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L’expansion coloniale européenne de 1850 à 1914 dans le manuel de Malet et Isaac de 1961

Cours Malet Isaac (1961)

La colonisation européenne, de 1850 à 1875

La colonisation européenne s’était poursuivie durant la première moitié du XIXe siècle, mais son ampleur avait été limitée. Deux puissances seulement y avaient participé : l’ Angleterre, qui avait achevé d’établir sa domination sur l’Inde ; la France, qui avait pris possession de presque toute l’ Algérie. L’Angleterre et la France sont restées les seules puissances colonisatrices de 1850 à 1875. L’ Angleterre n’a effectué, durant ces vingt-cinq ans, que de faibles acquisitions, notamment en Birmanie. La France, sous le Second Empire, s’est montrée plus entreprenante, en Afrique occidentale et dans le Sud de l’ Indochine principalement.

Les impérialismes coloniaux

Un changement considérable est survenu au cours des années qui ont suivi 1875. Un mouvement politique d’expansion — l’impérialisme colonial — a porté de nombreuses puissances à étendre les domaines coloniaux qu’elles possédaient ou à se constituer de tels domaines. Plusieurs pays européens sont en effet entrés alors en course, aux côtés de l’Angleterre et de la France : l’Allemagne, la Russie, le Portugal, l’Italie, — sans parler de deux pays extra-européens : les États-Unis et le Japon.

Tel qu’il s’est présenté après 1875, l’impérialisme colonial a été, dans une certaine mesure, la conséquence logique du grand mouvement d’exploration. Sur un plan différent, il s’explique parfaitement si l’on tient compte du contexte économique et politique de l’Europe à ce moment. Au point de vue économique, le régime capitaliste est en plein développement et la concentration capitaliste se précise; les grandes entreprises aspirent à étendre toujours plus leurs débouchés commerciaux. D’autre part, il convient de rappeler qu’après une période de prospérité, l’Europe subit, de 1875 à 1895, une profonde dépression; les débouchés européens se restreignant et le protectionnisme s’instituant, les entrepreneurs des différents pays désirent d’autant plus se réserver dans le monde des secteurs privilégiés, où ils pourraient — à l’abri des concurrences étrangères — écouler leurs produits et se procurer des matières premières.

Au point de vue politique, les nationalismes européens restent florissants et même souvent s’exaspèrent. Les divers gouvernements cherchent, en opérant de nouvelles acquisitions dans les pays d’outre-mer, à accroître à la fois la puissance et le prestige de leurs pays. La course aux colonies n’est aussi bien souvent qu’un aspect de la course à la prépondérance.

Aspects des impérialismes coloniaux

L’impérialisme colonial s’est, dans un premier temps, manifesté par une sorte de ruée vers les territoires dits vacants; les missions envoyées par les divers pays ont rivalisé à qui planterait, la première, son drapeau dans ces régions. La prise de possession de celles-ci s’est parfois faite d’une façon pacifique, par des accords librement signés avec les potentats locaux; elle est, plus souvent, résultée de courtes expéditions militaires menées contre des peuplades arriérées ou contre des, États en proie à l’anarchie et faiblement armés.

Au cours d’un second temps, qui est survenu plus ou moins tôt selon les régions, des rivalités se sont manifestées entre les grandes puissances elles-mêmes, dès lors que certains territoires marginaux pouvaient être pareillement revendiqués par plusieurs de ces puissances. Des conflits internationaux ont menacé d’éclater mais le danger a toujours été, en fin de compte, écarté par la signature d’accords de compromis ou par la réunion de conférences internationales.

Enfin, dans d’autres circonstances encore, les faits se sont déroulés d’une manière différente: ainsi lorsque les ambitions coloniales d’un pays occidental se sont portées sur un territoire appartenant déjà à un autre pays de même sorte ou lorsqu’une puissance a résolu de conquérir un pays d’outre-mer déjà constitué en un État indépendant et fortement organisé. La guerre est, dans ce cas, devenue inéluctable : ainsi entre les États-Unis et l’Espagne, à propos de Cuba, ou, presque au même moment, entre l’Angleterre et les deux républiques boërs de l’Afrique australe, l’Orange et le Transvaal.

Les partages coloniaux

Le résultat
essentiel de l’impérialisme colonial, tel qu’il s’est manifesté à la fin du XIXe siècle et au début du XXe, a été la disparition quasi totale des terres dites vacantes dans le monde. Accessoirement, cet impérialisme a aussi provoqué l’assujettis­sement de plusieurs États asiatiques ou africains, qui étaient parvenus jusque-là à sauvegarder plus ou moins leur indépendance.

L’Angleterre, la France, la Russie et l’Allemagne ont été, de toutes les puissances européennes, les principales bénéficiaires du mouvement. Le Portugal en a tiré des profits non négligeables, en Afrique méridionale. L’Italie, malgré ses ambitions et ses efforts, n’a pu s’assurer qu’une part assez réduite. Enfin un autre État européen, la Belgique, s’est révélé un des principaux profiteurs de ce partage, sans que ni le gouvernement ni le peuple belges l’eussent directement voulu.

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Sur un plan différent, l’ Afrique a, durant toute cette période, été l’enjeu principal des rivalités coloniales européennes: c’est elle surtout que les puissances se sont disputée et qu’elles se sont finalement partagée, Le partage colonial de l’Océanie,qui avait déjà commencé bien avant 1850, s’est achevé. […]

Bilan des impérialismes coloniaux

Les buts visés par les puissances impérialistes de l’Europe ont ordinairement été atteints: avantages commerciaux ou financiers pour les grandes sociétés capitalistes, accroissement de puissance – sinon toujours de prestige – pour les États colonisateurs. Par ailleurs, les nations, dans les pays impérialistes, ont, en fin de compte, profité, elles aussi, du mouvement : des débouchés rémunérateurs se sont offerts à ceux de leurs jeunes gens qui étaient doués d’esprit d’entreprise ; la marche, plus assurée, des industries a davantage garanti un plein emploi aux ouvriers ; d’une façon générale, les niveaux de vie nationaux s’en sont trouvés relevés. Enfin, si contestables que ses méthodes soient souvent apparues et si critiquables que certaines de ses conséquences puissent être jugées, il serait injuste d’oublier que l’impérialisme colonial a aussi apporté des bien­faits aux peuples assujettis : mise en valeur de régions sous­développées, suppression de coutumes barbares, diminution de la mortalité, lente vulgarisation de l’instruction.

L’un des aspects les plus négatifs du bilan a été que les nouveaux impérialismes se sont superposés bien souvent aux anciens nationalismes, pour accroître les griefs réciproques des pays européens. La vie internationale de l’Europe en a été rendue plus instable; les menaces de guerre générale en ont été aggravées.

Autres formes d’expansion

Les grandes explorations. la .grande émigration. l’impérialisme colonial ou semi-colonial ne peuvent suffire à définir l’expan­sion européenne, telle qu’elle s’est manifestée de 1850 à 1914. Ilfaut y ajouter: l’expansion économique et financière de l’Europe dans les pays extra-européens qui sont restés pleine­ment indépendants – États américains ou Japon en Extrême­ Orient – : l’expansion religieuse et celle que l’on peut appeler idéologique ou culturelle, aussi bien dans les pays devenus plus ou moins dépendants que dans les autres pays.

L’expansion idéologique ou culturelle

L’Europe a naturellement exporté ses institutions – politiques, administratives, juridiques, etc. -, ses façons de sentir et de penser et même – dans la mesure où des climats différents le permettaient -, ses modes de vie dans les divers pays qu’elle a colonisés; les « semi-colonies » se sont pareillement aussi mises souvent à son école. Son influence idéologique et culturelle ne s’est pas moins exercée dans les pays restés pleinement indé­pendants sur les autres continents. Bien au contraire, elle y a même été d’autant plus forte que ces pays étaient, pour la plupart, d’anciennes colonies européennes, qu’ils possédaient déjà en 1850 un peuplement d’origine européenne, que leur population a été grossie, après cette date, par le flot des émi­grants européens. Si l’on met à part le Japon, où la civilisation européenne s’est, en quelque sorte, superposée à la vieille civilisation indigène, l’apport européen, dans le domaine idéo­logique et culturel, n’a fait ainsi, à la fin du XIXe siècle et au début du XXe, que renforcer et prolonger un apport beaucoup plus ancien.

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