Le racisme postcolonial
Noirs : une conscience commune fondée sur un malaise social partagé est en train d’émerger.Il s’agit de construire une mémoire collective fondée sur une histoire explicitée et assumée plutôt que sur le refoulement et la honte.
Un billet d’humeur inspiré par l’actualité à Alain Ruscio, historien, auteur de
- Que la France était belle eu temps des colonies. Anthologie de la chanson coloniale française, Ed. Maisonnneuve & Larose, 2001
- Le Credo de l’Homme blanc, Ed. Complexe, 2002
Un étudiant congolais résidant en Belgique vient de demander en justice l’interdiction de Tintin au Congo pour « racisme et xénophobie ». S’il semble difficile d’approuver sa demande d’interdiction, il n’est pas inutile de rappeler que cet album de Hergé véhicule nombre de stéréotypes raciaux.
Ces stéréotypes sont toujours bien vivaces en France, jusque dans certains discours de nos gouvernants :
« Pendant que nous y sommes, que diriez-vous, bonnes gens, du président français, Nicolas Sarkozy, qui vient tout juste d’étaler à Dakar sa vision passéiste de l’Afrique ? Pour sûr, si la sentence devait tomber, Sarko serait plus coupable que Hergé. » [1]
L’histoire qui lie l’Algérie et la France apparaît parfois comme « l’impossible histoire », toujours en cours d’écriture, souvent conflictuelle.
À l’occasion de son 70e anniversaire, la Cimade ouvre le débat en partant de la mémoire de son propre engagement auprès du peuple algérien.
Pendant la guerre, alors qu’en métropole des équipiers de la Cimade étaient engagés auprès des immigrés algériens et dans les camps d’assignation à résidence, d’autres agissaient en Algérie, auprès des familles déplacées et regroupées sous autorité militaire.
Aujourd’hui, l’association agit auprès des migrants, dont beaucoup sont issus des anciennes colonies.
Les 4 et 5 juin, la Cimade invite à deux journées d’étude à Marseille pour interroger l’histoire et mieux comprendre les blocages du présent.
Le racisme et les conflits identitaires vécus aujourd’hui ne proviennent-ils pas de l’absence d’une histoire coloniale écrite à deux voix? Après un détour par l’engagement de la Cimade auprès des militants des colonies portugaises pour l’indépendance, l’histoire particulière de l’Algérie et de la France sera abordée pour tenter de comprendre pourquoi, malgré l’indépendance, des incompréhensions et des blocages persistent ici et là-bas.
Et au-delà de l’Algérie, quels sont les obstacles aujourd’hui à l’accès des anciennes colonies à une véritable souveraineté?
Alors que les immigrés sont partout stigmatisés, le philosophe Etienne Balibar
[2] s’interroge sur la notion d’étranger. Une image totalement brouillée par la crise économique. Dans un article publié dans Télérama N°3197 le 20 avril 2011 et repris ci-dessous, le philosophe tente de répondre aux questions : qui est « notre » étranger ? a-t-il changé au cours du temps ? pourquoi est-il de plus en plus considéré comme un ennemi ?
Le hors-série Télérama Horizons N°4, Etrangers, une obsession européenne, disponible en kiosque, donne la parole sur ce thème à des historiens, philosophes, sociologues et écrivains.
Après sa carrière de footballeur dans l’équipe de France, Lilian Thuram s’est lancé dans la lutte contre le racisme. Aujourd’hui, il est l’organisateur de l’exposition « Exhibitions, l’invention du sauvage » qui retrace l’histoire de l’invention du racisme. L’exposition est visible jusqu’au 3 juin 2012, au musée du quai Branly, à Paris.
Le racisme est le fait de croire que certaines races sont supérieures à d’autres. Selon les personnes racistes, les races sont les différentes catégories d’êtres humains classés selon leurs origines. Or, cette classification n’a aucun sens car il n’existe qu’une seule race, la race humaine, dont la couleur de peau est définie par la mélanine (un pigment de couleur contenu dans notre corps).
Cette exposition met en scène l’histoire de femmes, d’hommes et d’enfants, venus d’Afrique, d’Asie, d’Océanie ou d’Amérique, exhibés en Occident à l’occasion de numéros de cirque, de représentations de théâtre, de revues de cabaret, dans des foires, des zoos, des défilés, des villages reconstitués ou dans le cadre des expositions universelles et coloniales. Un processus qui commence au 16e siècle dans les cours royales et va croître jusqu’au milieu du 20e siècle en Europe, en Amérique et au Japon.
A l’époque de ces exhibitions, plus de 1 milliard de personnes ont assisté à ces sinistres spectacles.
Depuis 2007, le préfet de l’Aisne et la municipalité de Villers-Cotterêts commémoraient, tous les 10 mai, la journée de l’esclavage et de son abolition : le général Dumas, né esclave à Saint-Domingue et père d’Alexandre Dumas, est inhumé dans la ville.
Cette année, la municipalité de Villers-Cotterêts n’organisera pas de commémoration, comme cela se faisait chaque année depuis 2007, a annoncé le nouveau maire Front national, Franck Briffaut. Ce dernier a déclaré percevoir cette commémoration « comme étant un peu à la mode, dans le cadre d’une auto-culpabilisation permanente, d’une culpabilisation systématique ».
C’est pourquoi, la LDH de Picardie, soutenue par plusieurs organisations nationales, appelle à un rassemblement le 10 mai 2014 à 11h à Villers-Cotterêts, devant la plaque en mémoire du général Dumas.
Manchester, Paris, Nice, mais également Istanbul, Bagdad, Kaboul ... les attentats terroristes aveugles soulèvent une émotion légitime considérable et sont à peu près unanimement condamnés. On peut se demander si cette violence ne répond pas à la violence inhérente au colonialisme ? Dans le texte ci-dessous, écrit en septembre 2014, en réaction aux décapitations médiatisées d’otages occidentaux par de soi-disant djihadistes, la fondation Frantz Fanon propose des éléments de réflexion sur cette question.
Quoi qu’il en soit, il ne faut pas que « chacun s’autorise du crime de l’autre pour aller plus avant ». Comme l’a écrit Albert Camus, « à cette logique, il n’est pas d’autre terme qu’une interminable destruction. [3] »
Points de repères et données historiques pour aborder le massacre perpétré à Charlie Hebdo
[4].
Benjamin Stora est Président du conseil d’orientation du Musée national de l’histoire de l’immigration.

Deux ans après la mort d’Adama Traoré, âgé de 24 ans, le 19 juillet 2016, lors de son interpellation à Beaumont-sur-Oise, sa sœur, Assa Traoré, continue le combat pour que la Justice établisse les responsabilités dans la mort de son frère. Adama est mort par asphyxie après avoir subi un plaquage ventral lors de son arrestation, écrasé par trois gendarmes, et pour n’avoir reçu ensuite aucune assistance médicale. Elle a écrit au président de la République.

par Françoise Vergès
Dans son ouvrage, « Un féminisme décolonial », publié en février 2019 aux éditions la Fabrique, la politologue Françoise Vergès, militante antiraciste et féministe, apporte une contribution aux débats qui divisent les mouvements féministes. Refusant la dérive d’un féminisme qui ignorerait les enjeux de l’antiracisme et pourrait inclure de l’islamophobie, elle déploie, à partir des luttes des femmes du Sud global, une critique radicale du « capitalisme racial ». Nous publions sa présentation par l’éditeur ainsi qu’un entretien réalisé par Rosa Moussaoui et publié par « l’Humanité ».

il ne faut pas invisibiliser
la question de la “race” »,
par Patrick Simon
Le démographe Patrick Simon estime, dans un entretien au « Monde », que malgré l’invalidation scientifique de la notion de « race », cette dernière continue à avoir une influence sur la vie de millions de personnes. Les discriminations ethniques et raciales ont paradoxalement gagné en importance. Selon lui, pour renverser les préjugés fondés sur la couleur de la peau et lutter contre le racisme, il ne faut pas invisibiliser la question de la « race ». Au contraire, il est urgent d’introduire la diversité dans nos représentations collectives.

et de leurs luttes
éclairée par d’importants travaux
Le mouvement antiraciste du printemps 2020, avec l’irruption de ce qu’on a appelé « la génération Adama », a suscité de nombreux articles de chercheurs et chercheuses montrant que ce mouvement populaire, loin d’être une « importation américaine », est l’héritier direct d’une histoire importante mais largement ignorée. L’histoire et la sociologie des immigrations postcoloniales en France, particulièrement celles des luttes antiracistes menées en leur sein, longtemps quasi inexistantes ou bien faites uniquement du point de vue des politiques migratoires et toujours très peu enseignées, ont pourtant fait l’objet, depuis la révolte des quartiers populaires de 2005, de travaux importants. Nous présentons ici quelques unes de ces publications, toutes disponibles en ligne, qui mettent en lumières trois temps forts principaux : 1973, 1983 et 2005.

par Rachida Brahim
La race tue deux fois, à paraître en janvier 2021 aux éditions Syllepse, fait l’histoire des crimes racistes postcoloniaux en France jusqu’en 2000. Il met au jour ce « long désastre qui sait taire sa source » et dont l’occultation à peu près complète permet un déni officiel persistant, comme l’actualité récente l’a montré. De la grande vague de violence de 1973 dans le sud de la France aux crimes policiers des années 1990 en passant par les crimes racistes jalonnant les années 1980, l’ouvrage de Rachida Brahim, issu d’une base de données de plus de 700 cas, nous invite à prendre la mesure de cette histoire à l’heure où le racisme institutionnel et l’action de la police continuent chaque année à être à l’origine de nombreux morts. Nous en publions ici l’introduction, la table des matières ainsi que le film de trois minutes où elle présente sa thèse.

« Vérité et justice pour Adama »
modifie le paysage antiraciste en France
La mort aux Etats-Unis de l’Afro-américain George Floyd, le 25 mai 2020, lors de son arrestation par un policier blanc, a suscité une vague d’indignation dans le monde. Le Comité Vérité et justice pour Adama Traoré, mort à 24 ans, en juillet 2016, sur le sol de la caserne de Persan (Val-d’Oise) à la suite d’une interpellation, a appelé le 2 juin à un rassemblement devant le tribunal de Paris auquel ont participé 20 000 personnes selon la Préfecture. Puis un autre le samedi 13 juin, place de la République à Paris, auquel se sont joints d’autres collectifs de familles de victimes de violences policières. Ci-dessous deux articles publiés peu après par le site Slate et le magazine Regards. Et l’annonce d’une rencontre avec le porte-parole de ce comité, Youcef Brakni, le 14 janvier 2021, par une section parisienne de la Ligue des droits de l’Homme pour s’interroger sur ce que ces mobilisations ont modifié dans le paysage antiraciste en France.