La société française au temps des colonies

publié le 24 mai 2023
« Une guerre au loin. Annam, 1883 »
par Sylvain Venayre

En 1883, le lieutenant de vaisseau Pierre Loti rend compte dans le Figaro de la prise des forts de Hué, capitale du Vietnam, par la marine française. Il décrit sans ambages un carnage perpétré par les Français, croyant célébrer l’héroïsme national. Mais la publication de ses articles, qui font scandale, est interrompue sur ordre du gouvernement. L’historien Sylvain Venayre se saisit de cette « affaire Loti » pour explorer l’imaginaire européen de la « guerre lointaine » dans un livre de 2016 qui est réédité en poche par La Découverte en mai 2023. Outre la présentation de l’éditeur et un lien vers des extraits, nous publions une présentation en vidéo par l’auteur et un lien vers l’entretien réalisé par l’émission de France Culture La Fabrique de l’histoire avec Sylvain Venayre.

 
« Marseille, la Provence et l’Indochine »,
par Alain Ruscio

L’historien Alain Ruscio, spécialiste de l’Indochine, a publié en janvier 2023 aux éditions Les Indes Savantes, Marseille, la Provence et l’Indochine. Une histoire humaine au temps des colonies. Il y explore les liens multiples, tissés depuis les conquêtes jusqu’aux indépendances, entre Marseille et sa région et les anciennes colonies françaises d’Indochine, la Cochinchine, l’Annam et le Tonkin, au travers d’une histoire des Provençaux qui ont fait leur vie ou leur carrière en Indochine, mais aussi de celle des Indochinois qui ont fait un passage en Provence et dont les traces sont parfois encore visibles. On lira ici la préface de ce livre par Nguyen Phuong Ngoc et la table des matières.

 
Décès de Monique Hervo,
cette Française qui a manifesté
avec les Algériens du bidonville de Nanterre
le 17 octobre 1961

Partisane de l’indépendance de l’Algérie, Monique Hervo s’est engagée dès 1959 auprès des Algériens des bidonvilles de Nanterre et a participé avec eux à la manifestation pacifique du 17 octobre 1961 contre laquelle la répression policière a fait plus de 200 morts. Elle a témoigné dans des livres de la violence coloniale qui l’avait précédée contre les bidonvilles de Nanterre. En 1972, elle a fait partie des fondateurs du Groupe d’information et de soutien des travailleurs immigrés (Gisti), et, à partir de 1973, a travaillé à la Cimade. Comme le souligne l’historienne Muriel Cohen, sa mort à Nanterre le 20 mars 2023 à l’âge de 95 ans n’a donné lieu à aucune annonce officielle de la part d’un gouvernement français qui n’a toujours pas réglé sa position à l’égard de la guerre d’indépendance algérienne et de la violence de la colonisation.

 
Un livre de Patrice Morlat :
« L’indigène et le citoyen
La Ligue des droits de l’homme dans les colonies (1898-1940) »

Née au lendemain du procès d’Émile Zola, le 4 juin 1898, quatre ans après la condamnation du capitaine Dreyfus, la « Ligue des droits de l’homme et du citoyen » s’est dotée d’un solide groupe de juristes et d’intellectuels, mais elle est embarrassée par la question coloniale. Sa réflexion porte sur le statut politique et social des colonies, avec l’idée d’y importer la République, mais surtout pour les Européens. Quant aux indigènes, elle est en faveur d’un statut le plus libéral possible au sein d’un espace mondial français. Ce sont les mouvements patriotiques du Riff, de Syrie et d’Indochine qui seront à l’origine d’avancées dans son réformisme colonial. Elle est divisée, et, malgré une vaste enquête sur les colonies lors du Front populaire, elle ne pourra rien changer. Autour de ce livre, une rencontre est organisée au siège de la LDH le 5 avril 2023.

 
A propos du film « Tirailleurs » (3) :
La question des expérimentations médicales
sur les tirailleurs de la Grande Guerre

Une grande partie de la mortalité des tirailleurs africains dans la Première Guerre mondiale ne s’est pas produite lors des opérations sur le Front mais à l’arrière, dans des camps d’hivernage ou des hôpitaux. Quelles en sont les raisons ? Ci-dessous un article d’Adrien Vial portant sur les tirailleurs sénégalais qui ont servi de cobayes au camp du Courneau en Gironde lors d’expériences pour la mise au point de vaccins. Quand ce camp fut évacué vers la fin de la guerre, les tirailleurs survivants furent dirigés vers d’autres camps du Midi de la France. Les historiens Gilles Manceron et Alain Ruscio soulignent que le souvenir des soldats africains morts à la fin de la Première Guerre mondiale à Fréjus, Menton, Nice, Marseille, Toulon et ses environs et dans des hôpitaux de tout le Midi, dont l’Ariège, reste absente de la mémoire française.

 
A propos du film « Tirailleurs » (2) :
Eclairages sur les soldats coloniaux de 14-18,
par Emmanuel Blanchard et Danielle Domergue

Une vingtaine d’années avant la sortie en 2023 du film « Tirailleurs » de Mathieu Vadepied avec Omar Sy, le sort des soldats venus des colonies durant la Grande guerre est apparue dans le débat public français. L’historien Emmanuel Blanchard expliquait sur notre site en 2004 qu’il devenait un enjeu de mémoire dans les luttes politiques et juridiques des anciens combattants et des sans-papiers en France. Ci-dessous aussi un article de l’historienne Danielle Domergue-Cloarec de 2014 qui montre que l’évaluation de Marc Michel pour qui leurs pertes n’auraient pas excédé celles des métropolitains suscite débat. Car lorsque Mangin, commandant de la VIe armée, fait savoir à Blaise Diagne que, sur les 25 000 tirailleurs engagés, elles sont de 6 300 hommes, il l’accuse de mensonge car seuls 10 000 hommes auraient été engagés. À égalité de conditions d’emploi et de durée d’utilisation, les pertes sont-elles égales ?

 
Une histoire des jardins botaniques coloniaux
par Hélène Blais

L’historienne Hélène Blais publie en février 2023 chez Champ Vallon, dans la collection « l’environnement a une histoire », L’empire de la nature. Une histoire des jardins botaniques coloniaux (fin XVIIIe siècle-années 1930). Elle y montre qu’aux Caraïbes, en Afrique et en Asie, ces jardins coloniaux, « enclaves de nature ordonnée, symboles d’une sauvagerie domptée, donnent à voir la maîtrise du monde naturel et sont institués comme des outils de la domination coloniale. » Outre la présentation et le lien vers la table des matières, nous publions un article de cette historienne pour l’Encyclopédie d’histoire numérique de l’Europe sur le même sujet.

 
Hommage à Bernard Ravenel,
militant anticolonialiste et fondateur du PSU

Bernard Ravenel (1936-2023) a été l’un des fondateurs du PSU en 1960, qu’il a rejoint avec le groupe « Tribune du communisme » constitué de militants issus du PCF. L’une des raisons de son évolution politique depuis 1956 était sa fréquentation d’étudiants algériens et son soutien à la cause de l’indépendance algérienne. Devenu historien, il a publié en 2016 « Quand la gauche se réinventait. Le PSU, histoire d’un parti visionnaire, 1960-1989 » (La Découverte). Fidèle à son engagement anticolonialiste, il a été le premier président de l’Association France Palestine solidarité. Ci-dessous deux textes qu’il a écrits pour l’ouvrage publié en 2021 sur le rôle méconnu du PSU dans la protestation contre le massacre du 17 octobre 1961, et l’enregistrement d’une émission sur l’engagement de Français aux côtés des indépendantistes algériens. Un hommage lui est consacré le 27 mars 2023.

 
« Un empire bon marché »,
par Denis Cogneau
détruit la thèse ancienne de Jacques Marseille

Dans Un empire bon marché. Histoire et économie politique de la colonisation française, XIXe-XXIe siècle, publié en janvier 2023 au Seuil, l’économiste et historien Denis Cogneau, s’appuyant sur une masse considérable d’archives et un important travail statistique mené en équipe, démontre que l’empire colonial a peu coûté à la métropole jusqu’aux guerres d’indépendance, ruinant ainsi la thèse ancienne de Jacques Marseille selon laquelle il aurait constitué un trop lourd fardeau économique. Il montre aussi que, contrairement à une propagande parfois encore reprise aujourd’hui, la « mission civilisatrice » de la République française n’a pas débouché sur un développement économique pour les colonisés, le régime colonial ayant surtout bénéficié à une petite minorité de colons et de capitalistes français. « Les colonisés ont financé leur propre domination », explique l’auteur dans un entretien accordé à L’Obs.

 
Du nouveau sur Albert Camus
et l’autodétermination de l’Algérie,
par Faris Lounis et Christian Phéline

L’idée que Camus fut un défenseur de l’Algérie française fait partie aussi bien du discours de l’extrême droite en France que de celui de certains courants xénophobes et étroitement identitaires en Algérie. C’est méconnaitre certains de ses engagements comme celui, en janvier 1956, qui lui a valu les cris hostiles des européens d’Algérie partisans de la guerre à outrance contre le FLN. Ci-dessous une tribune qui la réfute, publiée en janvier 2023 par le journaliste algérien Faris Lounis. Contactés par notre site, Faris Lounis et le spécialiste de Camus, Christian Phéline, l’ont prolongée par un article écrit pour Histoire coloniale et postcoloniale qui analyse de plus près la position de Camus à la fin de 1959 sur le droit à l’autodétermination en Algérie. Ils renouvellent la connaissance de son positionnement à partir de septembre 1959, quand la question de l’autodétermination et de la fin du conflit a été lancée dans le débat public.

 
A propos du film « Tirailleurs »,
quelques rappels historiques par Alain Ruscio
sur les soldats coloniaux de 14-18

Le film franco-sénégalais « Tirailleurs » réalisé par Mathieu Vadepied et co-produit par Omar Sy est sorti dans les salles françaises le 4 janvier 2023. Nous reviendrons sur l’annonce démagogique faite au nom du gouvernement le jour de sa sortie et sur divers aspects méconnus de l’histoire de ces soldats coloniaux de la Grande guerre, dont les expérimentations médicales pour lesquelles ils ont été utilisés. Ci-dessous l’annonce le 24 janvier 2023 à Montreuil, dans une ville où un grand nombre de résidants sont originaires du Mali, d’une séance soutenue par la Ligue des droits de l’Homme accompagnée d’un débat avec l’historien Gilles Manceron. Suivie d’un rappel historique par l’historien Alain Ruscio du sort de ces soldats venus des colonies françaises durant la Première guerre mondiale.

 
Décès d’Adolfo Kaminsky, un combattant antiraciste et anticolonialiste,
soutien actif du FLN durant la guerre d’Algérie

Adolfo Kaminsky est mort à Paris le 9 janvier 2023, à l’âge de 97 ans. Son engagement dans la résistance au nazisme dans la France occupée fut pour lui fondateur. Il l’a prolongé dans le combat anticolonialiste, le soutien au FLN algérien de 1957 à 1962, puis l’aide aux mouvements anticolonialistes africains jusqu’aux années 1970. Il a ensuite vécu en Algérie jusqu’en 1982, où il a épousé Leila, Algérienne, et où sont nés ses deux enfants. À l’occasion de la belle exposition que lui a consacré en 2019 le Musée d’art et d’histoire du judaïsme (MAHJ), notre site avait rappelé ces éléments essentiels et souvent négligés de son parcours, y compris son refus du projet sioniste dont il percevait les écueils. Dans sa revue de presse du 10 janvier 2023 sur France inter, Claude Askolovitch a souligné l’intérêt de ce rappel de ses engagements qu’avait fait Gilles Manceron sur Mediapart.

 
Sur le livre d’Alain Ruscio
« Aragon et la question coloniale »
par Christiane Chaulet Achour

Dans son essai consacré à Aragon et la question coloniale, Alain Ruscio aborde aussi bien les positions politiques de l’homme engagé, influencé par le parti communiste français et en désaccord avec Aimé Césaire, que sa reprise littéraire dans Le Fou d’Elsa (1963) de l’aventure de Medjnoûn et Leïla issue de la culture arabo-persane. Comme le souligne Christiane Chaulet Achour, ce beau livre d’Aragon s’inscrit dans la tradition française du roman hispano-mauresque mais en la bouleversant. Situé dans la Grenade musulmane du XVe siècle, il s’inspire d’une histoire inscrite dans la culture musulmane aussi bien que des traditions mystiques espagnoles et françaises, aussi bien de Al-Hallâdj et Maïmonide que de Jean de la Croix et de Thérèse de Jésus. Un emprunt littéraire qui a intéressé des poètes comme Jamel-Eddine Bencheikh, Habib Tengour, Youcef Nacib, Abdelkebir Khatibi et Hawa Djabali. Cela permet-il de qualifier Aragon d’anticolonialiste ?

 
Le livre de David Todd
« Un empire de velours »
montre l’étendue et la permanence
de l’empire colonial français

Le livre de David Todd, Un empire de velours, L’impérialisme informel français au XIXe siècle, montre que l’influence française ne se réduisait pas aux territoires composant l’empire. Après la perte des colonies nord-américaines et caribéennes après la Révolution, cet impérialisme s’est déployé dans de nouvelles régions, notamment au Moyen-Orient et en Amérique latine. Des dispositifs commerciaux, financiers ou juridiques sophistiqués ont placé des pays entiers sous sa tutelle. En étudiant la politique étrangère et économique des régimes qui se sont succédé après la Révolution – Restauration, monarchie de Juillet et Second Empire –, David Todd propose de repenser l’histoire coloniale française, trop souvent limitée à la IIIe République et trop exclusivement associée à l’idéologie républicaine. Et il montre que cet impérialisme ne s’est pas limité aux conquêtes territoriales.

 
Les communistes français
et l’indépendance de l’Algérie,
par Alain Ruscio

En ce 60ème anniversaire de l’indépendance de l’Algérie, ont été publiées bien des articles, ouvrages, tribunes, numéros spéciaux de revues. Une fois encore, la controverse sur le rôle et les actions des communistes français est revenue sur le devant de la scène. Le PCF fut-il partisan de l’indépendance de l’Algérie, et si oui, dans quels termes, à quel moment du conflit ? L’historien Alain Ruscio, qui a consacré à cette question un ouvrage fondamental, Les communistes et l’Algérie, des origines à la guerre d’indépendance, 1920-1962, Paris, Éd. La Découverte, 2019, a réalisé sur ce sujet pour le site histoirecoloniale.net une synthèse précise et documentée.

 
Du racisme colonial en Algérie,
par Todd Shepard

Le 29 décembre 1956, moins de dix-huit mois avant le putsch du 13 mai 1958, l’Algérie française enterre le maire d’Alger, Amédée Froger, assassiné la veille. Des milliers de personnes participent à ses obsèques, puis se déchaînent, dans la ville et dans sa région, contre les « musulmans ». Un évènement qu’explore Sylvie Thénault dans Les ratonnades d’Alger 1956. Une histoire sociale du racisme colonial, un livre que notre site a déjà présenté. On en lira ci-dessous une recension critique par l’historien états-unien Todd Shepard, de l’université Johns Hopkins (Baltimore), publié par le site En attendant Nadeau. Selon lui, l’autrice se concentre trop sur le racisme des Français d’Algérie et minimise le lien de la République française avec ce qui s’est passé au nom de la France en Algérie.

 
Henri Curiel,
citoyen du tiers-monde,
par Gilles Perrault

Il y a 44 ans, le 4 mai 1978, deux hommes abattaient Henri Curiel à son domicile parisien. Né en Egypte en 1914, fondateur du mouvement communiste dans ce pays, Henri Curiel fut exilé par le roi Farouk en 1950. Il s’installa alors en France où il consacra ses efforts à l’aide aux mouvements de libération du tiers-monde ainsi qu’à la paix entre Israël, les pays arabes et les Palestiniens. Dénoncé comme « le patron des réseaux d’aide aux terroristes », il avait, en réalité, inventé une forme d’internationalisme qui correspondait aux formidables luttes anticoloniales qui ont marqué la seconde moitié du siècle. Alors que les commanditaires et exécutants de son assassinat restent toujours impunis, nous publions un récit de la vie d’Henri Curiel, publié en 1998 dans Le Monde Diplomatique, par l’écrivain Gilles Perrault.

 
Jacques Inrep, ancien appelé en Algérie,
demande l’accès aux circulaires
de Massu et de Salan
ordonnant officiellement
de torturer et de tuer les prisonniers

Jacques Inrep, ancien appelé en Algérie, a été interviewé en février 2022 par L’OBS et Le Monde magazine. Mais, pour le site histoirecoloniale.net, Il a tenu à préciser ses interviews sur plusieurs points. D’abord, ce jeune Normand issu de milieu ouvrier, devenu par la suite psychanalyste et responsable de la Ligue des droits de l’homme dans le Gard, a voulu souligner l’influence exercée sur lui par son père, militant communiste et républicain. Ensuite, revenant sur les photos qu’il a faites à l’armée de documents qui ont été transmis et publiés par Pierre Vidal-Naquet, il demande l’ouverture réelle des archives, y compris les circulaires officielles de Massu et de Salan ordonnant explicitement de pratiquer la torture et d’assassiner les prisonniers, qu’il n’a pas eu le temps de photographier.

 
Regards français sur l’Islam
des Croisades à l’ère coloniale
un livre dirigé par Alain Ruscio

Il n’y a pas que dans la France d’aujourd’hui que l’islam et les musulmans sont des sujets de débats et d’affrontements, puisqu’ils n’ont cessé depuis plusieurs siècles d’en susciter au sein de la société française. Le livre dirigé par Alain Ruscio, Regards français sur l’Islam des Croisades à l’ère coloniale, rassemble les réflexions de quatorze auteurs et autrices spécialistes de périodes et d’aires géographiques différentes. Il fait apparaître l’ancienneté des regards français, faits d’intérêt, d’adhésion et d’hostilité, qui se sont posés au fil des siècles sur cette religion et cette communauté. Dans un moment où, pour un certain nombre de raisons, l’islamophobie déferle depuis une trentaine d’années sous des formes nouvelles dans la société française, il est utile de se référer à celles qu’elle a prises à d’autres époques.

 
Les réactions de la société française
après le 17 octobre 1961

Notre site a consacré récemment une page intitulée « Un livre restitue le rôle du PSU, le seul parti qui a organisé une manifestation après le 17 octobre 1961 », dont le titre a fait réagir l’un des membres de notre équipe de rédaction, l’historien Alain Ruscio. Il donne ci-dessous des précisions sur « D’autres manifestations de solidarité », à partir de son ouvrage Les communistes et l’Algérie, des origines à la guerre d’indépendance (2019, La Découverte). Nous y ajoutons un extrait du texte de Gilles Manceron « La triple occultation d’un massacre » dans le livre Le 17 octobre des Algériens (La Découverte, 2011, nouvelle édition poche, 2021), ainsi que le manifeste publié en novembre 1961 par la revue Les Temps modernes avec ses 229 signataires, et un commentaire sur ces réactions dans la société française et leurs limites.

 
« Batouala » de René Maran (1921),
le premier Prix Goncourt critique de la colonisation

Au moment où le Prix Goncourt a été décerné en 2021 au jeune écrivain sénégalais Mohamed Mbougar Sarr, il convient de rappeler qu’un siècle plus tôt, c’est à l’écrivain Guyanais né à Fort-de-France, René Maran, qu’il est revenu en 1921, pour son roman Batouala, sous-titré « véritable roman nègre ». C’est la préface du livre qui est la plus accusatrice du colonialisme en Afrique : « Civilisation, civilisation, orgueil des Européens, et leur charnier d’innocents […], tu es la force qui prime le droit. Tu n’es pas un flambeau, mais un incendie. Tout ce à quoi tu touches, tu le consumes. […] C’est à redresser tout ce que l’administration désigne sous l’euphémisme d’“errements“ que je vous convie. La lutte sera serrée. Vous allez affronter des négriers. […] À l’œuvre donc, et sans plus attendre. La France le veut ! ».

 
Hommage à Paray-le-Monial
à un dénonciateur de la colonisation
et de l’esclavage au XVIIème siècle

La section de la Ligue des droits de l’homme de Paray-le-Monial, en Bourgogne, est née en 2014 de la volonté d’une dizaine de citoyens de défendre localement les principes de la République mis à mal par les activités d’intégristes catholiques qui déforment l’histoire locale et tournent le dos à l’univers humaniste qui a marqué la vie de la cité pendant une partie du XVIIème siècle. Elle a organisé une commémoration de Pierre Moreau (1621-1661) qui avait dénoncé la colonisation et l’esclavage au milieu du XVIIème siècle. L’oubli de cet humaniste précurseur des droits de l’homme est lié au fait qu’un récit catholique intégriste a exclu de la mémoire de la ville à la fois la présence protestante, les moments de paix entre les religions du XVIème au XVIIIème siècle et la violence des persécutions qui y ont mis fin.

 
La Rochelle : une exposition sur
l’esclavage, illustrations et caricatures,
1750-1850

En montrant une centaine de gravures réalisées et diffusées à l’époque de l’esclavage colonial, cette exposition réalisée sous la direction de Marcel Dorigny, spécialiste de l’histoire de l’esclavage dans les colonies françaises au 18e siècle, offre un panorama des regards sur l’esclavage qui témoignent de la diffusion et de la persistance en Europe des stéréotypes raciaux à une période où l’esclavage de masse s’est développé dans les « îles à sucre » et en Amérique. Elle donne aussi à voir les violentes controverses qui ont profondément divisé les opinions publiques face à cette pratique de l’esclavage des populations africaines dans les colonies européennes. A partir des collections de gravures, souvent inédites, conservées dans plusieurs pays.

 
L’Exposition coloniale de 1931
apogée du discours colonial,
par Alain Ruscio

Il y a 90 ans, en mai 1931, s’est ouverte l’Exposition coloniale internationale de Paris qui a connu, jusqu’en novembre, un nombre exceptionnel de visiteurs. Plus de 33 millions de billets ont été vendus et on estime qu’il y eut quelque 8 millions de visiteurs. Le délégué général de l’Exposition, Marcel Olivier, en a tiré un bilan enthousiaste : « En six mois, l’idée coloniale a gagné plus de terrain qu’elle n’en avait gagné en cinquante ans » et le ministre des Colonies, Paul Reynaud, a déclaré : « L’opinion publique d’après l’Exposition coloniale ne sera pas l’opinion publique d’avant ». Les quelques contestations venant de colonisés, des « Anamites », ont été étouffées et celles émanant des communistes et des surréalistes sont restées marginales par rapport au grand succès populaire de cette œuvre efficace de propagande coloniale.

 
Napoléon et l’esclavage
une rencontre en ligne le 8 mai 2021

Huit associations ou structures se sont regroupées pour mutualiser leurs actions en faveur de la connaissance de l’histoire de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions. Napoléon, dont on a commémoré le 5 mai 2021 le bicentenaire de la mort, a laissé une empreinte profonde dans l’histoire de France et du monde. Mais son rôle dans le rétablissement de la traite négrière et de l’esclavage dans les colonies françaises reste trop méconnu. Trois tables-rondes en ligne apportent un éclairage sur les raisons et les circonstances qui l’ont conduit à ce choix. Cette rencontre prend la forme d’un webinaire, avec la participation de dix-huit historiens français et d’autres pays, et est ouverte à tous les publics.

 
Napoléon et le rétablissement
de l’esclavage
par Marcel Dorigny

L’esclavage, aboli pendant la Révolution par un décret de la Convention nationale en février 1794, a été rétabli par Bonaparte qui a fait revenir les colonies restées françaises à la situation d’avant 1789 et a réussi à vaincre la résistance de Louis Delgrès et des Guadeloupéens combattant pour la liberté. Il a rejeté l’unité de l’espèce humaine défendue par les Lumières au profit du rétablissement de l’ordre colonial en vigueur sous l’Ancien régime. Mais il a été vaincu par les anciens esclaves révoltés de Saint-Domingue. Sous l’Empire, la traite a connu un vif regain. Marcel Dorigny relate ce moment rétrograde de notre histoire et le correspondant du Monde à Fort-de-France rend compte de l’incompréhension des Antillais face à l’hommage rendu à Napoléon à l’occasion des deux cents ans de sa mort.

 
Napoléon et sa relation très originale à l’islam
par Faruk Bilici

« Les Français sont aussi de vrais musulmans », affirme Bonaparte en juillet 1798 quand il débarque à Alexandrie pour conquérir l’Égypte, à la tête d’une armée de plus de 50 000 hommes. Et un mois plus tard, il se fait appeler « Ali Bonaparte » à la mosquée Al-Azhar. A l’heure du deux centième anniversaire de la mort de l’empereur, cet article de l’historien Faruk Bilici, spécialiste de l’Empire ottoman, éclaire notamment cet aspect méconnu - qui résonne étrangement aujourd’hui - d’une expédition également marquée par une débauche de violences que l’on retrouvera plus tard dans d’autres conquêtes coloniales françaises, plus durables.

 
Corps noirs et médecins blancs,
par Delphine Peiretti-Courtis

Pour lutter contre les stéréotypes racistes qui perdurent à l’égard des femmes et des hommes noirs dans la société française, il faut revenir à leurs origines. De la fin du XVIIIe siècle jusqu’au milieu du XXe, la littérature médicale a élevé au rang de vérité scientifique les préjugés raciaux sur les corps noirs : infériorité intellectuelle, résistance physique, prédominance des émotions et hypersexualité. Le livre de Delphine Peiretti-Courtis est une enquête sur la façon dont fut traitée cette question dans les écrits spécialisés de cette période. Dans une société où la science s’est substituée progressivement à la religion comme source du savoir, le schéma racialiste élaboré par les savants a été ensuite conforté par le pouvoir politique pour servir le projet colonial : le corps est devenu un outil de la colonisation.

 
L’école aux colonies,
par Carole Reynaud-Paligot

La volonté de « civiliser » les populations colonisées grâce à l’école fut hautement proclamée par les colonisateurs français, mais qu’en fut-il réellement ? Alors que certains mobilisent encore parfois la légende d’un apport scolaire « positif » dans le bilan colonial d’une République française « institutrice de l’humanité en retard », dans L’école aux colonies Carole Reynaud-Paligot révèle la pratique quotidienne de l’administration coloniale. Elle expose aussi les mobiles et la mise en pratique du projet éducatif, l’entêtement d’une partie des acteurs politiques à maintenir coûte que coûte un enseignement différencié et à priver les colonisés d’une culture émancipatrice, ainsi que les stratégies de résistance, de contournement de la part des colonisés. Son étude embrasse la totalité de l’empire colonial français, de la Restauration à 1940. Nous en publions l’introduction et la table des matières.

 
« Combattre, punir, photographier »,
par Daniel Foliard

Bien avant la Grande Guerre, la photographie a représenté la colonie et la violence coloniale. Dans Combattre, punir, photographier. Empires coloniaux, 1890-1914, l’historien Daniel Foliard analyse brillamment le vaste corpus qui en témoigne, des albums privés des soldats coloniaux aux fonds des premières agences d’images. Il reproduit un certain nombre de ces images en nous invitant, comme l’indique l’éditeur, « à lire l’image-choc pour la désarmer plutôt que la subir. [...] Au-delà d’une histoire des photographies des corps brutalisés et des violences armées, cet ouvrage, loin d’une pornographie du désastre, est aussi une proposition. Comment présenter des photographies montrant les atrocités indicibles pour les penser et en faire l’histoire ? ». Nous publions ici la recension de cet ouvrage par Raphaël Gallien, celles d’André Loez et de Sylvain Venayre, ainsi que les liens vers deux podcasts d’entretiens avec l’auteur, sur le site de France culture et sur celui de Paroles d’histoire.

 
Un ouvrage d’Alain Ruscio et Marcel Dorigny
sur la caricature raciste à l’époque coloniale

L’historien Alain Ruscio a rassemblé dans un livre les images que l’Europe au sommet de son expansion impériale présentait des peuples colonisés. Si elles nous paraissent aujourd’hui dégradantes, les contemporains ne les percevaient pas comme telles. D’où la réflexion de Joëlle Stolz dans son blog de Mediapart, qui se félicite que, grâce à l’éducation, « les Français sont moins racistes qu’autrefois ». L’Occident, qui gouvernait le monde depuis quatre siècles, se voit défié par d’autres régions du globe, à commencer par la Chine, d’où une remise en cause des hiérarchies qui avaient été intériorisées et le fait que les images du livre d’Alain Ruscio nous paraissent incroyables. Mais les Français d’aujourd’hui ne sont pas débarrassés de ce racisme, ils ont encore un effort à faire pour s’en défaire.

 
Cinq émissions de France culture consacrées à Frantz Fanon,
par Anaïs Kien

Emblème de la lutte anticoloniale à travers son engagement dans la guerre d’Algérie aux côtés du FLN, Frantz Fanon a marqué de son empreinte les luttes qui ont causé la fin des empires coloniaux. Né aux Antilles françaises dans l’entre-deux guerres, il a éclairé ces luttes par ses livres Peau noire, masques blancs et Les Damnés de la terre et par son travail psychiatrique sur l’aliénation coloniale. Mort en 1961, à 36 ans, quelques mois avant l’indépendance algérienne, sa pensée a inspiré de nombreux combats, des Black Panthers aux Palestiniens, en passant par les militants anti-apartheid d’Afrique du Sud. Les cinq émissions, par Anaïs Kien, que France culture lui a consacré du 17 au 21 août 2020, qui restent depuis accessibles en ligne, restituent les étapes de son parcours.

 
Un livre sur les travailleurs indochinois en Lorraine (1939-2019)

Riche d’une centaine d’images inédites, ce livre présente de nouveaux aspects de cette page longtemps enfouie du passé colonial de la France. Sur la migration forcée oubliée de Vietnamiens en 1939, le livre juxtapose études et témoignages. Il met en lumière cette « exportation en métropole de la situation coloniale », comment ces hommes, sans salaire, sans reconnaissance, ont contribué à la prospérité d’entreprises françaises. Mais des photos issues d’albums de famille montrent aussi la manière dont certains d’entre eux en Lorraine ont fini par prendre place dans la société française.

 
« Algérie. La guerre des appelés », un documentaire conseillé par l’historien Tramor Quemeneur

Auteur d’une thèse importante sur les résistances à la guerre d’Algérie, Tramor Quemeneur est le conseiller historique du documentaire, « Algérie. La guerre des appelés », réalisé par Thierry de Lestrade et Sylvie Gilman, diffusé le dimanche 3 novembre 2019, à 20 h 50, sur France 5. Tout au long des deux épisodes d’environ une heure, se révèle, à l’aide d’un nombre considérable de témoignages - entretiens oraux, lettres d’appelés, photos, petits films amateurs…-, le quotidien de jeunes gens de vingt ans confrontés, sans aucune préparation, dans une guerre coloniale dont ils ignoraient les causes profondes, à la peur, à l’ennui, aux exactions et à la torture.

 
Un livre d’Olivier Le Cour Grandmaison, “Ennemis mortels”. Représentations de l’islam et politiques musulmanes en France à l’époque coloniale

Dans un livre intitulé, “Ennemis mortels”. Représentations de l’islam et politiques musulmanes en France à l’époque coloniale (La Découverte, octobre 2019), l’universitaire Olivier Le Cour Grandmaison souligne les origines historiques de l’islamophobie en France. Nous publions sa présentation par l’éditeur ainsi que le sommaire, et reproduisons son entretien intitulé « En France, « les origines de l’islamophobie sont coloniales » », paru dans « Mediapart » le 25 octobre 2019.

 
1928 en Tunisie, le voile islamique, les socialistes locaux et Habib Bourguiba

Le débat sur l’obligation ou non du port d’un voile par les femmes est ancien dans le monde musulman selon les interprétations du Coran et les règles sociales qui n’ont pas toujours été les mêmes selon les régimes et les espaces. Mais les colonisateurs se sont emparé de cette question en interrompant les évolutions et les débats en cours pour en faire un moyen d’imposer leurs propres normes culturelles dans les sociétés majoritairement musulmanes de leurs colonies du Maghreb. Les campagnes islamophobes de 2019 encouragées par le ministre de l’Education nationale sur la tenue des mères d’élèves accompagnant les sorties scolaires ont des racines qui remontent loin…

 
L’incroyable ignorance des colonies
de la part de l’opinion française,
par Alain Ruscio

Du temps des colonies, les Français n’en avaient qu’une connaissance confuse. Tel article de 1889 parlait du « minaret » surmontant la pagode bouddhiste d’Angkor, tel autre en 1931 plaçait la muraille de Chine au nord du Viet-nam et un autre en 1949 constatait que beaucoup de Français situaient l’ile de la Réunion dans les Antilles. L’univers colonial était l’objet de multiples confusions. Tous ces territoires étaient peuplés d’« Exotiques » que les Français mélangeaient abondamment. L’historien Alain Ruscio a relevé nombre de perles qui illustrent cette ignorance.

 
Les joueurs d’origine africaine dans le football français

Du côté de l’extrême droite raciste, des polémiques se déchainent contre la composition de l’équipe de France de football avant la finale de la Coupe du monde qui l’oppose le 15 juillet 2018 à la Croatie. Ce sont de violentes diatribes contre la présence de joueurs d’origine africaine. Qui conduisent certains à souhaiter la défaite de cette équipe et la victoire de l’équipe adverse jugée comme la seule « européenne ». Pour réagir à ces préjugés racistes, nous publions un texte qui souligne l’ancienneté de la présence de joueurs originaires d’Afrique dans l’histoire du football français.

 
L’aide discrète de Simone Veil aux résistants algériens

A l’occasion de l’entrée, le 1er juillet 2018, de Simone Veil au Panthéon, de nombreux articles rappellent son passé de déportée et son action en faveur des droits des femmes. Mais peu mentionnent la manière dont, secrétaire générale de l’administration pénitentiaire sous l’autorité du ministre de la Justice Edmond Michelet de 1959 à 1961, elle a sauvé la vie de nombreux condamnés algériens et œuvré à de meilleures conditions de détention et de vie pour les détenus du FLN et les membres des réseaux de soutien à celui-ci dans les prisons françaises.

 
les souvenirs de la rencontre d’un libraire lyonnais avec Frantz Fanon

Le grand militant anticolonialiste et penseur du fait colonial qu’a été Frantz Fanon (1925-1961), né en Martinique, a vécu plusieurs années à Lyon au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Il y a notamment rencontré en 1948 le libraire lyonnais Raymond Péju. A l’occasion de son récent décès, le 19 avril 2018, à Bourg-Saint-Andéol (Ardèche), à l’âge de 93 ans, nous publions le récit qu’il avait fait de sa rencontre et de ses conversations avec Fanon, tel qu’il a été reproduit dans l’ouvrage « Ecrits sur l’aliénation et la liberté. Œuvres II » de Frantz Fanon, publié en 2015 par les éditions La Découverte.

 
L’histoire de l’immigration algérienne au XXe siècle par Emmanuel Blanchard

L’historien et politiste Emmanuel Blanchard, auquel on doit notamment une importante étude sur « La Police parisienne et les Algériens, 1944-1962 » (Nouveau Monde, 2011) — qui replace la répression d’octobre 1961 dans une histoire plus longue —, publie une synthèse des plus nécessaires sur l’histoire de l’immigration algérienne en France au XXe siècle. Une immigration qui a commencé dans la période coloniale et s’est poursuivie au-delà. Outre la présentation de l’éditeur et la table des matières, on en lira ci-dessous l’introduction.

 
Guillaume Duval : l’aventure coloniale, une honte pour le pays, un handicap pour son économie

La constitution du second empire colonial français au XIXe siècle avait pu donner l’illusion que la France avait acquis un rayonnement mondial. Il n’en est rien, et les Français ont aujourd’hui le sentiment d’un déclin ininterrompu de leur pays, par rapport à un « âge d’or » fantasmé. Dans un livre intitulé La France ne sera plus jamais une grande puissance ? Tant mieux !, publié aux éditions La Découverte, Guillaume Duval, rédacteur en chef du mensuel Alternatives économiques, montre que ce déclin incontestable n’a pourtant rien de catastrophique : on peut vivre — et bien vivre — sans avoir besoin de s’imposer au reste du monde.

 
« L’école des colonies »,
de Didier Daeninckx

Dans son ouvrage, L’Ecole des colonies, Didier Daeninckx s’attaque au mythe des bienfaits de la colonisation en matière scolaire. Il répond aux questions : Qu’enseignait-on dans les écoles des colonies, en Algérie, en Afrique sub-saharienne, en Asie, aux Antilles, quand l’empire français s’étendait sur 11 millions de kilomètres carrés et comptait 48 millions d’habitants ? Quel était le pourcentage d’enfants indigènes scolarisés ? Que cherchait-on à former : des citoyens, une élite, de bons et loyaux serviteurs ? Les compte rendus de François Nadiras et de Séverine Kodjo-Grandvaux.

 
Jaurès et le colonialisme,
par Gilles Candar

Jaurès a été contemporain de la période d’essor de la colonisation. Il l’a d’abord approuvée en adhérant au discours de Jules Ferry, puis l’a critiquée, d’abord avec mesure, puis de plus en plus catégoriquement. L’évolution de Jaurès face au colonialisme, de l’approbation à la critique, a été considérable. Comme le montre Gilles Candar, président de la Société d’études jaurésiennes et auteur de nombreux ouvrages à son sujet [1], dans cet article de la revue Alternatives non-violentes.

 
Aimé Césaire :
“Discours sur le colonialisme” (1950)

Aimé Césaire, poète et homme politique, a été maire de Fort de France (1945-2001), et député de la Martinique (1945-1993) ; il a obtenu la départementalisation de la Martinique en 1946. Né en 1913 à la Martinique, il est mort le 17 avril 2008 à Fort-de-France. En dehors de ses œuvres d’écrivain, dont Cahier d’un retour au pays natal (1939), La tragédie du roi Christophe (1963), il a écrit en 1950 son important Discours sur le colonialisme. Nous en publions ci-dessous le début, précédé d’une lecture publique par Antoine Vitez en 1989 à Avignon.

[Mise en ligne le 23 mars 2005 – Le document audio a été mis à jour le 22 février 2017]
 
Elikia M’Bokolo : « Le travail forcé, c’est de l’esclavage »

De la fin du XIXe siècle à la Seconde Guerre mondiale, le travail forcé a été général sur le continent africain. Tous les colonisateurs l’ont imposé. En Afrique, existait un esclavage domestique, ainsi qu’un commerce plus large, en Angola et dans les îles, aussi bien du côté atlantique que du côté de l’océan Indien. Mais, à partir des années 1880, tous les colonisateurs européens développent le « travail forcé » qui est une variante de l’esclavage. Un phénomène dont on imagine mal l’ampleur. Nous publions l’entretien avec Elikia M’Bokolo, directeur d’études à l’EHESS, qu’a publié la revue L’Histoire en octobre 2005.

 
La construction d’une certaine image
de l’Afrique
sur fond d’idéologie coloniale

Des débuts des conquêtes aux années 1990, l’idéologie coloniale, en particulier le discours missionnaire, contribuèrent à forger des représentations stéréotypées des Africains, inspirées des doctrines raciales européennes. Cette question est abordée dans la thèse de Sophie Pontzeele, « Burundi 1972/Rwanda 1994 : L’efficacité “dramatique” d’une reconstruction idéologique du passé par la presse ». Nous reproduisons le début de son premier chapitre, intitulé « Les représentations du continent africain en France, des débuts de la conquête coloniale aux années 1990 ».

 
Gilles Manceron : “1885, le tournant colonial de la République”

Lors du débat public de 2005 en France sur la question coloniale, on a souvent oublié que la République n’a jamais été vraiment unanime sur ce sujet. Ainsi, en 1885, quand certains républicains ont repris à leur compte l’idée monarchique de conquêtes coloniales, cela a donné lieu à des affrontements à la Chambre des députés à l’issue desquels le projet colonial ne s’est imposé que de justesse. D’où l’intérêt de relire les débats parlementaires de juillet et décembre 1885, lors du vote de crédits pour la poursuite de la conquête de Madagascar et de l’Indochine. Nous publions une partie de l’introduction de l’ouvrage de Gilles Manceron, 1885 : le tournant colonial de la République.

 
La République française et la question coloniale : quelques dates clés (1792-1962)

Cette chronologie a été établie par l’historien Gilles Manceron, en annexe de l’ouvrage reproduisant le passionnant verbatim des débats parlementaires français de 1885, sous le titre 1885 : le tournant colonial de la République. Jules Ferry contre Georges Clemenceau, et autres affrontements parlementaires sur la conquête coloniale (Éditions La Découverte, 2006). Nous la reprenons sur ce site avec ’accord de l’auteur et de l’éditeur.

 
Le 16 pluviose an II : la première abolition française de l’esclavage

Il a fallu attendre près de cinq ans après la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen pour que l’esclavage soit déclaré aboli par un décret de la Convention nationale, le 16 pluviose an II. Mais certaines colonies comme la Martinique et la Réunion n’en connurent aucune application et Napoléon rétablira l’esclavage en 1802. Il faudra attendre 1848 pour qu’un décret de la Deuxième République l’abolisse de nouveau. Selon les territoires, cette abolition sera parfois très lente, et des formes nouvelles, sous couvert d’« engagement », seront mises en place. Sans compter le travail forcé qui a été, en Afrique et à Madagascar, une forme d’esclavage.

 
« Le Nègre est à peu près un homme comme les autres », Onésime Reclus (1926)

« La Géographie vivante » pour le cours préparatoire et le CM1, d’Onésime Reclus.

 
Le « parti colonial », par Charles-Robert Ageron

Dans les dernières années du XIXe siècle, les partisans de la « France des cinq parties du monde » se sont regroupés. Ils ont formé un « parti colonial » composé de députés, géographes, militaires, hommes d’affaires, qui a exercé une influence décisive et souvent occulte sur la politique française. Il fut l’une des forces agissantes de la IIIe puis de la IVe République. Cet article de Charles-Robert Ageron est paru dans Le temps des colonies, hors série de la revue L’Histoire, n° 11, en avril 2001.

 
L’exposition coloniale de 1931, par Charles-Robert Ageron

Ce texte est le chapitre consacré à l’Exposition coloniale de 1931 dans le premier tome - La République - des Lieux de mémoire, sous la direction de Pierre Nora, publié chez Gallimard en 1984. Il a été repris sur ce site en 2005, afin de rendre ce texte largement accessible, au moment où les problèmes de la mémoire coloniale étaient aux centre d’un large débat provoqué par la loi du 23 février 2005 qui incitait les enseignants à montrer les « aspects positifs de la colonisation [2] » .

 
Ces zoos humains de la République coloniale

Comment cela a-t-il été possible ? Les Européens sont-ils capables de prendre la mesure de ce que révèlent les « zoos humains » de leur culture, de leurs mentalités, de leur inconscient et de leur psychisme collectif ? Double question alors que s’ouvre enfin, à Paris, au cœur du temple des arts - le Louvre -, la première grande exposition sur les arts premiers. [3] Ci-dessous la première partie de l’article de Nicolas Bancel, Pascal Blanchard et Sandrine Lemaire [4], paru dans Le Monde Diplomatique d’août 2000.

 
Esclavage et traite atlantique

En 2005, après la publication de la loi dite Taubira et celle du 23 février 2005 voulant inciter les enseignants à montrer les « aspects positifs de la colonisation », des polémiques ont éclaté à propos de l’esclavage et de sa qualification. Ci-dessous quelques rappels historiques. Ainsi qu’un article, dans Le Monde du 5 mars 2005, intitulé « Traite négrière : les détournements de l’histoire », publié par Olivier Pétré-Grenouilleau, professeur d’histoire à l’université de Lorient, membre de l’Institut universitaire de France.

 
Le Code noir

Le Code noir est l’édit de Louis XIV « sur la police de l’Amérique française », préparé par Jean Baptiste Colbert (le « grand » Colbert) à partir de 1681, et signé par son fils Jean-Baptiste Colbert, marquis de Seignelay, qui lui succède en mars 1685. C’est lui qui co-signera le Code noir en cette année 1685 qui est aussi l’année de la révocation de l’Édit de Nantes.

 
La colonne infernale de Voulet-Chanoine

En 1899, deux officiers français, Paul Voulet et Julien Chanoine, un capitaine et son lieutenant, partirent avec leurs hommes à la conquête du Tchad, au cœur de l’Afrique. Leur colonne infernale a laissé une longue traînée de sang à travers le Niger actuel, pillant et massacrant tout sur son passage. Le ministère des colonies tenta de les arrêter, mais à Paris l’affaire en resta là. L’opinion admettait fort bien que la soumission de l’Afrique s’accompagnât de telles tueries. Articles publiés par Le Monde du 26 Septembre 1999.

 
Onésime Reclus, inventeur du mot « francophonie » et militant de l’expansion coloniale

Onésime Reclus (1837-1916), est un géographe, tout comme son frère Elisée Reclus. Mais autant Elisée a été critique du colonialisme, autant Onésime en a été un défenseur. C’est sous sa plume qu’apparaît le mot « francophonie » vers 1880, dans le cadre de sa réflexion sur le destin colonial français. Cette notion lui paraissait être la meilleure réponse de la France au jeu des forces à l’œuvre dans le monde en cette fin du XIXe siècle, dans lequel le facteur linguistique était pour lui essentiel. [5]

 
La « mission Marchand » et Fachoda

Les deux grandes nations européennes qu’étaient la France et la Grande-Bretagne étaient, à la fin du XIXe siècle, lancées toutes deux en Afrique dans des conquêtes prétendument civilisatrices. Elles faillirent se jeter l’une contre l’autre pour la possession d’une région que les conquérants avaient eux-mêmes décrite comme « un pays de marécages et de fièvres » (Robert Salisbury) ou comme « un pays peuplé par des singes et par des Noirs pires que des singes » (Gabriel Hanotaux). C’est l’épisode de la « mission Marchand » (Loango, juin 1896 - Djibouti, mai 1899).

 
Quand Victor Hugo dénonçait la barbarie des Européens en Chine en 1861

L’empereur de Chine, Xianfeng, a abandonné Pékin aux troupes anglo-françaises qui, le 6 octobre 1860, envahissent sa résidence d’été, d’une beauté exceptionnelle, la saccagent, la dévastent. Ce pillage, qui marquera la seconde guerre de l’opium, indigne certains témoins occidentaux. Victor Hugo, lui, ne connaît cette « merveille du monde » qu’à travers le récit des voyageurs, mais, d’emblée, il prend le parti des civilisés, les Chinois, contre les barbares. [6]

 
La LDH et le problème colonial en 1930 - 1931

La LDH a connu des débats internes sur la question coloniale, mais son congrès de 1931, l’année de l’exposition coloniale, a finalement prôné une « colonisation démocratique ». Attentive au respect des droits des individus, elle n’a pas pris en compte le droit collectif d’un peuple à disposer de lui-même. Nous reproduisons le texte sur ce sujet publié dans la brochure l’Exposition coloniale de 1931 - Le débat colonial de l’époque, publiée en 2002 par section Paris XII de la LDH.

 
L’exposition coloniale de 1931

L’exposition coloniale internationale de Paris, dans le Bois de Vincennes, en 1931, est restée dans les mémoires comme l’apothéose de la colonisation française. C’était une immense opération de propagande vivante en faveur de l’œuvre coloniale, à destination de la population de tous les âges, des adultes aux enfants des écoles. Nous reproduisons à son sujet un extrait de la brochure que la section Paris XII de la LDH a consacrée en 2002 à l’Exposition coloniale de 1931.

 
Quand Jules Ferry et Clemenceau s’opposaient sur la question coloniale

En juillet 1885, la politique coloniale de la France a fait l’objet de débats à la Chambre des Députés, à propos du vote des crédits nécessaires aux expéditions lointaines au Tonkin et à Madagascar. Lors de ces débats, les députés monarchistes, légitimistes ou orléanistes, et les députés bonapartistes se sont souvent montrés favorables à cette politique coloniale. En revanche, les députés républicains se sont divisés, à l’exemple de Jules Ferry et de Clemenceau.

 
La colonisation française dans le manuel de Malet et Isaac de 1961

Le discours tenu sur la constitution de l’empire colonial dans le manuel d’histoire le plus utilisé dans les collèges et les lycées de France en 1961, le Cours de Malet et Isaac intitulé « La naissance du monde moderne » est peu différent de celui des manuels de la IIIe République. Cela bien que l’on soit depuis 1945 dans l’ère de l’émancipation des colonies et que l’empire colonial français est en passe de se disloquer.

 
Quelques réflexions sur les colonies et le colonialisme

Le fait colonial a été perçu et défini très différemment du XIXe au XXIe siècle. Dans son Dictionnaire des idées reçues, Gustave Flaubert donnait comme définition du mot « colonies » : « S’attrister quand on en parle ». Ernest Lavisse a fait l’éloge du colonialisme, Kateb Yacine l’a dénoncé. Raoul Girardet et Jean Sprecher, qui ont vécu dans l’Algérie coloniale, le premier partisan alors de l’Algérie française, le second « libéral » et favorable à l’indépendance, ont réfléchi, plus tard, sur cette idéologie. Au XXIe siècle, des historiens comme Marc Ferro et Gilles Manceron se sont efforcé d’en donner des définitions.

 
« Les conquêtes de la France », dans un manuel scolaire d’Ernest Lavisse de 1913

La colonisation, telle qu’elle était enseignée par la IIIe République aux enfants des écoles primaires, était présentée comme une grande entreprise civilisatrice. C’était le cas, en particulier, dans la célèbre « Histoire de France » d’Ernest Lavisse qui était l’un des livres scolaires les plus utilisés dans es écoles, publiques ou privées. Nous reproduisons ici le chapitre 22, qui porte sur « Les conquêtes de la France », du manuel destiné au cours élémentaire (édition de 1913).

 
Le point de vue lucide de Paul Ricœur en 1947 sur la question coloniale

Au lendemain de la Seconde guerre mondiale, un mouvement d’émancipation s’est déclenché dans l’ensemble du monde colonisé. De l’Indochine à l’Algérie, sont apparus des mouvements importants en faveur de l’indépendance qui réclamaient les mêmes droits nationaux que les mouvements de résistance en Europe avaient revendiqués contre l’invasion allemande. L’article de Paul Ricœur, publié dans Réforme, le 20 septembre 1947, dont nous reproduisons le passage sur ce sujet, se distingue des idées dominantes en France à l’époque en reconnaissant le droit à l’indépendance des colonisés.