Depuis 2012

publié le 10 juillet 2020
France-Algérie, la mémoire lourde, par Gérard Courtois

Publié dans l’édition du 23 octobre 2012 du quotidien Le Monde.

 
Brahim Senouci : Algérie-France, quelle réconciliation ?

Il y a douze ans, Brahim Senouci, universitaire, écrivain et journaliste, appelait la France à reconnaître « cette zone d’ombre que constitue son passé colonial ».

Aujourd’hui, déplorant que cette parole française ne soit pas encore venue, il appelle François Hollande à prononcer des mots, « pas ceux de repentance ni d’excuses, mais de reconnaissance et d’engagement à en finir avec la matrice culturelle qui a permis [...] de commettre l’horreur » : une vision qui « cantonne les trois-quarts de l’humanité dans une altérité et une infériorité irréductibles ».

 
Des cadeaux diplomatiques qui font des vagues

Les conseillers de François Hollande sont en quête de cadeaux chargés d’une forte valeur symbolique que le président français pourrait offrir à l’Algérie lors de son prochain voyage officiel.

Le fameux canon, dénommé “Baba Merzoug” par les Algériens et “La Consulaire” par les Français, a été évoqué, mais la Marine française semble très attachée à ce trophée de guerre. Des clés, de la ville d’Alger ou de sa casbah, ont été envisagées, mais étant des “biens culturels publics” elles sont inaliénables – dans son édition du 30 novembre 2012, La Tribune de l’art rappelle l’épisode des manuscrits coréens et proteste d’avance contre un dessaisissement éventuel [1].

[16 décembre 2012] – D’après l’édition du 14 décembre 2012 de La Tribune de l’Art, les clés d’Alger resteraient au musée de l’Armée, et Baba Merzoug ne bougerait pas de l’Arsenal de Brest.

D’après ce magazine, le choix de François Hollande se porterait sur un petit tableau de Gustave Courbet (une Vierge à l’enfant), dérobé en 1985 et qui a été retrouvé en France. La remise de ce tableau au Musée Zabana d’Oran n’aura évidemment pas la même charge symbolique...
Difficile pour une nation qui a été à la tête d’un “Empire” de se dépouiller des traces de son passé “glorieux”.

[Mis en ligne le 5 décembre 2012, mis à jour le 16]


 
Les pensions des anciens combattants algériens de l’armée française

Près de 30 000 citoyens et résidents algériens ont déjà demandé à la France leur « carte du combattant » qui ouvre droit à la « retraite du combattant ». Pour y avoir droit, la première condition est d’avoir pris part à une guerre – éventuellement la guerre d’Algérie – au sein de l’armée française... Voir ci-dessous des informations à ce sujet.

La France doit assumer son passé, tout son passé !
« Il est des dettes qui ne s’éteignent jamais » (Nicolas Sarkozy)

[Mis en ligne le 15 décembre 2012, mis jour le 21 ]


 
Pour Benjamin Stora, “la relation franco-algérienne reprend”

Le 19 mars dernier, jour anniversaire du cessez-le-feu qui a suivi les Accords d’Evian de 1962, François Hollande, alors candidat à l’élection présidentielle, écrivait dans une tribune publiée dans les quotidiens Le Monde et El Watan : « Nous avons tant de choses utiles et belles à faire dans une même perspective. Celle du respect mais aussi du dépassement. »

À la veille du voyage officiel en Algérie de François Hollande, président de la République, l’historien Benjamin Stora exprime l’attente qui se manifeste de part et d’autre de la Méditerranée

 
Trois appels à l’occasion du voyage de François Hollande en Algérie

À la veille du voyage officiel de François Hollande en Algérie, plusieurs appels sont lancés pour que s’ouvre une ère nouvelle dans les relations entre la France et l’Algérie.

Des historiens et des intellectuels français qui avaient été à l’initiative il y a cinq ans d’un appel pour dépasser le contentieux historique entre les deux pays [2], le cercle Nedjma, ainsi que des responsables de différentes organisations des droits de l’homme, s’expriment dans le même sens. Ils saluent les condamnations par la France des massacres du 8 mai 1945 et du 17 octobre 1961, et ils attendent une reconnaissance publique de la responsabilité historique de l’État français dans les traumatismes engendrés par la colonisation.

Ils soutiennent également les aspirations à la justice et à la démocratie qui se manifestent dans l’Algérie d’aujourd’hui afin de favoriser son évolution vers un État de droit respectueux des libertés.

 
Hollande reconnaît les souffrances infligées par la colonisation et dénonce le système colonial

Jeudi 20 décembre 2012, au deuxième jour de sa visite d’Etat en Algérie, François Hollande a déclaré devant les parlementaires algériens, reconnaître « les souffrances que la colonisation a infligées au peuple algérien ». Parmi ces souffrances, il a cité « les massacres de Sétif, de Guelma et de Kherrata » qui « demeurent ancrés dans la mémoire et dans la conscience des Algériens ».
« Pendant 132 ans, l’Algérie a été soumise à un système profondément injuste et brutal », a-t-il lancé, aux parlementaires algériens, qui l’ont applaudi. « Ce système a un nom : c’est la colonisation ».

François Hollande avait affirmé la veille qu’il n’était pas venu en Algérie « faire repentance ou excuses », mais pour « dire ce qu’est la vérité, ce qu’est l’histoire ». Il est revenu sur cette déclaration devant les parlementaires algériens : « Connaître, établir la vérité c’est une obligation, elle lie les Algériens et les Français. C’est pourquoi il est nécessaire que les historiens aient accès aux archives » : « La paix des mémoires à laquelle j’aspire repose sur la connaissance et la divulgation de l’histoire ».

Après son discours devant le parlement algérien, François Hollande, accompagné par le premier ministre, Abdelmalek Sellal, s’est rendu place Maurice-Audin à Alger pour se recueillir à la mémoire de ce jeune militant de l’indépendance de l’Algérie, arrêté par les parachutistes lors de la bataille d’Alger et mort sous la torture en juin 1957.

 
L’Algérie d’hier à aujourd’hui : quel bilan ?

Colloque organisé par le Forum de Solidarité Euro-Méditerranéenne (FORSEM)
en partenariat avec l’ENS de Lyon, vendredi 5 avril 2013 de 9h à 21h.
École Normale Supérieure Lyon, 15 parvis René Descartes, 69007 Gerland, Salle F 08 (Métro B, station Debourg). Information : contact@forsem.fr

Le FORSEM est une association fondée par des militants associatifs et des universitaires solidaires des soulèvements populaires dont certains pays de la rive sud de la méditerranée sont le théâtre depuis 2010 ; des soulèvements qui ont conduit aux renversements de chefs d’État et de régimes que l’on croyait jusqu’alors inamovibles, à commencer par Benali (Tunisie), Moubarak (Égypte), Ali Abdullah Saleh (Yémen), Kadhafi (Libye).

 
l’Algérie sera présente aux cérémonies du 14 juillet

Pour la première fois, l’Algérie participera cette année aux cérémonies du 14 juillet. Trois militaires algériens seront présents lors d’une animation initiale sur la place de la Concorde, mais « il n’y aura pas de défilé », a précisé le ministère de l’Intérieur.

80 pays ayant participé à la première guerre mondiale ont été invités. L’Algérie est l’un d’eux : sur les 175 000 Algériens mobilisés de 1914 à 1918 on compte 35 000 tués ou disparus et 72 000 blessés [3]. L’invitation est tout à fait légitime mais elle n’est pas du goût du FN qui dénonce une « provocation indigne ». Un collectif « Non au défilé des troupes algériennes le 14 juillet 2014 » est en cours de création, avec le député FN Gilbert Collard et le vice-président du parti, Louis Aliot.

 
L’Algérie participera bien aux cérémonies du 14 juillet 2014

Le ministre algérien des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, a confirmé le 6 juillet la participation de l’Algérie au défilé du 14 Juillet à Paris pour commémorer le centenaire de la Première Guerre mondiale. « L’Algérie participera [...] dans les mêmes conditions que quatre-vingts autres nations dont des citoyens sont tombés sur les champs de bataille de la Première Guerre mondiale, à la manifestation prévue à Paris à cet effet », a-t-il précisé.

Une participation qui soulève des vagues en France — l’extrême droite ayant lancé une campagne de protestation — et qui, d’autre part, divise les Algériens. Dans une chronique intitulée « 14 Juillet “algérien” : geste audacieux, raisons douteuses » publiée le 10 juillet dans Le Quotidien d’Oran, Kamel Daoud note que « le régime a tellement instrumentalisé l’histoire de la guerre d’indépendance que sa décision de “défiler là-bas” heurte ».
 [4]

Ci-dessous quelques éléments d’information sur la participation des Algériens à la Première Guerre mondiale.

 
Guerre d’Algérie : la justice française étend l’accès aux pensions d’invalidité

La justice française a jugé, pour la première fois, que les victimes civiles de violences pendant la guerre d’Algérie pouvaient prétendre à une pension qu’elles aient été françaises ou algériennes à la date du 31 juillet 1963.
Jusqu’à présent, il fallait être de nationalité française au moment de la promulgation de cette loi du 31 juillet 1963 pour pouvoir bénéficier d’une pension d’invalidité en tant que victime civile d’un attentat ou de violences pendant la guerre d’Algérie (1954-1962).

« La différence de situation instaurée par cette loi entre des victimes civiles de nationalité française ou algérienne ne justifie pas une différence de traitement au regard de l’objet des pensions », écrit la cour d’appel de Toulouse dans un arrêt rendu le 19 novembre dernier.
Dans son arrêt, la cour régionale des pensions militaires de Toulouse conclut qu’un homme aujourd’hui âgé de 71 ans, blessé par balle en 1960 dans la ville de Mostaganem à l’âge de 17 ans, est « en droit de réclamer une pension », en application de la loi du 31 juillet 1963, même s’il n’a obtenu la nationalité française qu’en 2005.

Il est encore trop tôt pour évaluer l’étendue des conséquences de cette décision. Le ministère de la Défense peut se pourvoir en cassation contre cette décision.

 
Algérie-France : vers un partenariat exemplaire ?

La session du Comité intergouvernemental de haut niveau algéro-français qui s’est tenue à Paris les jeudi 4 et vendredi 5 décembre a débouché sur de nombreux accords. On est frappé, à la lecture du communiqué conjoint [5], par la volonté des deux délégations – la délégation algérienne était conduite par le Premier ministre Abdelmalek Sellal – de rester au niveau humain. Il a été par exemple question d’améliorer la circulation des personnes entre les deux pays [6], de l’indemnisation des Algériens victimes des essais nucléaires français [7], des problèmes des enfants issus de couples mxtes ... Espérons que ces décisions ne resteront pas à l’état d’intentions.

Il a été notamment décidé (c’est le point 18) de « faciliter la recherche et l’échange d’informations pouvant permettre la localisation des sépultures de disparus algériens et français de la guerre d’indépendance. » [3b]

 
Visite en France du ministre algérien des moudjahidine

Une première du genre depuis l’indépendance de l’Algérie en 1962 : le ministre algérien des Moudjahidine est attendu en France mardi 26 janvier 2016, à l’invitation du secrétaire d’État français aux anciens combattants.

La visite sera consacrée à trois importants dossiers, a-t-il révélé ce dimanche à Alger : les archives, les disparus pendant la Révolution et la question relative aux victimes des essais nucléaires dans le Sahara. L’Algérie ne « renoncera pas aux revendications relatives à la récupération des archives inhérentes aux différentes révoltes populaires contre l’occupant français », selon le ministre dont les propos ont été rapportés par l’agence APS.
« Il est temps de traiter ces dossiers de manière responsable », a-t-il ajouté. [8]

Par ailleurs, relevant l’évolution du discours des politiques français par rapport au passé colonial de la France et les gestes effectués par certains responsables, Tayeb Zitouni a indiqué que le « règlement des dossiers en
suspens passe avant la demande d’excuses
 » [9].

 
Les binationaux sont devenus des étrangers de chaque côté de la Méditerranée

Depuis plusieurs semaines, des associations et des intellectuels algériens dénoncent « l’offense » et « l’injustice » qui est faite aux Algériens binationaux à travers le nouvel article 51 de la Constitution algérienne qui dispose que « la nationalité algérienne exclusive est requise pour l’accès aux hautes responsabilités de l’Etat et aux fonctions politiques ».

Des huit députés qui représentent la diaspora algérienne dans le monde, seuls deux ont boycotté la nouvelle Constitution. Un [constat] qui a provoqué la colère des Algériens résidant à l’étranger, surtout en France, qui contestent les articles 51 et 73. Chafia Mentalecheta, députée de la zone 1 en France, qui a boycotté le scrutin, revient sur cette polémique.
 [10]

 
Forte inquiétude des Algériens devant le projet de déchéance de nationalité

Les débats se poursuivent en France autour de l’inscription dans la constitution de la déchéance de la nationalité pour les crimes et délits en rapport avec le terrorisme.

Côté algérien, c’est l’article 51 de la nouvelle constitution qui est mis en cause. Il stipule en effet que « la nationalité algérienne exclusive est requise pour l’accès aux hautes responsabilités de l’Etat et aux fonctions politiques  ». Le champ d’application de cet article pourrait englober des postes dans la magistrature, la police, l’éducation et bien sûr l’armée, et les binationaux ne pourraient probablement plus se présenter aux élections parlementaires et locales. D’où les protestations des binationaux algériens, en particulier en France, où résident environ 2 millions d’entre eux, sur un total avoisinant 7 millions.


Nous reprenons ci-dessous, avec son autorisation, un article paru sur le site de l’association 4acg des Anciens des appelés en Algérie et leurs amis qui aborde ces problèmes

 
Le rétablissement de relations apaisées entre France et Algérie est conditionné par la reconnaissance du passé colonial

Dans son édition du 3 mai 2017, le quotidien algérien El Watan revient sur les rapports entre la France et l’Algérie.

Le journal publie en effet un article intitulé « Les massacres du 8 Mai 1945 s’invitent dans la présidentielle française », suivi d’une interview de l’historien Gilles Manceron [11]. L’historien déclare notamment que « la reconnaissance est une condition au dépassement du passé colonial et au rétablissement de relations apaisées entre les deux pays »

 
Des médias algériens attentifs aux demandes des historiens aux autorités françaises pour l’ouverture des archives

Certains médias algériens portent une grande attention aux demandes des historiens adressées aux autorités françaises pour l’ouverture des archives et la reconnaissance des crimes de l’armée française en Algérie. Ci-dessous l’entretien avec l’historienne Sylvie Thénault publié le 24 décembre 2019 par El Watan et l’émission de la radio Alger Chaîne 3 avec Gilles Manceron à l’occasion de sa venue en 2018 au Salon du livre d’Alger. Cette attention n’est pas toujours partagée, comme on peut le voir dans un article du Quotidien d’Oran du 26 janvier 2020, à propos des nouvelles déclarations d’Emmanuel Macron sur le passé colonial de France et la colonisation de l’Algérie tenues dans l’avion qui le ramenait de Jérusalem à Paris dans la nuit du 23 au 24 janvier 2020.

 
Un message de Bouteflika appelle en 2017 la France à « reconnaître les vérités de l’Histoire »

A l’occasion de la « fête de l’Indépendance et de la Jeunesse » marquant le 55e anniversaire de l’indépendance, le président algérien Abdelaziz Bouteflika a adressé un message à la Nation [12]. Il y évoque notamment les relations de son pays avec la France et rappelé que le peuple algérien « exige toujours une reconnaissance de ses souffrances de la part du colonisateur d’hier, la France. »

 
Le rapatriement légitime et important en Algérie des restes de résistants du XIXème siècle

La France a restitué à l’Algérie le 3 juillet 2020 les crânes de 24 résistants morts au XIXe siècle en luttant contre la colonisation française. Ci-dessous les articles du quotidien El Watan relatant la cérémonie officielle qui a marqué leur retour et expliquant aussi le combat des citoyens algériens qui, pendant près de dix ans, se sont adressés aux autorités algériennes pour qu’elles demandent cette restitution. Nous reprenons aussi le récit que le professeur Rachid Belhadj, président du Comité chargé de ce rapatriement, a fait au quotidien Liberté, et les réponses de l’historien Gilles Manceron aux questions de Hassina Mechaï, du Middel East Eye, sur le contexte de cette restitution et la nécessité pour la France de reconnaitre son passé colonial.