Car des pancartes fleurissent : «Cent trente-deux ans positifs [la colonisation] , quarante-quatre ans de politiciens négatifs.» Le député UMP des Alpes-Maritimes s’interpose : «Je vois circuler des affichettes dont l’intelligence m’échappe un peu. Ce n’est pas un défoulement.» Les pancartes s’abaissent. Reste la banderole officielle, «Fiers de notre Histoire, fiers de la France», sous laquelle les parlementaires UMP du département (plus un UDF, Rudy Salles) se pressent, avec des collègues de la région Paca. Ça sent bon la pêche aux voix, dans un exercice périlleux : caresser le rapatrié dans le sens du poil sans faire friser la moustache du Président. Un homme ricane : «A Paris, ils sont pro-Chirac. Ici, anti-Chirac…»
Bleu-blanc-rouge. Il y a aussi des FN. Mais discrets. On annonce le fils et le neveu du Bachaga Boualem, le chef harki. Les cars arrivent, l’odeur du pays remonte : «Il paye à manger, ton maire ?» «Ouais, anisette, kemia et couscous…» Deux gars se retrouvent : «On se connaît, on était dans la même prison…» Ça s’engueule aussi : «Discutez pas politique !» C’est très coloré bleu-blanc-rouge. Avec une moyenne d’âge élevée. Un homme proclame : «Je suis du Nord. De la France. De l’Afrique, aussi.» Christiane Garcia, 52 ans, est descendue de Lyon : «On ne veut plus être salis, il y a une vraie histoire à raconter. Tous les gens n’étaient pas des colons. Il y avait des pauvres. Mon père était ouvrier électricien. Il y a eu de bonnes choses de faites. Je veux que l’article 4 soit rétabli.»
Henri Revel, le maire de Saint-Laurent-du-Var, attaque : «Je vous salue la France !» Il évoque «des peuples que nous avons civilisés, peut-être pas assez, voyez ce qui s’y passe maintenant». Il parle de «la fierté d’être une terre d’accueil, peut-être trop…» Dénonce «une médiatisation nocive et perverse» sur l’article 4. «Enfin, la majorité silencieuse se réveille ! Nous sommes le peuple le plus tolérant de France… euh, du monde !»
«Négationnisme». Après l’hommage aux morts (sonnerie, Chant des Africains), Lionnel Luca prend le micro. «Merci d’être là pour dire que la France est toujours vivante !» Il se félicite que Saint-Laurent-du-Var possède «une avenue du général Jouhaud», l’un des putschistes d’Alger en 1962, condamné à mort, puis gracié. «Nous sommes ici pour dire que nous sommes fiers de notre Histoire. Nous n’avons à nous excuser de rien ! clame-t-il. Nous assumons l’article 4, que nous avons voté à quatre reprises. Il n’imposait aucune histoire officielle. C’est aujourd’hui qu’il y a une histoire officielle partiale et partielle !» Et il lit les phrases succinctes consacrées aux rapatriés dans un manuel scolaire. «Cent trente-deux ans balayés d’une seule ligne ! s’indigne-t-il. Sans parler de la tragédie de l’exode !» Quant à la torture, «autorisée par un garde des Sceaux (François Mitterrand, ndlr) qui deviendra Président», elle ne faisait que «répondre à l’autre torture officielle, celle du FLN !» Pour Luca, effacer l’histoire coloniale, c’est «du négationnisme».
La députée (UMP) Michèle Tabarot s’interroge : «Faire repentance de quoi ? D’avoir créé 126 hôpitaux, éradiqué des endémies, fertilisé des terres incultes, d’avoir bâti 23 ports et 4 aéroports ? Pieds noirs et harkis n’ont à faire repentance devant personne !» Le maire de Nice, Jacques Peyrat (UMP, ex-FN), jubile : «Il me semble revivre des événements que j’ai connus naguère…» L’ancien para met en garde contre «la perte de notre identité» et jure : «Je ne me repens de rien !» Puis s’échauffe : «En Algérie, les soldats appartenant au PC servaient les intérêts du FLN !» «Ouaaaais !» crie la foule. «Ici, nous sommes chez nous. Il n’y aura pas de subversion !»
Une Marseillaise, et on remonte, ragaillardis, dans les bus. Luca se réjouit : «Le risque était grand de se faire pourrir par le FN. Mais non, aucun dérapage !» Une dame en fourrure résume : «C’est un succès : personne n’a lâché de bombe.»
Jacques Peyrat…
Le sénateur-maire UMP de Nice a suspendu les travaux du conseil municipal afin de participer au rassemblement. Refusant « l’autoflagellation qui est à proprement parler un suicide programmé de la nation », il n’hésita pas à défendre les « valeurs ». Et de voir dans les attaques contre la loi une action « vouée à casser les valeurs fondamentales du pays pour faire progresser certaines idées qui ne sont pas les [nôtres]. » « Mais nous serons là […]. Et je sens confusément que la cérémonie d’aujourd’hui ne sera pas la dernière. »2
Elus et pieds-noirs manifestent contre «l’autoflagellation» de la France
Une douzaine de parlementaires UMP, rassemblés hier à Saint-Laurent-du-Var (Alpes-Maritimes) aux côtés de plus de 1 000 pieds-noirs et harkis, ont condamné l’abrogation de l’article 4 de la loi «portant reconnaissance de la nation envers les rapatriés» annoncé le 25 janvier par Jacques Chirac. Cet article prévoyait que «les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la France outre-mer, notamment en Afrique du Nord», ce qui avait suscité les protestations du gouvernement algérien, d’une partie de la population antillaise et des enseignants.
Réunis à Saint-Laurent-du-Var (Alpes maritimes), des parlementaires UMP de la région ont donc rappelé leur attachement à la formule controversée. «C’est aujourd’hui que les manuels scolaires exposent une histoire officielle, partielle et partiale, lance Lionnel Luca, député des Alpes-Maritimes, sous un tonnerre d’applaudissements. Notre combat a été utile malgré tout, estime-t-il, car les enseignants seront incités désormais à plus d’honnêteté.» Michèle Tabarot (Alpes-Maritimes) «refuse l’autoflagellation exigée par le président algérien, qui nous insulte tout en venant se faire soigner chez nous».
Jean Leonetti, député maire d’Antibes et premier vice-président du groupe UMP à l’Assemblée, a beau s’efforcer de défendre la décision de Jacques Chirac, le nom de Jean-Louis Debré – qui avait recommandé l’abrogation de l’article 4 – est hué par la foule. Leonetti a plus de succès lorsqu’il rappelle l’article 1 de la loi, toujours en vigueur : «La nation exprime sa reconnaissance aux femmes et aux hommes qui ont participé à l’oeuvre accomplie par la France outre-mer […] et leur rend, ainsi qu’à leur famille, solennellement hommage.» Lionnel Luca salue enfin la présence à ses côtés de deux députés qui gardent le silence : le rapporteur du projet de loi, Christian Kert (Bouches-du-Rhône) et Rudy Salles, député UDF des Alpes-Maritimes et proche de François Bayrou.
«Dérobade piteuse»
Réunie autour des élus devant l’hôtel de ville, la foule est recueillie et grave. «Recourir au Conseil constitutionnel pour enterrer la phrase adoptée par les parlementaires, c’est une dérobade piteuse», fulmine le maire de Mandelieu-la-Napoule, Jacques Berthelot, un des nombreux élus locaux présents. «On ne pense jamais aux souffrances psychologiques des enfants des Français d’Afrique du Nord, s’indigne Nicole Ferrandis-Delvarre, vice-présidente d’une association de rapatriés. Dans les manuels scolaires de mes fils, les pieds-noirs sont présentés comme des nantis et des tortionnaires.» «En arrivant à Marseille en 1962, je n’ai même pas eu droit à un verre d’eau, témoigne une vieille dame. Aujourd’hui, on nous spolie une deuxième fois, cette fois-ci moralement, en niant ce qu’ont fait nos parents et grands-parents en Algérie.»