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25 avril 1974 : la révolution anticoloniale portugaise

Au Portugal comme en France, la guerre coloniale a conduit l’armée à s’opposer frontalement au pouvoir politique. Avec des objectifs diamétralement opposés.

Il y a 50 ans, l’armée portugaise mettait fin aux guerres coloniales portugaises

En avril 1974, des officiers de l’armée portugaise mettent fin à quarante-huit ans de dictature fasciste et à une longue et sanglante guerre coloniale en Afrique, provoquant la fin de l’Empire portugais. Un événement qui contraste fortement avec celui du 13 mai 1958 à Alger, où des officiers français engagés comme eux dans la guerre coloniale avaient eux-aussi renversé le régime politique en place, mais dans l’espoir d’instaurer un régime autoritaire et de conserver l’Algérie française.

Dessin de Joao Abel Manta, Diario de Noticias, 14 octobre 1974

Au Portugal comme en France, la guerre coloniale a politisé à l’extrême nombre d’officiers, créé une forte tension avec le pouvoir politique et conduit l’armée à s’opposer frontalement à ce dernier. Mais leurs rôles furent diamétralement opposés. Les uns furent responsables d’une prolongation terriblement meurtrière de la « pacification » durant cinq années, les autres y mirent un terme et acceptèrent la fin de l’Empire portugais. Les uns souhaitèrent un pouvoir autoritaire, les autres firent une révolution démocratique.

Le commandement en Algérie de l’armée française, particulièrement les officiers du général Salan, estimaient que le gouvernement était responsable de leurs défaites ou de leurs difficultés en Indochine, à Suez, puis en Algérie. Pétris d’anticommunisme et de nationalisme, défenseurs de l’Empire, ils se pensèrent « trahis » et allèrent jusqu’à fomenter des coups d’Etat. Le premier, celui du général Faure fin 1956, fut déjoué. Le suivant réussit : le 13 mai 1958, avec le soutien des Européens ultras, les parachutistes de Salan et Massu prirent le pouvoir à Alger et obtinrent la chute de la IVe République et l’arrivée au pouvoir de Charles de Gaulle. S’estimant ensuite à nouveau trompés par ce dernier, non sans raisons puisqu’il s’acheminait vers une acceptation de l’indépendance algérienne, des officiers supérieurs tentèrent en avril 1961 un nouveau putsch, dit « des généraux », projetant de sauter sur Paris et d’instaurer un régime fascisant. Leur assaut contre la république ayant échoué, bon nombre d’entre eux participèrent à l’OAS et entrèrent en rébellion clandestine, semant un chaos sanglant en Algérie et en métropole et allant jusqu’à tenter de tuer De Gaulle.

« Lettre du Portugal » de Siné, publié le 11 juin 1974 dans Republica

« Le 25 avril est né en Afrique », dit-on au Portugal. Les militaires portugais qui créèrent dans la clandestinité le MFA (Mouvement des Forces Armées) en 1973 étaient loin d’être tous anticolonialistes, mais beaucoup étaient de gauche. Les longues et sanglantes guerres coloniales auxquelles ils avaient participé pendant plus d’une décennie en Angola, en Guinée-Bissau et au Mozambique, du fait de l’obstination insensée de la dictature, les avaient persuadés de la nécessité d’y mettre fin. « La soif décoloniale des militaires portugais leur vient de cette vie sur le terrain, où, pendant plus de dix ans, le quotidien des conscrits tourne au cauchemar » (Guillaume Blanc). Ils étaient notamment  instruits de l’échec des guerres de « pacification » faites par la France en Indochine et en Algérie. Et par celui, alors déjà évident, des Etats-Unis qui seraient contraints d’évacuer le Vietnam l’année suivante. Parmi les 10 % de la population portugaise ayant émigré, surtout en France, des centaines de milliers de jeunes hommes l’avaient fait clandestinement par refus d’aller combattre en Afrique. Le programme politique des officiers qui mirent à bas la dictature portugaise le 25 avril 1974  incluait, outre des mesures démocratiques et sociales, « le droit à l’autodétermination » des peuples colonisés par le Portugal.  Durant les deux années suivantes, les colonies portugaises se libérèrent de la tutelle coloniale. Le 10 décembre 1974 la Guinée-Bissau déclara son indépendance, suivie du Mozambique (25 juin 1975), du Cap-Vert (5 juillet 1975), de Sao Tomé-et-Principe (12 juillet 1975) et de l’Angola et de Cabinda (11 novembre 1975).

Pour aller plus loin sur la dimension anticoloniale de la révolution portugaise, on peut lire en ligne « La société portugaise face aux guerres coloniales (1961-1974) » de l’historien Victor Pereira. Et écouter dans le podcast « Paroles d’histoire » d’André Loez dans lequel Victor Pereira qui revient avec précision sur cette question.

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