Il y a 44 ans, Roger Gavoury, commissaire divisionnaire de la sûreté nationale, commissaire central d’Alger, était lâchement assassiné à coups de poignard, dans la nuit du 31 mai au 1er juin 1961, à l’intérieur de son studio de la rue du Docteur Trolard (à Alger).
Il y était attendu par un commando composé de légionnaires, notamment Albert Dovecar (dit Bobby), déserteur du 1er R.E.P., et Claude Tenne.
Roger Gavoury est né le 7 avril 1911 à Mello, dans l’Oise.
Sa carrière de commissaire de police débute à Hazebrouck en 1936. Il occupe différents postes avant de participer à l’organisation de la sûreté nationale marocaine, de 1956 à 1959.
Volontaire pour une affectation en Algérie, il y exerce d’abord la responsabilité de commissaire central adjoint d’Alger, à partir de février 1960.
Comme auparavant à Casablanca et Rabat, où les circonstances l’avaient conduit à s’opposer aux activistes passés dans la clandestinité, il s’y illustre par son courage.
Sourd aux menaces de mort, insensible au plasticage de son appartement le 14 avril 1961, il n’est jamais armé ni accompagné d’un garde du corps. Il se voit attribuer la Croix de la Valeur Militaire avec étoile d’argent le 21 avril 1961 pour sa participation « très importante à la lutte contre la rébellion » et pour avoir « payé courageusement de sa personne, au cours des événements de décembre 1960, en se portant constamment aux endroits où la violence des manifestations prenait la forme la plus dangereuse, afin de limiter les heurts entre les communautés« .
Présent dans sa famille à Charleville (Ardennes) au moment du putsch des généraux, il regagne Alger au plus vite 1 et s’y voit confier la charge de commissaire central.
Sa mort en service commandé, un mois plus tard, lui vaut d’être promu contrôleur général à titre posthume et de recevoir la croix de Chevalier de la Légion d’Honneur. En marge de son acte de décès est portée la mention « Mort pour la France ». Sa citation à l’ordre de la Nation rend compte des qualités professionnelles qui lui sont reconnues : « Fonctionnaire d’élite, d’un loyalisme absolu à l’égard des institutions républicaines, a toujours exercé ses délicates et périlleuses fonctions avec une compétence et une autorité dignes des plus grands éloges. Nommé à Alger depuis plus d’un an, s’est distingué par son attitude courageuse et son sens du devoir particulièrement élevé et a tenu à rester à son poste malgré les menaces de mort dont il était l’objet« .
D’après Anne-Marie Duranton-Crabol2, l’assassinat de Roger Gavoury, est un « événement-marqueur » dans l’histoire de l’OAS débutante. « Cruel hommage rendu à l’efficacité du commissaire central d’Alger, payant les coups portés à l’Organisation par la cellule qu’il avait créée au sein de la Sûreté urbaine, le meurtre servait d’avertissement pour tous ceux qui tenteraient de contrer le mouvement clandestin. ».
Rappelons que ce crime a été commis le jour même où un verdict de clémence était rendu à l’encontre de deux des généraux putschistes, Maurice Challe et André Zeller, condamnés par le Haut tribunal militaire à une peine de 15 ans de détention criminelle et à la privation de leurs droits civiques.
Comment ne pas associer au souvenir de Roger Gavoury celui de trois de ses collègues, victimes de l’OAS au cours de la même année 1961 : le 31 août, le commissaire Ouamri ; le 20 septembre, le commissaire principal Goldenberg abattu au volant de sa voiture ; le 9 novembre, le commissaire Joubert, mortellement touché par une rafale de
pistolet-mitrailleur à la veille de son retour en métropole.
« L’horizon commence à blanchir et bientôt, je l’espère, luira sur l’Algérie l’aube de la paix.
« Je voudrais, de toute mon âme, être le Central de la pacification, la vraie cette fois, celle des esprits.
« Je rêve d’une Alger où les hommes s’entraiment enfin, sans plus être séparés par des races, des religions ou des mers. »
Ces paroles de paix ont été prononcées par Roger Gavoury devant ses collaborateurs lors de la prise de ses fonctions de commissaire central d’Alger, quelques jours seulement avant son assassinat par l’OAS, le 31 mai 1961.
Après l’inauguration de la stèle de Perpignan, le 5 juillet 2003, après 743 le 6 juillet 2005,
souvenons-nous qu’il fut l’une des premières victimes de cette organisation terroriste3.
- Apprenant les événements d’Alger, Roger Gavoury avait tout d’abord envisagé de rejoindre son poste en se faisant parachuter au dessus de la ville.
- Anne-Marie Duranton-Crabol, Le temps de l’OAS, éd Complexe, 1995.
- Lors des inaugurations de stèles à la mémoire des fusillés de l’OAS, et lors de commémorations qui s’y déroulent, les noms de Degueldre, Dovecar et Piegts sont, après celui de Bastien-Thiry, cités par l’intervenant qui invite l’auditoire à reprendre avec lui, à haute voix, « MORTS POUR L’ALGÉRIE FRANCAISE, MORTS POUR LA FRANCE ».