De 2007 à 2012
Le quotidien algérien de langue française L’Expression rapporte dans son édition du 1er avril 2007 d’importantes déclarations de l’ambassadeur de France en Algérie. Bernard Bajolet aborde les relations économiques [1],
et les rapports « humains » entre les deux pays. Vous trouverez ci-dessous ce qui concerne ces derniers : les relations culturelles, les rapports au passé et le problème des visas.
Observant que les mémoires se délient, l’ambassadeur n’hésite pas à déclarer que « [la] mémoire doit être partagée. Le plus grand chemin à faire est celui des Français, mais cela ne veut pas dire que les Algériens n’ont aucun chemin à faire. On a tout de même progressé. On n’est pas au bout du chemin. Il faut regarder l’histoire en face pour être en paix avec son passé et construire le futur. C’est par toute chose concrète que ce travail de mémoire doit se faire. Il faut qu’il n’y ait aucun sujet tabou entre l’Algérie et la France »
La lettre adressée le 16 avril dernier par Nicolas Sarkozy, candidat à la présidence de la République, à Denis Fadda, président du Comité de liaison des associations nationales de rapatriés (CLAN-R) [2], a beaucoup circulé pendant la campagne présidentielle du printemps 2007. Nous l’avions publiée sur ce site le 18 avril, précédée du commentaire ci-dessous.
Nicolas Sarkozy avait adressé le 6 avril une première lettre aux présidents des associations de rapatriés que vous trouverez plus bas
La lettre de Nicolas Sarkozy adressée le 16 avril dernier au président du Comité de liaison des associations nationales de rapatriés (CLAN-R) provoque de vives réactions, notamment en Algérie. L’entourage du candidat à l’élection présidentielle tente d’apaiser la polémique, sans toutefois revenir sur le contenu de cette lettre.
Vous trouverez ci-dessous successivement un article du Monde daté du 21 avril, la réaction d’El Watan du 21 avril, l’article du Monde daté du 22 avril, et, pour terminer, un extrait de l’entretien avec le premier ministre algérien publié dans Le Monde du 4 mai 2007.
Pour rallier, lors de sa campagne présidentielle, la partie de l’électorat la plus nostalgique de la colonisation, souvent proche de l’extrême droite, Nicolas Sarkozy a fait, dans ses discours et surtout dans ses déclarations et courriers à des associations de rapatriés d’Algérie, des références au passé colonial de la France en des termes souvent inquiétants. Il a laissé poindre une véritable relance de l’éloge de la « colonisation positive » que voulait imposer, avec les résultats que l’on connaît, la loi du 23 février 2005. En même temps, pour donner le change et éviter de provoquer les mêmes protestations que la loi en question, il s’est employé à démentir les interprétations que ses propos ont suscitées en France et en Algérie et a fait à des médias algériens des déclarations qui se veulent rassurantes.
Peu soucieux de cohérence, son langage s’est dédoublé et multiplié. Il a un langage pour les meetings, un autre, plus nettement « nostalgérianiste », réservé aux missives destinées à gagner les faveurs des nostalgiques de la colonisation, et même un troisième, « réservé à l’exportation », dévolu à des médias algériens soigneusement choisis, destiné, sans rien démentir du reste, à atténuer l’effet des précédents. Il est intéressant de rassembler les fils, pour faire apparaître les contradictions entre ces langages multiples, parfois simplement ambigus, parfois franchement choquants, mais qui suscitent les pires inquiétudes.
Nicolas Sarkozy reviendra en Algérie, début décembre, pour une visite d’Etat. C’est le principal résultat de sa visite éclair à Alger, mardi 10 juillet.
« Je n’ai pas fait la guerre d’Algérie. Je ne suis pas de cette génération sur laquelle pèse l’Histoire. Je viens ici ni pour blesser ni pour m’excuser [mais] en ami, avec la volonté de participer à une entente entre deux peuples souverains », a-t-il rappelé. Avant d’ajouter : « Nous voulons résolument nous tourner vers l’avenir. » Réalistes, les Algériens indiquent, en privé, avoir mis « entre parenthèses » la question du bilan de la colonisation et celui de la guerre d’Algérie. Mais certains n’hésitent pas à évoquer la réaction algérienne à la loi du 23 février 2005.
Ceci est la version réduite du texte établie par ses auteurs. Elle a été publiée dans L’Humanité le 25 septembre 2007.
Les deux historiens plaident pour une reconnaissance de responsabilités de la puissance publique française dans les traumatismes entraînés par la colonisation, qui ne ferait pas l’objet d’une loi établissant des responsabilités pénales
La Ligne Morice, constituée de barbelés et de mines, surveillée en permanence, a été construite à partir de juillet 1957, le long des frontières de l’Algérie avec le Maroc et la Tunisie. Sur 460 km de la frontière tunisienne et 700 km de la frontière marocaine, ces lignes étaient destinées à empêcher les infiltrations de combattants de l’Armée de libération nationale (ALN) à partir de la Tunisie ou du Maroc. Selon Alger, 3 millions de mines antipersonnelles sur les onze millions implantées par l’armée française lors de la guerre d’Algérie sont encore enfouies le long de ces frontières.
Il aura fallu attendre quarante cinq ans après la fin de la guerre d’Algérie, et neuf ans après sa ratification de la Convention d’Ottawa, pour que la France fasse ce geste !
Le cinquantième anniversaire de son prix Nobel donne lieu, de part et d’autre de la Méditerranée, à une course à l’instrumentalisation d’Albert Camus : les nostalgériques à Perpignan, le pouvoir algérien à Tipaza...
Nicolas Sarkozy, à la veille de son voyage en Algérie, déclare que, « grâce à Albert Camus », il a la nostalgie « de ne pas être né en Afrique du Nord ». Nous nous permettons de lui recommander de lire également l’excellent petit livre de Jean-Pierre Tuquoi dont nous reprenons une interview ci-dessous. Et nous lui suggérons, pour ne pas renouveler en Algérie le fiasco de Dakar, d’éviter de confier la rédaction de ses discours à Georges-Marc Benamou [3], dont l’ouvrage Un mensonge français. Retours sur la guerre d’Algérie a laissé un souvenir particulièrement calamiteux.
Après une rapide prise de contact en juillet dernier, le président Sarkozy arrivera lundi 3 décembre à Alger pour une visite d’Etat.
La lecture de la presse algérienne confirme que, comme l’écrivait l’éditorialiste du Monde du 1er décembre, « la pierre d’achoppement reste le fossé dans l’appréciation de l’histoire partagée entre les deux pays ». Est-il véritablement impossible, comme il l’affirmait, « d’arriver à une vision commune et lucide d’un passé qui lie la France et l’Algérie plus encore qu’il ne les divise » ?
Dans son premier discours prononcé à Alger, lundi 3 décembre 2007, devant des chefs d’entreprises français et algériens, Nicolas Sarkozy a dénoncé « le système colonial [...] profondément injuste, contraire aux trois mots fondateurs de notre République : liberté, égalité, fraternité. » Il a ajouté qu’il était « aussi juste de dire qu’à l’intérieur de ce système profondément injuste, il y avait beaucoup d’hommes et de femmes qui ont profondément aimé l’Algérie, avant de devoir la quitter ».
« Oui, des crimes terribles ont été commis tout au long d’une guerre d’indépendance qui a fait d’innombrables victimes des deux côtés », a-t-il poursuivi. « Et aujourd’hui, moi qui avais sept ans en 1962, c’est toutes les victimes que je veux honorer. »
Nicolas Sarkozy a fait un nouveau pas vers la reconnaissance de la colonisation française de l’Algérie en prononçant le mercredi 5 décembre à l’université Mentouri de Constantine un discours affirmant notamment que « les fautes et les crimes du passé furent impardonnables »
et que « ce système ne pouvait être vécu autrement que comme une entreprise d’asservissement et d’exploitation ». Au-delà de certaines ambiguïtés et omissions, il est en contradiction avec l’ensemble des discours de campagne du candidat Sarkozy. A quel Sarkozy se fier, celui de Constantine ou celui de Nice et Toulon ?
Pour l’article du journal algérien El Watan du 6 décembre que nous reproduisons ci-dessous, ce déplacement en Algérie du président français laisse une impression
d’inachèvement et d’ambiguïté. La LDH n’attend certes pas de Nicolas Sarkozy qu’il revête une robe de bure. Mais elle demande, comme la pétition qu’elle soutient, que les plus hautes autorités de la République française reconnaissent publiquement « l’implication première et essentielle de la France dans les traumatismes
engendrés par la colonisation en Algérie ». On ne pourra tourner cette page qu’après l’avoir écrite. L’écrire implique aussi, du côté algérien, la levée de nombreux tabous sur la manière dont la guerre d’indépendance a été conduite, en particulier les violences internes au camp nationaliste et à l’encontre de diverses populations civiles – un sujet
qui n’est pas abordé dans cet article.
Benjamin Stora a consacré sa chronique du 27 décembre 2007, à 11h54, sur France Culture, à un “retour sur le voyage de Nicolas Sarkozy à Alger” — du 3 au 5 décembre 2007.
Le fonds « images » de la télévision algérienne s’enrichit. L’Entreprise publique nationale de télévision hérite officiellement des archives cédées par l’Institut français de l’Audiovisuel (INA). Un patrimoine de 400 heures d’images vivantes tournées entre la Seconde Guerre mondiale et l’indépendance de l’Algérie. Avant de partir pour une visite de deux jours à Alger, le président de l’INA, Emmanuel Hoog, évoque les projets de coopération entre l’INA et la télévision algérienne.
Alain Marleix a effectué les 21 et 22 mars 2008 à Alger une visite qui avait été programmée avant le changement de ses fonctions au sein du gouvernement français [4].
A cette occasion le quotidien algérien Liberté a publié une longue interview de celui que le journal qualifie de « représentant personnel du président Nicolas Sarkozy ».
En 2005, l’ambassadeur Hubert Colin de Verdière avait qualifié la répression des manifestations du 8 mai 1945 de « tragédie inexcusable ». Puis, en décembre 2017, à l’Université de Constantine, Nicolas Sarkozy avait qualifié d’« impardonnables » « les fautes et les crimes du passé » colonial français en Algérie. Dans un discours prononcé à Sétif, le 27 avril 2008, Bernard Bajolet, ambassadeur de France en Algérie, reconnaît la « très lourde responsabilité des autorités françaises de l’époque » dans les massacres du 8 mai 1945. Nous reprenons ci-dessous l’essentiel de l’intervention de l’ambassadeur.
Guerre d’indépendance, conflits de mémoire et séquelles postcoloniales, guerre civile algérienne, luttes intestines… des deux côtés de la Méditerranée les effets des combats n’en finissent pas, comme les répliques des tremblements de terre. Les rapports entre l’Algérie et la France sont ensanglantés, passionnés et durablement marqués par une conflictuelle proximité.
Dans son dernier ouvrage [5], Benjamin Stora, historien spécialiste de l’histoire du Maghreb, associe une analyse des rapports entre la France et l’Algérie à une réflexion sur l’écriture de l’histoire et l’engagement de l’historien. Dans l’extrait ci-dessous, il évoque « la responsabilité de l’historien entre écrire l’histoire, et éviter que [cette écriture] serve à fabriquer des vengeances ».
La nécessité d’« une véritable reconnaissance des crimes coloniaux » a été à nouveau mise en évidence en mai 2009, à l’occasion de deux colloques consacrés aux massacres de Sétif, Guelma et Kherrata, qui se sont déroulés à Paris puis à Guelma. « On ne peut pas évoquer les droits de l’Homme au sujet du massacre des Arméniens en Turquie, et en même temps refuser de reconnaître les crimes dont on assume soi-même la responsabilité », a notamment déclaré l’historien Gilles Manceron.
Lors de la réunion du G8 à l’Aquila, le président libyen a demandé à la France d’indemniser son ancienne colonie, l’Algérie, en suivant l’exemple de l’Italie qui avait présenté, l’an dernier, ses excuses à la Libye et proposé une indemnisation. « Cela ferait de vous un grand président », a-t-il lancé à l’intention de Nicolas Sarkozy. [6]
François Gèze, directeur des éditions La Découverte et membre d’Algeria-Watch, nous a adressé ce texte, initialement publié, le 14 septembre 2009, sur le site Mediapart.
Il revient sur l’assassinat en 1996 des sept moines de Tibéhirine, et notamment sur l’implication directe des services algériens dans cette affaire.
Patrimoine d’une société, les cimetières participent à la mémoire et à l’histoire de l’humanité. Le respect des lieux construit le lien entre les groupes qui ont pu s’affronter et qui tiennent à léguer à leurs enfants un avenir partagé de paix et d’amitié.
L’historienne Claire Mauss-Copeaux rend compte de ses visites de plusieurs cimetières chrétiens en Algérie.
Faute d’avoir jusqu’à présent accepté de l’assumer, la France se trouve maintenant violemment confrontée à son passé colonial en Algérie : un projet de loi visant à « juger les responsables de crimes coloniaux » a été récemment déposé au Parlement algérien – réplique tardive à l’article 4 de la loi française du 23 février 2005 qui décrétait « le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord ».
La proximité des élections régionales explique sans doute l’émotion manifestée par Thierry Mariani, député UMP du Vaucluse et tête de liste de l’UMP pour les élections régionales en PACA, qui a refusé mardi matin 9 février de voter en faveur de la ratification d’une convention de partenariat avec l’Algérie signée il y a deux ans [7]. L’après-midi du même jour, à l’occasion d’une séance de questions au gouvernement, Hubert Falco, secrétaire d’Etat aux anciens combattants, répondait aux inquiétudes de Thierry Mariani, en célébrant une fois encore les vertus d’une Fondation pour la mémoire de la guerre d’Algérie ...
Il y a cinq ans, les parlementaires français votaient la loi du 23 février 2005 « portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés », dont un article reconnaissait « le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord » – une disposition abrogée un an plus tard.
Une centaine de leurs homologues algériens ont déposé le 13 janvier une proposition de loi visant à « criminaliser » la colonisation française : « Nous envisageons de créer des tribunaux spéciaux pour juger les responsables de crimes coloniaux ou de les poursuivre devant les tribunaux internationaux », a expliqué un député algérien. Une initiative jugée « particulièrement inquiétante », « incompréhensible » et même « outrancière » par Hubert Falco, secrétaire d’Etat aux Anciens combattants.
La philosophe et politologue, Seloua Luste Boulbina, chercheuse associée à l’Université de Paris VII, analyse la polémique suscitée en France [8].
Quarante-huit ans après l’indépendance, l’instrumentalisation des souffrances de la guerre d’Algérie continue à entretenir la “guerre des mémoires”. Dans une tribune récemment publiée dans Le Monde, Georges Morin, président du Réseau des villes françaises partenaires de villes algériennes, rappelle que le peuple algérien garde, « au sein de chaque famille, les souvenirs amers de la conquête, de la colonisation et de la guerre de libération ». Il demande « pourquoi l’Etat français, au plus haut niveau, ne pourrait-il reconnaître, avec des mots simples, forts et dignes, sa responsabilité historique dans les malheurs qu’a entraînés, pour le peuple algérien, l’occupation injustifiable, le système colonial inique et les répressions impitoyables qui ont jalonné les 132 ans de sa “présence” outre-Méditerranée ? » [9]
Georges Morin poursuit : « Ce n’est pas aux Français de 2010, qui ne sont “coupables” de rien, d’en porter le poids et d’exprimer une quelconque repentance. C’est encore moins aux Français d’Algérie de le faire, alors qu’ils sont des victimes évidentes de cette histoire tragique. C’est à l’Etat français d’assumer son héritage. » Et il rappelle que Jacques Chirac était sorti grandi de la reconnaissance en 1995 de la responsabilité de l’Etat dans la rafle du Vél’ d’hiv.
A la suite d’un article de Noureddine Saâdi, professeur de droit, qui appelle également la France à « [reconnaître] solennellement les crimes commis contre les peuples colonisés », nous reprenons ci-dessous un reportage sur le voyage récent en Algérie d’une délégation de l’Association des anciens appelés en Algérie contre la guerre [10] qui depuis de nombreuses années contribue à la reconstruction de ce qui a été détruit, renouant ainsi des liens avec l’autre rive de la Méditerranée.
Le dépôt d’une proposition de loi criminalisant le colonialisme français a été annoncé début février par un député FLN, Moussa Abdi, professeur d’histoire à Chlef. Ce texte aurait été remanié à plusieurs reprises ces dernières semaines et on ne sait toujours pas si le gouvernement algérien a décidé de l’inscrire au programme de l’Assemblée.
Pierre Puchot en publie une version sur le site Mediapart ainsi qu’une analyse par Benjamin Stora pour qui ce texte marque un durcissement
dans les rapports entre Paris et Alger [11].
Après avoir subi de profondes modifications par rapport à sa version initiale, il semble que la proposition de loi incriminant le colonialisme français, annoncée début février par le député FLN Moussa Abdi, ait été abandonnée. D’après le président de l’assemblée algérienne, elle n’est pas inscrite à l’ordre du jour de la session actuelle et ne le sera probablement pas de la session suivante.
Abdelaziz Ziari a toutefois tenu à rappeler que l’Algérie reste « ferme sur sa position » et exige du colonisateur français de « reconnaître ses crimes commis dans ses anciennes colonies, en particulier l’Algérie ».
Interrogé sur la difficulté de « solder le passé entre la France et l’Algérie », l’historien Mohammed Harbi avait rappelé que « l’essentiel, c’est la responsabilité historique de l’État français par rapport à la colonisation ». « Il y aurait certainement moins de crispation entre les deux pays si la France reconnaissait simplement cette responsabilité historique. »
Il y a 48 ans, le 18 mars 1962, étaient signés les accords d’Évian. Ils comprennent deux parties :
un accord de cessez-le-feu, dont l’application était fixée au lendemain, le 19 mars 1962 à midi, et des déclarations portant notamment sur la période de transition [12].
Le cessez-le-feu officiel ne marqua malheureusement pas la fin des combats, et cette guerre devait faire encore de très nombreuses victimes civiles ou militaires au cours des mois qui ont suivi. L’indépendance de l’Algérie sera proclamée le 5 juillet, après 132 ans de “présence” française.
Dans un entretien publié dans le quotidien algérien El Watan, l’historien Mohammed Harbi tente d’expliquer pourquoi les Etats français et algérien ne parviennent toujours pas à dialoguer sereinement de leur passé commun.
« Chaque famille vivant en Algérie a des proches vivant en France, avec la nationalité algérienne ou avec la nationalité française. Ces proches, ce sont des cousins, des neveux mais souvent des fils, des filles, des parents, des conjoints aussi. Le mouvement naturel dans ces conditions serait de pouvoir aller et venir, s’installer de ce côté-ci pour un temps ou pour la vie, repartir, revenir. Mais voilà, ici ils sont étrangers, alors il leur faut un visa pour entrer, et un titre de séjour pour rester. » [13]
La Cimade vient de publier les résultats d’une enquête sur les pratiques en matière de délivrance des visas des consulats de France dans six pays – Mali, Maroc, Sénégal, Ukraine, Turquie et Algérie. C’est en Algérie que le taux de refus de visas est le plus élevé – la Cimade le qualifie de « faramineux ».
Nous reprenons ci-dessous la partie de ce rapport consacrée à l’Algérie [14] où la mission d’observation s’est rendue du 12 au 23 octobre 2009 pour se pencher sur les pratiques des trois consulats de France (Alger, Annaba et Oran). Concernant la privatisation de certains services, désignée ci-dessous par le terme d’externalisation, on pourra se reporter à cette autre page.
« Il faut regarder notre passé commun en face » a déclaré Alain Juppé lors de sa visite à Oran le 17 juin dernier. Et notre ministre des Affaires étrangères, citant le discours de Nicolas Sarkozy à Alger le 3 décembre 2007, a poursuivi en évoquant « le caractère injuste de la colonisation et les maux qu’il a engendrés [15] ». Comme on aimerait que de telles déclarations ne soient pas réservées à un public algérien ...
Il s’en est fallu de peu que cette déclaration soit faite le jour même de l’annonce de la découverte de restes humains des victimes des enfumades des grottes du Dahra organisées par le colonel Pélissier les 18 et 19 juin 1845.
Il est peu probable qu’Alain Juppé ait eu présent à l’esprit ce sinistre épisode du temps de la conquête, quand il a déclaré à Oran « nous ne sommes pas près d’aller à la repentance [1] ». Effectivement, le mot “repentance” a une connotation religieuse qui le rend impropre. Mais un geste, une déclaration forte s’imposeraient pour mettre enfin à distance cet héritage colonial qui empoisonne encore, cinquante ans après, les relations entre la France et l’Algérie. Combien de temps faudra-t-il encore attendre pour que les plus hautes autorités de la République française reconnaissent publiquement l’implication première et essentielle de la France dans les traumatismes engendrés par la colonisation en Algérie ? Et pour mettre un terme au contentieux historique qui continue à opposer les deux pays ?