Les exactions : torture, viols, exécutions extrajudiciaires
Jacques de Bollardière est le seul officier supérieur à avoir condamné ouvertement la pratique de la torture pendant la guerre d’Algérie.
En 1957, il tente par tous les moyens de dénoncer « certains procédés » en vigueur dans la recherche du renseignement en Algérie. Sa prise de position publique lui vaut une sanction de soixante jours d’arrêt ...
cette page avait été rédigée en octobre 2001.]
Paroles d’historiens.
« Le courage, c’est de chercher la vérité et de la dire. » Jean Jaurès
Le général Maurice Schmitt a été condamné à verser un euro symbolique à Louisette Ighilahriz. Le général ayant fait appel, l’affaire a été rejugée le 8 septembre 2005.
L’appel paru dans l’Humanité le 31 octobre 2000.
Le témoignage du lieutenant-colonel Pierre-Alban Thomas devant Amnesty International, le 18 oct. 2000.
Condamnation en appel du général pour diffamation, le 15 octobre 2004 : il avait traité de « menteur » un ancien appelé d’Algérie qui avait témoigné sur la torture durant le conflit.
Le 10 octobre 2003, le général Maurice Schmitt avait déjà été condamné à un euro symbolique pour diffamation envers Louisette Ighilahriz.
La Justice française rappelle que la torture est une atteinte à la dignité humaine universellement réprouvée.
De toutes les exactions commises par l’armée française pendant la guerre d’Algérie, le viol est la plus cachée, la plus obstinément tue depuis quarante ans. Il n’y eut jamais d’ordres explicites de viol, et encore moins d’ordres écrits. Mais, loin d’avoir constitué de simples « dépassements », les viols sur les femmes ont eu un caractère massif en Algérie entre 1954 et 1962.
Un entretien avec Madeleine Rebérioux, historienne et présidente d’honneur de la LDH, réalisé par Lucien Degoy, paru dans l’Humanité, le 3 juillet 2001
La septième chambre correctionnelle de la cour d’appel d’Aix-en-Provence a confirmé lundi 20 juin 2005 la peine infligée en première instance, le 2 juillet 2004, à un ancien caporal de l’armée française qui avait accusé le général Maurice Schmitt de faire l’apologie de la torture.
Au cours de l’audience du 18 mars 2005, l’ancien chef d’état-major des armées, de 1987 à 1991, avait été mis en cause par des militants FLN arrêtés pendant la bataille d’Alger au cours de l’été 1957. Le général s’est toujours défendu d’avoir participé à des séances de torture.
[Première mise en ligne, le 22 mars 2005,
mise à jour, le 20 juin 2005.]
« Avant de s’indigner des atrocités commises en Algérie, il faut se demander pourquoi nous avons fait la guerre au peuple algérien et pourquoi nous avons laissé faire des choses qui n’avaient pas de raison d’être. »
Propos recueillis par Antoine Spire,
publiés dans Le Monde le 28 mai 2001.
Dans un ouvrage intitulé « Algérienne » et publié en mars 2001, Louisette Ighilahriz explique avoir été torturée en 1957 pendant trois mois en Algérie « par le capitaine Graziani, qui agissait sous les ordres du général Massu et du colonel Bigeard ».
Lors d’une émission télévisée consacrée à la guerre d’Algérie, en mars 2002, le général Schmitt avait déclaré que ce livre était « un tissu d’affabulations et de contrevérités ».
Condamné pour ces propos, le 10 octobre 2003, à un euro symbolique de dommages-intérêts, le général avait fait appel. Le débat a repris le 8 septembre 2005 devant la cour d’appel de Paris.
Le général Schmitt a été relaxé en appel.
Dans « Algérie, une guerre sans gloire » [1], où elle nous fait revivre de l’intérieur ses enquêtes pour le Monde, Florence Beaugé publie un nouveau témoignage accablant pour le général Schmitt, ancien chef d’état-major des armées.
Ci-dessous les extraits du livre de Florence Beaugé qui ont été publiés dans le Nouvel Observateur du 8 septembre 2005. Ils éclairent l’audience du 8 septembre 2005 consacrée à l’appel du général Schmitt contre Louisette Ighilahriz.
Dénonciateur de la torture et de la responsabilité de l’Etat durant la guerre d’Algérie, Pierre Vidal-Naquet protesta de la même façon en 1962 contre les tortures infligées à des membres de l’OAS [2]. Vous trouverez ci-dessous l’article qu’il publia à ce sujet dans le numéro de mai 1962 de la revue Esprit [3].
Le général Paul Aussaresses, quatre-vingt-deux ans, personnage-clé de la bataille d’Alger, se prononce contre la repentance de la France à l’égard de la torture lors de la guerre d’Algérie.
Le général Paul Aussaresses, quatre-vingt-deux ans, a été l’un des personnages-clés de la bataille d’Alger en 1957. En janvier de cette année-là, le général Massu appelle à ses côtés ce commandant, chef de bataillon parachutiste, ancien d’Indochine, ancien du Service de documentation extérieure et de contre-espionnage (Sdece), fondateur du 11e Choc (bras armé de la division action des services spéciaux), pour coordonner les renseignements à
Alger. L’objectif est de démanteler les réseaux FLN et de mettre fin à la vague d’attentats qui ensanglantent le secteur.
La figure du général Aussaresses apparaît dans de nombreux récits parus ces dernières années. Dans La Guerre d’Algérie , Yves Courrières le présente sous l’appellation « commandant O ». Pierre Vidal-Naquet, dans La Torture dans la République, parle de lui comme étant le chef de file « de ce qu’il faut bien appeler une équipe de tueurs
professionnels » et souligne que son nom « ne figurera guère que dans un seul dossier publié, celui de l’affaire Audin. ». Dans Les Centurions de Jean Lartéguy, le général Aussaresses est présenté sous le nom de Boisfeuras. Il est enfin « le barbu » dans le roman de Robert Escarpit, Meurtre dans le pignadar.
Ce que fut la répression à Santiago du Chili nous renvoie à celle d’Alger.
L’occasion de (re)lire « Pourquoi l’Algérie ? », contribution de Jean-Philippe Ould Aoudia à l’ouvrage de Michel Reynaud (dir.) Elles et Eux et l’Algérie, publié aux éditions Tiresias en 2004.
[4]
En avril 1956, le gouvernement Guy Mollet décide le rappel de plusieurs contingents qui seront envoyés en Algérie. Parmi les rappelés, Jean Müller, âgé de 25 ans, est membre de l’équipe nationale La Route des Scouts de France. Ses convictions chrétiennes l’incitent à refuser la guerre, mais il décide de ne pas se dérober afin de “témoigner”.
Il ne reviendra pas en France, car il trouve la mort, le 27 octobre 1956, au cours d’une embuscade. Mais, en février 1957, un cahier « De la pacification à la répression, le dossier Jean Müller », constitué à partir des lettres qu’il avait adressées à ses proches, est publié par les Cahiers de Témoignage chrétien.
Le gouvernement porte plainte pour diffamation contre Témoignage chrétien [5], saisit des journaux qui reprennent des extraits du dossier... Mais les autorités ne pourront empêcher le retentissement considérable de cette publication.
Jusqu’en août 1956, Alger avait été relativement épargné par la guerre. Mais l’exécution de plusieurs prisonniers partisans du FLN, ainsi qu’un attentat terroriste meurtrier, accompli par un groupe « Algérie française », rue de Thèbes, dans la casbah, incitent le FLN à riposter. Devant la multiplication des attentats, Robert Lacoste, le ministre-résidant, décide en janvier 1957 de confier au général Massu la tâche de rétablir l’ordre à Alger ...
Historien de la guerre d’Algérie, Mohamed Harbi revient ci-dessous sur les événements de 1957 [6]. Puis, vous pourrez constater que le cinquantième anniversaire du début de ce que les Français désignent par la “bataille d’Alger” est passé inaperçu en Algérie.
Le 28 janvier 1957 marqua le coup d’envoi de la « sale guerre » de l’armée française contre les indépendantistes algériens. Les moudjahidine ne regrettent rien mais remâchent leur amertume.
suivi d’un entretien avec Henri Alleg.
Déchirés entre l’impossible oubli et la mémoire impossible de cette « guerre sans nom », les récits des appelés de la guerre d’Algérie ont été longtemps retenus. L’historienne Claire Mauss-Copeaux a travaillé sur leur mémoire. Comment ont-ils vécu cette guerre et ses dilemmes moraux ? Comment vivent-ils aujourd’hui avec le souvenir de ces années de conflit ?
En interrogeant des appelés, Claire Mauss-Copeaux a mené une enquête de plusieurs années. Elle a conduit progressivement ses interlocuteurs à se confier ; elle a décelé, au fil des mots, les ambiguïtés, les contradictions, les lapsus ; elle a traduit leurs silences, leurs hésitations. Elle a confronté ce matériau avec d’autres sources historiques, mesurant les forces et les limites du souvenir.
Vous trouverez ci-dessous un extrait de son ouvrage « Appelés en Algérie, la parole confisquée » [*].
Il est de bon ton, aujourd’hui en France, de considérer avec complaisance les épisodes coloniaux de notre histoire. Refuser la “repentance” c’est refuser la réalité des guerres de conquête, de la violence de la colonisation et de la décolonisation.
Pour s’en convaincre il suffit de relire Pierre Vidal-Naquet. Par exemple « Vingt-cinq ans après : réflexions sur un retour », préface que l’historien a rédigée pour la réédition en 2001 de son ouvrage Les crimes de l’armée française, Algérie 1954-1962, publié en 1975 aux éditions Maspero.
Malgré son interdiction à l’échelle de la planète, malgré les conventions internationales, malgré les inspections de l’ONU, la torture persiste, et son histoire n’est qu’une longue liste d’exceptions, concédées, la main sur le cœur, pour le plus grand bien de l’humanité.
De l’Antiquité aux tortures américaines en Irak, en passant par l’Inquisition, les supplices chinois, la guerre d’Algérie, les dictateurs sud américains, soviétiques, chinois, les « démocraties », ... la torture est une constante de l’humanité. Mais pourquoi ? Pourquoi cette constance ? Pourquoi des « hommes ordinaires » l’ont-ils pratiquée ? ... Des questions auxquelles Serge Portelli tente de répondre dans son dernier livre, Pourquoi la torture ?
Après en avoir rappelé des épisodes et des acteurs tristement célèbres – Eichmann, Duch, Aussaresses... Serge Portelli déclare : « Inutile d’argumenter. Le combat ne peut être qu’absolu, la condamnation catégorique ». Et pour ce combat, sans concession, il faut connaître notre adversaire, la part sombre de notre humanité.
Serge Portelli est magistrat, vice-président au tribunal de grande instance de Paris. Il est l’auteur notamment de Le sarkozysme sans Sarkozy et il s’apprête à publier Juger début avril aux éditions de l’Atelier.
Après y avoir effectué de nombreux séjours en tant qu’ethnologue à partir de 1932, puis en 1955 pour y fonder les Centres sociaux éducatifs, Germaine Tillion a tenu à revenir en Algérie en juin 1957 avec une Commission internationale d’enquête sur les lieux de détention [7]. Dans cette guerre qui s’amplifiait, elle voulait être à l’écoute de toutes les souffrances.
Dans les trois textes repris ci-dessous, Germaine Tillion dénonce violemment la torture et évoque sa rencontre avec Yacef Saâdi en juillet 1957, en pleine “Bataille d’Alger” [8]. Germaine Tillion est intervenue en faveur de membres du FLN ou de l’OAS. « Elle rejette le terrorisme aveugle dirigé contre les civils européens, et exprime dans le même temps sa préférence pour une solution politique permettant de sortir du système colonial. » (Benjamin Stora [9])
En 1959, âgé de 22 ans, le jeune Xavier Jacquey, appelé pour son service militaire est affecté comme infirmier dans le Sud-Oranais. Quarante ans plus tard, devenu psychiatre, il redécouvre les lettres qu’il avait alors adressées à ses parents, puis il les publie dans ce petit livre.
Il y parle du quotidien, des conditions précaires des nomades, des exactions des militaires, de ses démêlés avec ses supérieurs. Un témoignage sur une guerre où la torture est banalisée... mais qui lui permet de « découvrir » que, « dans mon secteur, là où où les troupes françaises commirent des exactions, nous avions été [...] relativement nombreux à nous y opposer ».
Le choc de photographies de torture vues en novembre 1956 dans sa rédaction va bouleverser la vie d’un jeune reporter-photographe. Incorporé en Algérie à l’âge de vingt ans comme infirmier dans les parachutistes, André Gazut déserte. Obsédé par cette guerre qu’il s’est refusé de faire, il couvrira une quinzaine de conflits comme réalisateur.
En 1960, il entre à la Télévision suisse romande. Il a été le caméraman du documentaire Le Chagrin et la pitié de Marcel Ophüls en 1969. Réalisateur de nombreux reportages pour le magazine suisse Temps présent, en 2002 il réalise pour ARTE la Pacification en Algérie [10], un documentaire dénonçant la pratique de la torture par l’armée française pendant la guerre d’Algérie, que vous pourrez voir ci-dessous en deux parties, accompagnées de commentaires extraits du dossier de presse [11] – une liste chronologique des intervenants peut aider à se repérer dans les deux vidéos.
Dans un billet du 29 avril 2012, un blog alsacien, La Feuille de chou, s’émeut de la publication dans le quotidien L’Alsace d’une page qu’il qualifie d’« effarante » consacrée au général Paul Aussaresses. Dans une interview donnée au quotidien, le général justifie en effet l’utilisation de la torture pendant la guerre d’Algérie et affirme qu’il est du « devoir d’un soldat » d’y avoir recours.
On peut s’étonner avec La Feuille de chou que L’Alsace n’ait pas jugé opportun de rappeler que la France a ratifié le 11 avril 2001 le protocole n°1 du 8 juin 1977 additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949, qui précise en son article 75 que « la torture sous toutes ses formes, qu’elle soit physique ou mentale » est prohibée « en tout temps et en tout lieu », qu’elle soit commise « par des agents civils ou militaires » [12].
Certes les amnisties successives qui ont suivi la guerre d’Algérie interdisent de poursuivre les responsables de « supplices infligés aux Algériens [qui] rappelaient de fort près ceux que pratiquaient la Gestapo et ses complices français » (Pierre Vidal-Naquet, La raison d’État, préface à l’édition de 2002 [13]), mais on peut rappeler que le général Aussaresses a été condamné en 2004 pour apologie de la torture.
Nous reprenons le commentaire qu’Henri Maler a consacré sur le site Acrimed à cet article de L’Alsace.
Claude Juin est né en 1935. Après un long séjour dans une caserne de Coblence en Allemagne, il est envoyé en Algérie où il débarque le 22 mai 1957. Dans un premier temps son unité, le 435e RAA (régiment d’artillerie anti aérienne), est basée à Isserbourg, village proche de Bordj-Ménaïel, à 80 kilomètres à l’est d’Alger. En août 1957 son régiment est expédié dans le massif de l’Ouarsenis, au col de Kerba près de Boukhari. Il est libéré en janvier 1958.
Pendant toute sa période algérienne, il a rempli trois petits carnets bleus à carreaux, qui lui permettent de raconter sa guerre dans Le Gâchis, publié par les Editeurs français réunis en 1960 sous le pseudonyme de Jacques Tissier – le livre sera interdit. Cinquante ans plus tard il soutient une thèse de sociologie sous la direction de Michel Wieviorka « Guerre d’Algérie : la mémoire enfouie des soldats du contingent » (EHESS, 2011). Il en publie aujourd’hui la substance dans un livre de témoignages sur la guerre d’Algérie des appelés du contingent.
Un entretien de l’historienne Sylvie Thénault, spécialiste de la guerre d’Algérie, publié dans Hebdo Tout est à nous ! 176, le 3 janvier 2013.
Sylvie Thénault est l’auteur de nombreux ouvrages, dont Histoire de la guerre d’indépendance algérienne (Flammarion, 2005) et Une drôle de justice. Les magistrats dans la guerre d’Algérie (La découverte, 2001).
L’émotion quasi unanime ressentie, en France et en Algérie, lors de la disparition d’Henri Alleg, s’explique. Homme du courage – physique et moral – homme de la conviction, homme de la fidélité : quelles qualités de plus peut-on imaginer ?
Tous ont rappelé le choc qu’avait été, lors de la guerre d’Algérie pour les plus anciens, plus tard pour les autres, la lecture de La Question. Ce qui a fait la force de cet ouvrage, outre la dénonciation des faits, fut son ton tranquille, sans emphase, sans indignation démonstrative, même lorsqu’il s’agissait des actes les plus ignobles subis par le narrateur.
L’écriture, la publication, enfin la diffusion de ce livre ont une histoire, par trop méconnue [14].
Le nom de Paul Aussaresses, dont la mort, à 95 ans, a été annoncée, mercredi 4 décembre, restera pour toujours lié à la reconnaissance du recours à la torture par l’armée française au cours de la guerre d’Algérie : voir cette page,
ainsi que la vidéo ci-dessous.
Deux ans après avoir signé en 1960 le manifeste des 121 qui réclamait le droit à l’insoumission pour la guerre d’Algérie, Alain Resnais réalisait avec Jean Cayrol le film Muriel, ou le temps d’un retour où il dénonçait la torture en Algérie. Nous reproduisons ci-dessous le texte que l’historienne Raphaëlle Branche, maîtresse de conférences à l’université Paris-1, lui a consacré, initialement publié dans la revue L’Autre, 2002, vol.3, n°1, et qu’elle nous a autorisés à reprendre [*].
L’Histoire, n’est pas seulement la remémoration du passé, mais une tentative de le connaître pour nous connaître aujourd’hui.
Ce texte de l’historienne Claire Mauss-Copeaux a été présenté le 3 novembre 2014, au 19e Salon International du Livre d’Alger (SILA 2014).
À cause de l’exil qui le questionne sans cesse, Michel Mathiot, chercheur libre en histoire, livre ses commentaires à propos du livre Hadjira, la ferme Ameziane et au-delà... » de Claire Mauss-Copeaux. Sa réflexion – insolite et insolente – porte sur la spirale infernale de la violence de guerre, les fautes du politique et le racisme, méfaits qui restent toujours d’actualité. [15]
Les anciens soldats appelés de la guerre d’Algérie ont maintenant entre 73 et 82 ans. Ils n’ont souvent rien dit sur leur vécu de cette guerre, et l’arrivée dans les dernières étapes de leur vie ravive des souvenirs, et parfois l’envie voire la nécessité de dire et de transmettre.
Les animateurs auprès des personnes âgées, mais aussi les proches, les familles, les autres personnels sont témoins de leurs souhaits de transmettre. Mais comment faire ? Quelle était cette guerre ? Comment peut se construire cette transmission ? Comment la faciliter ?
Un ouvrage paru en novembre dernier, Transmettre sur la guerre d’Algérie, tente de répondre à ces interrogations pour les anciens appelés de la guerre d’Algérie. Dans une première partie, Bernard Hervy, animateur en gérontologie, explique comment fonctionne la transmission, et de quelle manière elle peut être facilitée. En seconde partie, Louis Jeanneau traite de la transmission spécifique à la guerre d’Algérie. [16]

et n’en a pas honte…
Une société qui ne trouve rien à lui dire…
« Comment tant de jeunes ont pu dans la guerre d’Algérie se livrer à des crimes ? » ; « Les amnisties font qu’ils ne relèvent d’aucun tribunal, mais peut-on se satisfaire de ce que certains les assument sans que la société n’exprime aucune condamnation à leur égard ? » Telles sont les questions que pose le livre où l’ancien appelé en Algérie, Claude Juin, docteur en sociologie, commente, avec Muriel Montagut, psychologue, le dialogue qu’il a eu en 2013 avec un ancien camarade de régiment qui a basculé dans la torture et les crimes. Ci-dessous la préface de Michel Wieviorka, un article de Libération, ainsi qu’une réflexion de la juriste Magalie Besse sur la notion de « justice transitionnelle » et une contribution de Gilles Manceron invitant la société française à trouver les moyens, malgré l’amnistie, de « dire la justice », pour en finir avec ses « poches d’impunité » et son « silence complice ».

par François Gèze
De 1955 à 1959, la doctrine officielle de l’armée française, dite de la « guerre révolutionnaire » (DGR) et visant à « conquérir les cœurs et les esprits » de la population au sein de laquelle évoluait l’« ennemi » en Algérie, préconisait des méthodes « non conventionnelles » : action psychologique et désinformation, déplacements forcés de population, disparitions forcées, torture, exécutions extrajudiciaires, recours aux milices de supplétifs. Il est important de mieux connaître cette doctrine « antisubversive », car certains de ses axes structurants ont retrouvé depuis les années 1990 une actualité au sein des forces armées des puissances occidentales. Et ils imprègnent de plus en plus l’imaginaire de guerre de nombre de leurs dirigeants.

Si la torture a été massivement pratiquée par l’armée française durant la Guerre d’indépendance algérienne, il n’existe que très peu d’images connues la représentant. A la suite du blog Textures du temps de l’historienne Malika Rahal, nous reproduisons ici deux d’entre-elles, accompagnées d’une enquête sur leur production et leur histoire menée par Fabrice Riceputi. Elles furent réalisées en 1957 par un inconnu, au prix de risques importants. Leur auteur voulait alors témoigner en métropole de l’existence de cette pratique que le gouvernement Guy Mollet niait. Mais elles ne purent être montrées que cinquante cinq ans plus tard, en 2012.

Nous publions ici le texte et la vidéo de l’intervention de la journaliste et essayiste Florence Beaugé lors de la journée d’études du 20 septembre 2019, « Les disparus de la guerre d’Algérie du fait des forces de l’ordre françaises. Vérité et justice ? », qui s’est tenue à l’Assemblée Nationale. Elle y montre que les viols constituent l’exaction la plus cachée et la plus tue de la guerre d’Algérie, autant par les victimes que par les auteurs. Ils n’ont pas été de simples « dépassements » de la part de l’armée française en Algérie mais, au même titre que la torture et les disparitions forcées, ont eu un caractère massif entre 1954 et 1962. Sur ce point, conclut-elle, le silence officiel perdure, du côté algérien comme du côté français.

assassiné à Alger en 1957,
vient de mourir, sans un mot du président de la République sur le sort de son mari
On sait qu’Emmanuel Macron s’est rendu le 13 septembre 2018 au domicile de Josette Audin pour lui présenter les excuses de la France pour l’assassinat de son mari par des militaires français. L’avocat Ali Boumendjel figure parmi les milliers de ceux qui ont subi le même sort. Juriste de talent, étudiant du professeur de droit et grand résistant René Capitant, connu en Algérie pour être proche de Ferhat Abbas au sein de l’Union démocratique du Manifeste algérien (UDMA), il a été lui aussi arrêté, torturé et tué par les parachutistes français. Sa veuve, Malika, n’a cessé, comme Josette Audin, de demander aux autorités françaises la vérité sur la mort de son mari. Elle s’est éteinte dans la nuit du 10 au 11 août 2020 à l’âge de 101 ans, sans jamais avoir reçu une parole de réconfort et de vérité de leur part.

Une affaire française, une histoire algérienne,
par Malika Rahal
Fin mars 1957, en pleine « bataille d’Alger », l’assassinat de l’avocat algérois proche du FLN Ali Boumendjel, maquillé en suicide par l’armée française, fit scandale en métropole. Suivant une préconisation du rapport Stora sur la mémoire franco-algérienne, le 2 mars 2021, le président Macron a reconnu qu’Ali Boumendjel avait bien été « torturé et assassiné » par l’armée française. Les éditions La Découverte rééditent en poche en janvier 2022 le livre de référence de l’historienne Malika Rahal sur cette affaire : Ali Boumendjel, une affaire française, une histoire algérienne. Nous en publions la préface.

sur un centre de torture de l’armée française durant la guerre d’Algérie :
la ferme Perrin
Dans le cadre du projet Mille autres consacré à la disparition forcée des Algériens du fait de la grande répression d’Alger en 1957, dite « bataille d’Alger », les historiens Malika Rahal et Fabrice Riceputi ont effectué une mission de recherche en novembre 2022. Ils ont notamment poursuivi un travail de localisation des très nombreux centres de torture mentionnés par les familles de victimes de la disparition forcée. C’est ainsi qu’ils ont pu retrouver et visiter l’un d’entre eux, l’ancienne ferme coloniale Perrin. On sait que l’avocat Ali Boumendjel y a été détenu peu avant son assassinat et que l’ingénieur Mohand Selhi y a disparu. Ils ont fait le récit de cette découverte pour Mediapart. Par ailleurs, la revue Annales Histoire Sciences Sociales vient de publier un long article de ces deux historiens sur le projet Mille autres, dont nous publions également ci-dessous le résumé.
« Il importe (...) de ne jamais lâcher la bride à des actes de vengeance individuelle ou collective, ni laisser la conduite des opérations à des éléments (...) irresponsables ».
Texte de Henri Irénée Marrou [17], publié comme Libre opinion dans Le Monde du 5 avril 1956.
Né en 1929, condisciple et ami de Pierre Vidal-Naquet lors de leurs études secondaires à Marseille, Robert Bonnaud est animé d’une conviction anti-colonialiste profonde. Il organise à Marseille les premières protestation d’appelés lors du départ du contingent pour l’Algérie. Il publie en avril 1957 dans la revue Esprit son propre témoignage de soldat, « La paix des Nementchas » [18], qui aura un grand retentissement. Emprisonné aux Baumettes en juin 1961 pour ses activités de soutien au FLN, il sera libéré après la signature des accords d’Évian, en juin 1962.
Son témoignage a été réédité en février 2002 dans l’ouvrage « Esprit, Ecrire contre la guerre d’Algérie, 1947-1962 » [19]. Vous en trouverez ci-dessous la première partie.
En 2004, une femme raconte les quatre jours d’enfer qu’elle a passés en août 1957 dans un centre de torture militaire. Parmi les officiers parachutistes qui l’ont torturée, le lieutenant Schm. tenait le premier rôle.
Ce récit a été authentifié par un document datant de 1957.
Un demi-siècle après l’entrée des parachutistes dans Alger, le 7 janvier 1957, l’historien Benjamin Stora revient sur cette période dans L’Express du 5 janvier 2007 [20].
Brillant officier, le colonel Antoine Argoud mit en pratique des méthodes particulièrement expéditives au cours de la guerre d’Algérie.
Farouche opposant à l’indépendance de l’Algérie et à la politique du général de Gaulle, il fut l’un des tout derniers dirigeants de l’OAS.
Si nous voulons empêcher le retour de cette honte, il faut la regarder en face. Il ne faut pas que les fils retrouvent un jour l’horreur sur leur chemin parce que leurs pères auront menti.
Le général Paul Aussaresses a été condamné, vendredi 25 janvier 2002, à 7 500 € d’amende par la 17e chambre correctionnelle de Paris, pour « apologie de crimes de guerre », après la publication, le 3 mai 2001, de son ouvrage, Services spéciaux, Algérie, 1955-1957. Les éditeurs du général, Olivier Orban, le PDG de Plon, et Xavier de Bartillat, celui de Perrin, ont été condamnés à 15 000 € d’amende chacun.
L’historienne Claire Mauss-Copeaux travaille sur la mémoire des Français qui ont été appelés à vingt ans pour faire leur service militaire en Algérie. Elle a publié deux ouvrages sur ce thème :
- « Appelés en Algérie, la parole confisquée », éd. Hachette, 1998, 340 p., a été repris dans la collection de poche Pluriel en 2002.
- « A travers le viseur, Algérie 1955-1962 », éd. Aedelsa, 2003, 120 p., 105 photos d’amateurs.
Vous trouverez ci-dessous sa communication à un colloque franco-allemand qui s’est tenu à Braunschweig, en octobre 2004.
Claire Mauss-Copeaux recherche des personnes qui se trouvaient dans le Nord-Constantinois autour du 20 août 1955. Dans ce cas, contactez LDH-Toulon qui transmettra.