A-gens du voyage en France

publié le 11 juin 2015
fragile statut pour les Tziganes français, par Chantal Aubry
[Le Monde diplomatique - juin 2003]

Si on dénonce souvent l’antisémitisme et parfois le racisme antiarabe, on oublie que ce sont les Tziganes qui, de toutes les victimes de discriminations, suscitent, et de loin, le rejet le plus large. Au palmarès des préjugés, ils se trouvent largement en tête : la seule arrivée de gens du voyage dans une ville suscite les pires craintes pour la sécurité des biens et des personnes. Les attentats du 11 septembre 2001 n’ont rien arrangé, pas plus que le climat créé par le ministre de l’intérieur, M. Nicolas Sarkozy, et par la loi liberticide que celui-ci a fait voter à la mi-février 2003. Entre la loi Besson, qui les contraint à accueillir les gens du voyage dans des conditions décentes, et les fortes réticences d’une partie de l’électorat, mobilisée au nom de la sécurité, comment réagissent les villes concernées ? L’exemple d’Arles et de son futur lotissement met en lumière toutes les contradictions dans lesquelles se débat une municipalité, même bien intentionnée.

 
la loi Besson (Louis) sur l’accueil et l’habitat des gens du voyage

La loi du 5 juillet 2000, dite également loi Besson (de Louis Besson), a été promulguée par le gouvernement Jospin. Elle fournit le cadre des règles de droit concernant les « gens du voyage », obligeant les communes de plus de 5 000 habitants à prévoir des aires d’accueil. Elle a été modifiée par des lois ultérieures, mais elle n’est pas encore respectée partout.

La loi : http://www.legifrance.gouv.fr/affic...
Une fiche d’information de la LDH sur la situation des Roms et des Gens du Voyage dans l’Union européenne : http://www.ldh-france.org/IMG/pdf/f...

[Mis en ligne le 5 septembre 2004, mis à jour le 25 septembre 2010]


 
la loi Besson, quatre ans après ...
La loi Besson du 5 juillet 2000 sur l’accueil et l’habitat des gens du voyage offrait un cadre juridique volontariste pour l’accueil des gens du voyage, avec des moyens financiers importants pour aider les communes de plus de 5000 habitants à réaliser des aires de stationnement.
La loi faisait obligation à chaque département d’adopter avant le 6 janvier 2002, un schéma d’accueil des gens du voyage. Les communes [1] inscrites dans ce schéma devaient avoir réalisé leurs aires avant janvier 2004, faute de quoi le Préfet pourrait se substituer aux collectivités défaillantes.
Aujourd’hui la déception est grande : le gouvernement actuel, après avoir fait voter de nouvelles sanctions contre les stationnements irréguliers, vient d’accorder aux communes un nouveau délai de deux ans pour répondre à leurs obligations.



Vous pourrez lire ci-dessous les analyses parues dans
Le Monde du 31 août 2004,
Libé du 19 août 2004 ,
puis un communiqué de la LDH en date du 20 août.

 
Rom signifie homme

La LDH a, depuis son origine, pour mission principale de combattre l’injustice et l’arbitraire. Comment dès lors pourrait-elle ignorer la situation d’hommes et de femmes qui, depuis des siècles, sont victimes des pires fantasmes et sont rejetés quotidiennement d’un territoire à l’autre au seul motif que leur mode de vie s’articule autour du voyage, avec un habitat traditionnel constitué de caravanes.

L’État a lui-même toujours exprimé sa méfiance vis-à-vis de ces populations méconnues, incomprises, différentes du modèle social majoritaire fondé sur la propriété et la sédentarité.

Roms, Tziganes, Manouches, Gitans, Yéniches... ces « gens du voyage », comme on les nomme par simplification, sont régis par des lois et régimes d’exception, visant essentiellement à les contrôler et à les surveiller.

Henri Leclerc (août 2000)

 
pour une France qui anticipe l’intégration des Rroms

L’appel du Collectif national droits de l’homme Romeurope du 11/02/2004.

 
l’accueil des gens du voyage se heurte toujours aux réticences des communes

LOI BESSON : après cinq ans d’application, seules 8 000 aires de stationnement ont été aménagées ; il en manque 20 000

 
gens du voyage : Nicolas Sarkozy s’adresse aux préfets

Voici les extraits des interventions du Ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire qui concernent les gens du voyage.

Les textes officiels de ces déclarations devant les préfets sont accessibles sur le site internet du ministère.

 
taxe d’habitation des gens du voyage : une mesure arbitraire et injuste

L’Assemblée nationale a voté dans la nuit de mardi 22 à mercredi 23 novembre un amendement créant une sorte de taxe d’habitation sur les « résidences mobiles », essentiellement destinée aux gens du voyage, lors de l’examen du budget 2006.

 
les Gens du voyage et les Roms dans le rapport d’Alvaro Gil-Roblès

A la suite de sa visite en France, du 5 au 21 septembre 2005, Alvaro Gil-Roblès, Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe,
a rédigé un rapport sur Le respect effectif des droits de l’Homme en France [2] .

Vous trouverez ci-dessous les extraits de ce rapport qui concernent les Gens du Voyage et les Roms, suivis des recommandations du commissaire européen, et des observations du gouvernement français.

 
le Sénat veut faciliter la procédure d’expulsion des gens du voyage

Par le biais d’un amendement présenté par Pierre Hérisson (UMP), président de la Commission nationale consultative des gens du voyage, le Sénat a institué [mardi 19 septembre 2006] une nouvelle procédure d’évacuation forcée, « décidée d’office par le préfet sans autorisation préalable du juge », à l’encontre des gens du voyage en cas d’occupation illicite de terrains publics ou privés.

L’amendement fait maintenant partie du projet de loi de prévention de la délinquance dont le parcours législatif n’est pas terminé.

 
une nouvelle étape dans l’inacceptable

Du fait de la « mauvaise volonté » des élus locaux, le nombre de places réalisées pour l’accueil des « Gens du Voyage » est très loin de correspondre aux besoins. Cela contraint des familles à s’installer sur des terrains disponibles non prévus à cet effet.

Le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance en débat à l’Assemblée nationale comporte un amendement qui prévoit qu’en cas de stationnement irrégulier, le maire ou le propriétaire du terrain occupé pourra demander au préfet de mettre les occupants en demeure de quitter les lieux dans les 24 heures.

[Première publication le 20 nov. 06,
mise à jour le 30 nov. 06]
 
les gens du voyage demandent l’abolition des lois Sarkozy et de la loi de 1969

Ils interpellent les candidats à l’élection présidentielle pour qu’ils s’engagent à mettre un terme à « l’apartheid juridique » dont ils se disent victimes, visant notamment la loi de 1969 dont ils réclament l’abrogation. [3]

Cette communauté forte « de plus de 500.000 personnes vit dans des conditions inacceptables de discrimination et de rejet aggravées ces dernières années », a déploré, jeudi 29 mars, lors d’une conférence de presse Michel Mombrun, président de la Fédération nationale des associations solidaires d’action avec les tsiganes et les gens du voyage (FNASAT). La FNASAT et les associations présentes (Fondation Abbé Pierre, LDH, La Vie du voyage) ont souligné combien les lois s’appliquant à cette communauté sont « discriminatoires et racistes » et en ont réclamé l’abrogation.

 
“enjoindrons à nos baillis de les faire” contrôler et expulser

« Désignant par-dessus son épaule le camp des gens du voyage installés dans un champ derrière la salle municipale dans l’attente de leur pèlerinage chrétien et annuel dans un village voisin, il précise : “ Ces gens-là doivent rendre des comptes, expliquer d’où viennent leurs caravanes et leurs grosses voitures. Nicolas Sarkozy au pouvoir les fera tous contrôler et expulser. ” »

La scène précédente s’est déroulée le 12 avril 2007, à Gien, dans le Loiret [4]. Depuis lors, la nouvelle procédure d’évacuation forcée des gens du voyage a été mise en place. Faut-il y voir une manifestation de « la synthèse entre l’Ancien Régime et la Révolution [5] » ?

[Première mise en ligne le 1er mai, mise à jour le 25 mai 2007]
 
la Halde s’attaque aux discriminations frappant les gens du voyage

La Haute Autorité de lutte contre les discriminations (Halde) consulte les associations représentatives des gens du voyage [6]

 
remettre en question la loi relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage ?

Dans son éditorial de juillet 2007, le site Rencontres Tsiganes met en évidence l’échec de la mise en application de la loi du 5 juillet 2000, relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage.

Mais loin de remettre en cause la loi, Alain Fourest demande qu’elle soit appliquée de façon stricte.

 
la Halde demande la fin des discriminations administratives imposées aux gens du voyage

Les Gens du Voyage sont soumis à un droit dérogatoire ne s’appliquant à aucun autre citoyen français. Ainsi, d’après la loi n° 69-3 du 3 janvier 1969 toujours en vigueur, toute personne de plus de 16 ans n’ayant pas de résidence fixe doit être en possession d’un carnet de circulation si elle n’a pas de ressources régulières ou d’un livret de circulation si elle exerce une activité professionnelle. Le premier doit être visé tous les trois mois, par un commandant de police, de gendarmerie ou une autorité administrative ; le deuxième tous les ans. Tout retard dans le renouvellement entraîne de lourdes amendes (750€ pour un jour de retard). La personne qui ne serait pas en possession de ce document est passible d’une peine pouvant aller jusqu’à un an d’emprisonnement (art. 5). [7]

L’obligation de détenir un tel document ainsi que celle de le faire viser régulièrement constitue une discrimination flagrante.

 
les maires ne sont pas en dessous, mais ils ne sont pas non plus au-dessus des lois

Dans son rapport récent consacré à la situation des Roms et des gens du voyage en France, la Commission nationale consultative des droits de l’Homme insiste sur les problèmes liés au logement et à l’habitat [8].

Le nombre de places de stationnement autorisées est très en deçà des besoins recensés et l’application effective par les collectivités territoriales de la loi Besson a pris un grand retard. La carence notoire de places régulières contraint les Gens du voyage à vivre très souvent en stationnement irrégulier.

Les obligations incombant aux communes sont dans l’ensemble mal respectées, alors que les procédures d’évacuation des gens du voyage ont été rendues plus expéditives !

 
de 1912 à 1969, la France a fiché ses nomades

Alors que l’administration française continue à multiplier les fichiers centralisés de la population, il semble intéressant d’évoquer l’une des premières entreprises de ce genre. [9]

Le « carnet anthropométrique – “biométrique” ! – d’identité pour nomades » a été créé par la loi du 16 juillet 1912. Obligatoire à partir de 13 ans, il comportait deux photos, les empreintes digitales des dix doigts, le diamètre bizygomatique ( !), la longueur de l’oreille droite, la couleur des yeux, la forme du nez, etc. Tous les déplacements devaient y être déclarés, ce qui rendait possible une étroite surveillance de ces populations... De larges extraits d’un texte de l’historienne Marie-Christine Hubert rappellent cette loi et son contexte.

Il a fallu attendre la loi 69-3 du 3 janvier 1969 pour que ce système discriminatoire soit abrogé. Mais les nomades, devenus « gens du voyage », ont continué à être soumis à un statut particulier : le carnet anthropométrique a été remplacé non pas par une carte d’identité normale mais par « un titre de circulation ».

 
les droits des Gens du voyage et des Roms dans le rapport de Thomas Hammarberg

Le Commissaire Thomas Hammarberg s’est rendu en France au mois de mai 2008. Au cours de cette visite, le Commissaire a rencontré les Ministres de la Justice, de l’Immigration, du ogement et de la Ville, la plupart des institutions nationales chargées de la protection des
droits de l’homme et des représentants de la société civile. Il a ainsi pu évoquer certaines questions de droits de l’homme et notamment
la protection des Roms et Gens du voyage. Il a également visité des terrains roms et aires d’accueil des Gens du voyage dans la périphérie de Strasbourg.

On trouvera ci-dessous les extraits du rapport du Commissaire qui concernent les droits des Gens du voyage et des Roms [10].

 
le maire de Bussière-Boffy (87) veut “nettoyer les marginaux”

Un maire qui conditionne l’inscription scolaire d’un enfant à la légalité de son domicile, qui refuse pour la même raison l’inscription sur les listes électorales, qui voit une « connotation politique (anarchiste) » dans l’annonce d’un débat sur la démocratie, qui demande et obtient la fermeture de l’école communale alors que la classe unique comporte actuellement 11 élèves [11]...

...cela se passe à 50 km au nord-ouest de Limoges [12].

Pour apporter votre soutien à ceux qui demandent de pouvoir continuer à vivre sur leurs terrains, en bonne entente avec leurs voisins :

  • participez à la marche de soutien samedi 14 mars à Bussière-Boffy : départ à 11 h, du hameau du Petit Pic, pour aboutir à un rassemblement devant la mairie, vers 11 h 30,
  • signez la pétition en ligne, écrivez au maire ...

Pour tous renseignements : http://yourtesbussiere-boffy.info/

 
le gouvernement restera-t-il sourd aux recommandations de la HALDE ?

Les discriminations administratives infligées aux gens du voyage sont nombreuses. La Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE) avait adressé en janvier 2008 des recommandations au gouvernement, en vue de rétablir une égalité de traitement à propos notamment de la carte nationale d’identité, de la libre-circulation, de l’accès au droit de vote, de la scolarisation et du stationnement.

« En l’absence de suites favorables données » à ses recommandations, la HALDE a rendu publique une délibération du 14 septembre 2009, publiée au Journal officiel le 17 octobre 2009. Nous reprenons ci-dessous l’annexe de cette délibération : un rapport intitulé Régime applicable aux gens du voyage et discriminations où la HALDE insiste notamment sur les « titres de circulation » et l’accès au droit de vote.

La HALDE observe que les dispositions du Code électoral concernant les « citoyens français identifiés par leur appartenance à la communauté des gens du voyage » entravent « de manière excessive leur accès au droit de vote » – ce qui constitue une violation de la Constitution et de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Elle recommande donc de réformer la loi afin de garantir un accès non discriminatoire des gens du voyage au droit de vote. Sera-t-elle entendue ?

 
Roms et Tsiganes : pour la fin des discriminations du présent et la reconnaissance des persécutions du passé

8 avril 2010 : journée internationale des Roms.

Amnesty International appelle l’Union européenne et ses États membres à prendre des mesures concrètes pour rompre le cycle de la discrimination, de la pauvreté et de l’exclusion que les communautés roms subissent en Europe.
L’organisation publie un document dans lequel elle dénonce les expulsions de Roms en Europe [13].

Des Tsiganes de France, appuyés par des historiens, appellent les autorités françaises à reconnaître les persécutions dont ces Français furent victimes dans des camps de 1940 à 1946 et à abolir les discriminations qui continuent à les frapper.

 
« c’est une véritable guerre que nous allons livrer ... »

« C’est une véritable guerre », « une lutte implacable », « j’ai décidé » ... quel ennemi Nicolas Sarkozy visait-il ainsi le 21 juillet dernier ? Les Gens du voyage et les Roms, à la suite des incidents de Saint-Aignan qui ont suivi la mort d’un jeune gitan sur un tir de la police.

En fait, oubliant la condamnation de la France par le Conseil de l’Europe, le 30 juin 2010, les autorités ont déjà engagé cette lutte implacable : mardi matin 6 juillet 2010, cars de CRS et bulldozer sont arrivés, et environ 170 Roms ont été expulsés des installations du Hanul à St Denis, dans lesquels certains vivaient depuis 2003. 170 personnes – dont beaucoup d’enfants – à la rue...

 
la LDH dénonce la « stigmatisation raciste des populations Roms et Gens du voyage »

La Ligue des droits de l’Homme dénonce « la stigmatisation raciste des populations Roms et Gens du voyage par des amalgames inacceptables » opérée par le président de la République après les violences et les « inexcusables dégradations » commises à la suite du « dramatique fait divers » de Saint-Aignan. L’association réaffirme « la nécessaire primauté de la justice ».

 
pourquoi tant de si belles voitures, alors qu’il y a si peu de gens qui travaillent ?

Une réunion extraordinaire sur les gens du voyage et les Roms s’est tenue mercredi 28 juillet au palais de l’Elysée. Une réunion décidée la semaine dernière par Nicolas Sarkozy après les violences qui se sont déroulées à Saint-Aignan. Le chef de l’État avait annoncé vouloir « se pencher sur les problèmes que pose le comportement de certains parmi les Roms et parmi les gens du voyage ». Il a donc convoqué plusieurs ministres, des responsables de la police et de la gendarmerie – mais aucun représentant des gens du voyage n’était convié. A l’issue de la réunion, le ministre de l’Intérieur a annoncé une série de mesures, presque toutes répressives.

Brice Hortefeux a notamment déclaré : « nous allons affecter dix inspecteurs du fisc afin de contrôler la situation des occupants de ces camps illicites et illégaux ». Le ministre feint-il d’ignorer – ou ignore-t-il vraiment ? – que, comme nous le rappelons ci-dessous, cette mesure figure dans la loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (Lopsi) que Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, a fait adopter dans l’urgence en juillet 2002 ? En fait, la suite des propos du ministre – « beaucoup de nos compatriotes sont à juste titre surpris en observant la cylindrée de certains véhicules » – rappelle que, si certains clichés ont la vie dure, leur exploitation est une ficelle inusable.

Terminons par deux questions :

  • qui a dit : « Je ne tolèrerai jamais que des propos racistes ou discriminants soient tenus dans notre pays [...] Ces comportements sont indignes des valeurs de la République » ? [Réponse 1]
  • qui a dit qu’il convient de traiter les gens du voyage «  sur un pied d’égalité avec le reste de la population française » et que « l’ensemble des gens du voyage ne sont pas responsables des actions criminelles commises par certains d’entre eux »? [Réponse 2]
 
Roms et gens du voyage : populations les plus discriminées

Malik Salemkour, vice-président de la Ligue des droits de l’Homme et animateur du collectif Romeurope, et Jean-Pierre Liégeois, fondateur du Centre de recherches tziganes de l’université Paris-V, rappellent que Roms et gens du voyage sont les catégories de citoyens qui subissent le plus de discriminations.

 
Montreuil-Bellay, pied de nez à l’actualité

Les vestiges du camp de Montreuil-Bellay (Maine-et-Loire) viennent d’être inscrits au titre des monuments historiques. Il a donc été décidé de préserver ce qui subsiste du plus grand camp d’internement de tsiganes en France. Un camp administré par la préfecture et gardé par la gendarmerie française, où plusieurs milliers de tsiganes ont été internés entre le 8 novembre 1941 et 1945.

Coïncidence... l’annonce de ce classement en monument historique intervient alors que débute la vaste opération d’expulsion de 300 camps “sauvages” de Roms décidée par Nicolas Sarkozy lors de la réunion ministérielle de l’Élysée, le 28 juillet dernier [14].

 
la LDH poursuit le maire de Cholet pour provocation à la discrimination raciale

La Ligue des droits de l’Homme a porté plainte contre Gilles Bourdouleix, député-maire UMP de Cholet et président du CNI, pour « provocation à la haine ou à la violence et à la discrimination raciales ». La plainte s’appuie sur des déclarations sur les gens du voyage, tenues lors d’une réunion de quartier, en septembre dernier.

Gilles Bourdouleix affirme que ses propos ont été « déformés », dénonce « une volonté de nuire », et annonce qu’il va porter plainte pour « dénonciation calomieuse » à l’encontre de la LDH dès qu’il aura été entendu par les enquêteurs.

Comme Christian Estrosi en avril 2007, Gilles Bourdouleix avait tenu des propos délictueux sur les gens du voyage sans avoir pris la précaution élémentaire de s’assurer qu’aucun journaliste “malintentionné” ne les rapporterait...

[Mis en ligne le 8 novembre 2010, mis à jour le 10]


 
la Loppsi 2 organise l’évacuation forcée des campements illicites

L’Assemblée nationale examinera en deuxième lecture, du 14 au 17 décembre, le projet de loi « d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure » (Loppsi 2) [15], le vote étant prévu pour le 21 décembre prochain.

Son article 32 ter A, qui crée une « Procédure d’évacuation forcée des campements illicites » – avec expulsions, destruction des habitats dans les 48 heures, amendes de 3750 euros pour ceux qui s’y opposeraient – soulève une émotion légitime : il vise à criminaliser les formes de vie alternative, cabane, tipis, yourtes, roulottes, etc... [16]

 
l’Assemblée nationale refuse de mettre fin aux discriminations administratives imposées aux gens du voyage

Le « carnet anthropométrique d’identité pour nomades » a été créé par la loi du 16 juillet 1912. Obligatoire à partir de 13 ans, il comportait deux photos, les empreintes digitales des dix doigts, le diamètre bizygomatique, la longueur de l’oreille droite, la couleur des yeux, la forme du nez, etc. Tous les déplacements devaient y être déclarés, ce qui rendait possible une étroite surveillance de ces populations...
Il a fallu attendre la loi 69-3 du 3 janvier 1969 pour que ce système discriminatoire soit abrogé. Mais les nomades, devenus « gens du voyage », ont continué à être soumis à un statut particulier : le carnet anthropométrique a été remplacé par « un titre de circulation ».

Actuellement, toute personne âgée de plus de 16 ans ayant une résidence mobile doit être en possession soit d’un livret de circulation – visé chaque année par la police ou la gendarmerie – , soit d’un carnet de circulation – contrôlé trimestriellement – si elle n’a pas de ressources régulières. D’autre part l’inscription des gens du voyage sur les listes électorales n’est possible que dans des conditions restrictives.

Dans deux recommandations datant de décembre 2007 et d’avril 2009, la Halde (Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité) avait jugé que ces dispositions contreviennent à la Constitution et à la Déclaration des droits de l’homme. Sa demande étant restée sans réponse, la Halde a adopté un rapport spécial publié au Journal officiel.

Les gens du voyage demandent depuis longtemps l’abolition pure et simple de ce carnet. Ils veulent être reconnus comme des citoyens français à part entière.

Une proposition de loi visant à mettre fin au traitement discriminatoire qui leur est imposé, en abrogeant la loi du 3 janvier 1969, a été déposée par les députés socialistes. Mais l’Assemblée nationale a rejeté cette proposition de loi, le 1er février 2011, par 289 voix contre 207, la majorité ayant suivi l’avis du gouvernement qui « refuse d’agir dans la précipitation » [17].

[Mis en ligne le 30 décembre 2010, mis à jour le 5 février 2011]


 
Roms, Gens du voyage : assez de stigmatisation et de racisme !

Au cours de son 86e congrès national, réuni à Reims du 11 au 13 juin, la Ligue des droits de l’Homme a élu Pierre Tartakowsky comme nouveau président ; il succède à Jean-Pierre Dubois, qui a occupé ce poste de 2005 à 2011, et qui, statutairement, ne pouvait pas se représenter.

Le congrès a adopté à l’unanimité une résolution concernant les Roms et Gens du voyage. En effet, depuis l’été 2010, les Gens du voyage puis les Roms, désignés comme boucs émissaires au plus haut niveau de l’Etat, sont en butte au racisme et à la xénophobie. Les uns sont roumains ou bulgares, les autres sont français. Tous sont citoyens européens. La LDH se bat pour leurs droits inaliénables, contre toutes les stigmatisations et les discriminations.

 
Alexandre Romanès : “jamais un chef de l’Etat n’avait brutalisé à ce point les Tsiganes”

Poète, ami de Jean Genet et descendant des Bouglione, Alexandre Romanès planche à 61 ans sur son sixème ouvrage [18]. Chanteuse née en Roumanie, Délia a connu les pires heures de Ceausescu. Mariés depuis 1994, date à laquelle ils fondèrent le cirque Romanès, ils sont la voix du peuple tsigane de France. Ils reviennent sur le quinquennat de Nicolas Sarkozy, le plus douloureux de la Ve République pour leur communauté.

 
roms et gens du voyage : discriminations et stigmatisation

La Commission nationale consultative des droits de l’Homme (Cncdh) a publié le 28 mars dernier un avis important [19] sur le respect des droits des “gens du voyage”, dont la plupart sont de nationalité française, et des Roms migrants, au regard des réponses récentes de la France aux instances internationales.

Les conclusions de la commission sont sévères. La Cncdh invite le gouvernement à prendre des mesures afin de lever les dispositions législatives discriminatoires. Elle pointe également « l’insuffisante mise en œuvre de mesures spécifiques prenant en compte le mode de vie itinérant [qui tend] à renforcer la stigmatisation et les discriminations dont souffrent ces personnes [...] qui sont marginalisées et considérées comme des citoyens de seconde zone. » Des observations illustrées par les déclarations du maire de Royan, contre lequel la LDH vient de porter plainte.

 
l’antitsiganisme en France et en Europe

Le 2 février 2011, lors d’une session plénière à Bruxelles, le Parlement européen a procédé à une commémoration historique du génocide des Roms par les nazis : « Le moment est venu » de reconnaître l’extermination de 220 000 à 500 000 Roms sous le nazisme, un crime « trop longtemps oublié de la mémoire collective », a déclaré son président, le polonais Jerzy Buzek [20].

Mais ne serait-il pas plus urgent de se pencher sur la réalité d’aujourd’hui, et de prendre conscience que « dans nombre de pays européens, les Roms et les Gens du voyage sont toujours privés de droits de l’homme essentiels et souffrent d’un racisme flagrant » ? C’est ce que suggère la lecture du rapport de Thomas Hammarberg, Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, Les droits de l’homme des Roms et des Gens du Voyage en Europe, publié en février dernier.

Ci-dessous l’introduction de ce rapport, qui fait un retour sur le passé de l’antitsiganisme, suivie d’un extrait consacré à la France.

 
la loi du 3 janvier 1969 sur les gens du voyage : une loi discriminatoire

Il y a cent ans – le 16 juillet 1912 – était institué le carnet anthropométrique encadrant « l’exercice des professions ambulantes et la circulation des nomades », une réglementation permettant de surveiller une population circulant en France sans domicile ni résidence fixe. On sait à quel usage ce fichage a pu servir sous le régime de Pétain.

La loi n° 69-3 du 3 janvier 1969 a remplacé le « carnet anthropométrique » par un « livret ou carnet de circulation », sorte de passeport intérieur qui doit être visé tous les trois mois par la police ou la gendarmerie.

Afin de lutter contre la stigmatisation dont les quelques centaines de milliers de personnes baptisées « gens du voyage » continuent à être l’objet, Esther Benbassa, sénatrice du Val-de-Marne, a déposé une proposition de loi co-signée par les membres du groupe écologiste du Sénat, visant à abroger cette loi. Une loi qui « contraint des personnes, en raison de leur mode de vie, à attendre trois années avant de pouvoir s’inscrire sur les listes électorales au lieu de six mois dans les conditions du droit commun, à détenir un titre de circulation et de le faire viser régulièrement par les autorités administratives (trois mois pour les carnets de circulation), sous peine d’une amende voire d’une peine d’emprisonnement. Autant de restriction aux libertés civiques et individuelles que nous devons abroger. »

 
gens du voyage : suppression du “carnet de circulation”, mais maintien du “livret”

Dans une décision du 5 octobre 2012, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les dispositions de la loi du 3 janvier 1969 instaurant un “carnet de circulation” ainsi que celles imposant aux personnes sans domicile ni résidence fixe, trois ans de rattachement ininterrompu dans la même commune pour être inscrites sur les listes électorales.

Il a, d’autre part, jugé que l’existence et les règles de visa de titres de circulation applicables aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe ne sont pas, en elles-mêmes, contraires au principe d’égalité et à la liberté d’aller et de venir. Déception chez tous ceux qui escomptaient une abrogation complète d’une loi d’origine sulfureuse.

Le communiqué du Conseil constitutionnel : http://www.conseil-constitutionnel...., et sa décision n° 2012-279 QPC : http://www.conseil-constitutionnel.....

 
“l’accueil et l’accompagnement des gens du voyage”, synthèse du rapport de la Cour des comptes

La Cour des comptes a publié en octobre 2012 un rapport sur L’accueil et l’accompagnement des gens du voyage, ainsi qu’une synthèse qui en facilite la lecture et l’utilisation et que nous reprenons ci-dessous [21].

On estime le nombre de gens du voyage en France à environ 250 000 personnes, réparties de la manière suivante : 70 000 itinérants, 65 000 semi-sédentaires et 105 000 sédentaires [22]. Le rapport de la Cour des comptes rappelle que la loi du 5 juillet 2000 est centrée sur le dispositif d’accueil prévu pour les gens du voyage itinérants : elle prévoit la mise en oeuvre dans chaque département de schémas d’aires d’accueil pour répondre aux besoins des gens du voyage nomades, mais elle n’aborde pas véritablement l’habitat des gens du voyage en voie de sédentarisation, sédentarisés ou semi-sédentarisés – en la matière, elle ne crée pas d’obligation et se limite à inciter les communes à mettre en place des solutions adaptées [23].

 
la réforme du statut des gens du voyage

Les gens du voyage restent soumis en France à une réglementation discriminatoire. Un rapport a été déposé en juillet dernier par le préfet Hubert Derache préconisant une réforme profonde de leur statut [24], et une proposition de loi en cours de mise au point devrait être prochainement soumise au parlement.

Mais, comme l’anthropologue Marc Bordigoni [25] l’expose ci-dessous, si cette réforme importante est adoptée, ce ne sera pas sans mal, tant il sera difficile pour les députés et sénateurs qui cumulent actuellement leur mandat parlementaire avec des fonctions exécutives locales de privilégier l’intérêt national sur la défense de leurs responsabilités locales – poste de maire ou de président de conseil général, régional ou d’agglomération [26].

 
nouvelle condamnation de la France par la CEDH

Le 17 octobre 2013, la Cour européenne des droits de l’Homme a condamné la France pour avoir prononcé en 2004, sans nécessité apparente, l’expulsion d’un campement de gens du voyage sans propositions satisfaisantes de relogement.

L’affaire avait été portée devant la CEDH par 25 voyageurs et par l’association ATD Quart Monde. L’association a salué une « décision historique », appelée selon elle à faire jurisprudence : « on ne pourra plus décider d’expulser ainsi des familles sans proposer de solution de relogement », espère-t-elle.
La Ligue des droits de l’Homme se félicite également de cet arrêt.

 
condamnation de la France pour violation de la liberté de circulation

Le 15 mai dernier, la Fnasat [27] a révélé que « l’ONU condamne la France pour violation de la liberté de circulation ». Interpellé par un voyageur français, le comité des droits de l’homme de l’ONU constate que« la France n’a pas démontré que la nécessité de faire viser le carnet de circulation à intervalles rapprochés, ainsi que d’assortir le non?respect de cette obligation de contraventions pénales sont des mesures nécessaires et proportionnelles au résultat escompté. » A compter du 28 mars, les autorités françaises ont six mois pour indemniser le voyageur et réviser la loi du 3 janvier 1969 qui impose un statut spécial aux gens du voyage.

 
de quoi la question “Roms” est-elle le symptôme ?

Un?an et demi?après la publication de la ?circulaire du 26 août 2012?? [28]
sur laquelle tant d’espoirs s’étaient?fondés,?quelle politique?en France?
envers les Roms, pour quels effets?? ?Et pourquoi ?sont-ils en passe??de?devenir ?le ?premier ?sujet ?d’une ?campagne ?électorale ?qui ?s’annonce??
Laurent el Ghozi, président de la Fnasat-GdV [29], membre du CNDH Romeurope [30]

Un article publié dans le N° 165 (mars 2014) de la revue Hommes & Libertés de la Ligue des droits de l’Homme, qui comporte un dossier consacré au “Symptôme rom”.

 
les voyageurs français, des citoyens de seconde zone ?

A la faveur d’un important colloque organisé à Nantes le 15 mars dernier, la « mémoire tsigane » a rassemblé autour de voyageurs, de conférenciers et d’artistes, près de 300 personnes qui ont participé au projet de constitution d’une stèle sur le site de la Forge, camp d’internement situé à Moisdon-la-Rivière. Pour continuer de se souvenir et, surtout, d’agir [31].

Par ailleurs, les récentes élections départementales ont parfois donné lieu à des propos, tracts ou déclarations de candidats hostiles à la présence de Voyageurs dans leur canton. Ainsi, à Clermont-Ferrand, la LDH a-t-elle porté plainte auprès du procureur de la République, suite à la révélation par sa section locale, saisie par plusieurs associations de Voyageurs ou d’amis de Voyageurs, d’une profession de foi rappelant les heures les plus noires de l’histoire de France. Il paraît donc important de refaire un point sur l’état des droits des « Gens du Voyage » et de poursuivre la réflexion que Maurice Daubannay amorce ci-dessous.

 
vers la fin du livret de circulation ?

La proposition de loi déposée par des députés PS en décembre 2013 “relative au statut, à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage” pourrait enfin abolir la plupart des discriminations administratives qui pèsent sur les Gens du voyage. En effet la proposition de loi, inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale à la date du 9 juin 2015,
abroge complètement la loi du 3 janvier 1969 sur le statut administratif des gens du voyage, qui les obligeait jusqu’à présent à posséder un livret de circulation – cette loi avait déjà été partiellement abrogée par le Conseil constitutionnel en octobre 2012.

 
L’Assemblée nationale supprime le livret de circulation

L’Assemblée nationale a voté dans la nuit du 9 au 10 juin 2015 la suppression de ce livret ainsi que le renforcement des pouvoirs des préfets pour la construction d’aires d’accueil, un point vivement contesté par l’opposition.

Les députés ont adopté une proposition de loi socialiste sur « le statut, l’accueil et l’habitat » des quelque 350 000 à 400 000 gens du voyage, dont 100 000 voyagent toute l’année. Tous les groupes de gauche l’ont soutenue tandis que le groupe LR et l’UDI se sont prononcés contre.
Le texte, présenté par le député PS Dominique Raimbourg, abroge la loi de 1969 qui faisait obligation aux gens du voyage de détenir un livret de circulation, sous peine d’amende, et qui n’avait été que partiellement abrogée en 2012. En novembre dernier, le Conseil d’État avait donné deux mois au gouvernement pour abroger les deux articles prévoyant encore cette obligation. Autre disposition de la loi de 1969 supprimée par la proposition de loi qui doit maintenant être débattue au Sénat : l’obligation d’être inscrit dans une commune de rattachement pour pouvoir voter, et le seuil de 3% de la population au-delà duquel le maire peut refuser leur inscription.

Par ailleurs, la proposition de loi renforce les pouvoirs du préfet en matière de construction d’aires d’accueil. Actuellement, 65% des 41 500 aires d’accueil prévues depuis la loi Besson de 2 000 dans les communes de plus de 5 000 communes ont été installées. Après une mise en demeure aux communes et intercommunalités défaillantes, le préfet pourra consigner, dans les budgets locaux, les sommes nécessaires, puis se substituer à elles, avec ces fonds.