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Édition du 1er au 15 février 2025

Les Pieds Noirs progressistes
en assemblée à Perpignan

L'Association des Pieds Noirs Progressistes et leurs Amis (ANPNA) tient les 14 et 15 octobre 2023 son assemblée générale à Perpignan, où, à l'opposé, la mairie RN célèbre l'Algérie française et les criminels de l'OAS. Dans le texte ci-dessous, l'un de ses animateurs, Jacques Pradel, rappelle que c'est dans cette même ville qu'en 2008 cette association fut créée, dans le but de s'opposer aux organisations de Pieds Noirs nostalgériques fondées par les chefs de l'OAS après leur amnistie dans les années 1960 et qui s'étaient imposées comme la voix unique des « rapatriés d'Algérie ». Il présente également les activités de l'ANPNA, dans les sphères de la culture, de l'histoire et de la mémoire et de l'éducation.

L’Association des Pieds Noirs Progressistes et leurs Amis (ANPNA) tient les 14 et 15 octobre 2023 son assemblée générale à Perpignan, où, à l’opposé, la mairie RN célèbre l’Algérie française et les criminels de l’OAS. Dans le texte ci-dessous, l’un de ses animateurs, Jacques Pradel, rappelle que c’est dans cette même ville qu’en 2008 cette association fut créée, dans le but de s’opposer aux organisations de Pieds Noirs nostalgériques fondées par les chefs de l’OAS après leur amnistie dans les années 1960 et qui s’étaient imposées comme la voix unique des « rapatriés d’Algérie ». Il présente également les activités de l’ANPNA, dans les sphères de la culture, de l’histoire et de la mémoire et de l’éducation.

L’Association Nationale des Pieds Noirs Progressistes et leurs Amis (ANPNPA):

De Perpignan à Perpignan

par Jacques Pradel, pour le site histoirecoloniale.net.

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À propos de la création de l’ANPNPA

Les premières associations nationales de pieds noirs créées dès l’arrivée en France n’avaient pas tant pour objet de cultiver la nostalgie de l’Algérie française que de défendre des intérêts matériels des pieds-noirs (conditions d’installation, indemnisation, etc.). Il en fut ainsi jusqu’à la promulgation des « amnisties de la guerre d’Algérie » (1964, 66 et 68), lorsque les chefs historiques de l’OAS, absous, créèrent leurs associations : Jouhaud, le FNR (Front National Rapatriés) ; Salan, l’ADIMAD (Amicale pour la Défense des Intérêts Moraux et matériels des Anciens Détenus de l’Algérie française), qui s’appela un temps ADIMAD-OAS ; l’ultra Jo Ortiz, le comité Veritas. Ces associations ont vite éliminé les autres ; parfois par le meurtre, comme en 1993 l’assassinat par trois pieds noirs ex-OAS du président du Recours Jacques Roseau qui avait pris ses distances avec l’extrême droite. Sont ainsi longtemps restées seules en place les associations nostalgiques de l’Algérie française, celles se réclamant ouvertement de l’OAS, comme l’ADIMAD, et celles qui se faisant plus discrètes n’en pensaient pas moins, comme le Cercle Algérianiste ; et longtemps, ces associations ont été reconnues par les média et le politique comme portant la « parole pied-noire ».

Les associations rejetant la nostalgérie et le ressassement du passé pour activité principale sont apparues plus tard, Coup de Soleil en 1986 et l’ANPNPA plus tard encore, en 2008. L’ANPNPA se donnait deux objectifs. Le premier était de dénier aux nostalgériques la prétention de parler au nom de l’ensemble des pieds-noirs ; de porter témoignage sur les crimes commis durant 132 ans par la France en Algérie ; de dire le bien-fondé de la lutte des Algériens pour l’indépendance ; de contribuer, par les témoignages et les analyses qu’elle porte, à l’écriture (par les historiens) d’une histoire lucide et dépassionnée de la France en Algérie. Le second objectif, tourné sur le futur, était d’œuvrer au renforcement de l’amitié des peuples des deux rives, à la solidarité avec les immigrés algériens, les bi-nationaux et les Français d’ascendance algérienne, à la lutte contre le racisme sous toutes ses formes, notamment le racisme « anti-arabe » déguisé en islamophobie.

C’est sur ces principes que l’association fut créée fin 2008, à Vitrolles (tout un symbole), par une vingtaine de personnes qui avaient des profils et des parcours différents : des pieds-noirs qui en Algérie avaient milité pour ou au contraire contre l’indépendance, plus d’autres qui avaient subi ou suivi sans ne rien comprendre ; des amis français dont l’histoire personnelle avait croisé celle de l’Algérie, des Algériens et des bi-nationaux vivant en France.

Fin 2008 seulement, pourquoi si tard alors que toutes les raisons justifiant la création étaient là bien avant ? Le projet avait en fait mûri progressivement, notamment grâce à un ami et un pied-noir de Perpignan, directement confrontés à l’extrême droite et la nostalgérie. Le déclic vint aussi de Perpignan, avec la découverte que sur le “mur des disparus pour l’Algérie française” érigé à l’initiative du Cercle Algérianiste étaient gravés les noms de membres de la famille de l’un des futurs fondateurs de l’ANPNPA ; plusieurs de ceux dont le nom était gravé avaient milité et lutté pour l’indépendance, et la plupart étaient toujours vivants !

À propos des actions menées par l’ANPNA

L’association a longtemps privilégié de contredire les nostalgiques du passé colonial et thuriféraires de l’OAS ; lors de débats publics, en contre-manifestant face à leurs rassemblements, en protestant contre le laxisme du pouvoir politique à leur égard, ou contre la complicité d’édiles locaux. L’ANPNPA continuera de le faire, notamment dans les villes où la nostalgérie est bien implantée ; mais il est bien plus utile, juste et gratifiant de se tourner vers l’avenir, d’intervenir de manière positive pour lutter contre les idéologies de haine et de revanche, et pour renforcer l’amitié des peuples des deux rives et la relation entre nos deux pays.

Les actions conduites prennent des formes différentes, qu’elles le soient à l’initiative de l’association ou en réponse à des sollicitations. En effet, l’ANPNPA a désormais une réelle audience, auprès des amis comme des ennemis, aussi est-elle régulièrement sollicitée par les médias, le politique (jusqu’à des invitations très officielles, au Sénat ou l’an dernier à l’Elysée), des artistes, historiens, étudiants … ; et ses militants participent ou organisent des colloques et manifestations culturelles ou de rue, sont inclus dans des réseaux d’organisations progressistes, luttent avec d’autres pour dénoncer la colonisation et sa résonance dans la société présente, le racisme ambiant et la montée des idéologies d’extrême droite, etc.

Retenons trois sphères d’intervention :

– La culture, comme un vecteur permettant l’échange et la connaissance de l’autre. Les JCFA (journées culturelles franco-algériennes) de Toulouse, en place depuis 11 ans, en sont un formidable exemple. Diverses initiatives mettant en avant la culture partagée ont été prises ailleurs, un peu partout en France, notamment récemment à l’occasion des commémorations du 60ème anniversaire de l’indépendance.

– L’histoire et la mémoire. Nombre d’adhérents sont intervenus lors de débats, de conférences, de fêtes populaires, de rassemblements autour de dates symboliques, etc., pour faire savoir la position de l’ANPNPA sur l’histoire de la France en Algérie, et pour dénoncer la résurgence des thèses extrême droitières à la gloire de la colonisation.

– L’école. Plusieurs membres de l’ANPNPA continuent d’intervenir en milieu scolaire; soit à la demande d’enseignants soit dans le cadre d’un accord entre les ministères de l’Education Nationale et de la défense ( l’ONAC-VG) ; toujours formidable !

Les membres de l’ANPNPA ne sont pour autant pas enfermés dans un regard historique, et situent leur action dans les contradictions de la société dans laquelle ils vivent. S’ils sont particulièrement sensibles aux relations avec l’Algérie et avec les Algériens vivant ici ou là bas, ils mesurent pleinement que ces relations sont immédiatement dépendantes des grands choix politiques et sociaux faits ici. Pieds-noirs mais citoyens français, quand bien même leur combat regarde beaucoup de l’autre coté de la mer, il s’inscrit de fait parmi les luttes menées ici contre l’injustice et pour l’émancipation.

À propos de l’Assemblée Générale 2023 de l’ANPNPA à Perpignan

L’ANPNPA a donc décidé de tenir son Assemblée Générale annuelle à Perpignan les 14 et 15 octobre prochains, avec pour thème central « la résonance de la colonisation et de la guerre d’Algérie dans la France d’aujourd’hui ». Ce n’est pas par provocation que ce thème et cette ville, mairie RN et fief des nostalgériques, ont été choisis.

Discours de Louis Aliot (RN), le 24 juin, au couvent Sainte-Claire-de-la-Passion, en célébration de l’Algérie française. © Raymond Roig / AFP
Discours de Louis Aliot (RN), le 24 juin, au couvent Sainte-Claire-de-la-Passion, en célébration de l’Algérie française. © Raymond Roig / AFP

C’est d’une part pour souligner, et dénoncer, la connivence qui existe entre eux : les thèmes chers à la nostalgérie (glorification de l’OAS, stèles aux ‘martyrs’ de l’Algérie française, haine de ‘l’arabe’, etc.) sont repris et inclus dans ceux classiques de l’extrême droite (grandeur de la Nation, la France et son empire colonial, son héritage chrétien, le plus possible d’islamophobie et de racisme anti-arabe). Le RN intègre ainsi dans son arsenal idéologique une vision du passé colonial qu’il n’osait jusque là mettre aussi fort en lumière. Cela trouve sa place dans une société, la nôtre, aujourd’hui largement pénétrée par les idées d’extrême droite ; et cela alimente le discours du RN (si souvent repris par la droite dite républicaine …) sur cette immigration qui dilue notre identité nationale (le colonisé devenant le colonisateur), sur notre sécurité menacée par le « jeune de banlieue » (« issu de l’immigration »), sur ceux qui ne condamnent pas l’islamophobie (des islamogauchistes), sur notre belle police qui nous garde de l’ennemi intérieur. Lequel n’est plus le fellagha mais le jeune arabo-musulman ! Une amie de l’ANPNPA se plait à souligner combien le fait colonial algérien, s’il appartient au passé, parle au présent. C’est pourquoi dire et faire savoir la vérité sur l’histoire de la France en Algérie, 132 ans de colonisation et de guerre, est un enjeu essentiel dans la lutte contre l’extrême droite dans la France d’aujourd’hui.

C’est d’autre part, pour nous inscrire dans la mobilisation citoyenne antifasciste large qui s’est mise en place à Perpignan et pour soutenir le collectif « Pour une histoire franco-algérienne non falsifiée ».


 

Voir le site de l’ANPNPA

 

 


 

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