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À la Une de Var matin le 15 novembre 2014

Scènes de “lynchage” en gare de Toulon

De graves incidents, s'apparentant à un “lynchage”, se sont déroulés en gare de Toulon, mardi 4 novembre dernier à l'encontre d'un voyageur soupçonné de ne pas posséder de titre de transport valide. – “Lyncher” : exécuter sommairement, sans jugement régulier et par une décision collective, un criminel ou supposé tel 1.
Si vous avez été témoin d'une partie de ces événements, merci de contacter la LDH de Toulon : par téléphone au 06 21 63 40 88, ou par mail : ">.
La victime a saisi la justice, et votre témoignage peut être important pour établir la vérité. Vous trouverez ci-dessous l'article que La Marseillaise a consacré à ces événements dans son édition du 14 novembre dernier, suivi du dossier publié dans Var matin le 15 novembre 2014. Complément – Au cours de l'émission Les Pieds sur Terre du 2 février 2015, France culture a diffusé l'entretien suivant avec Birame :

[Page mise en ligne le 15 novembre 2014,
le complément ci-dessus a été ajouté le 6 février 2015]


Comment tout peut dérailler dans un train d’enfer

par Thierry Turpin, La Marseillaise du 14 novembre 2014

Contrôle au faciès ou préjugés sociaux. Quand les a priori négatifs alimentés par la rumeur débouchent sur un mouvement de foule hostile.

Birame S., 41 ans, raconte la mésaventure dont il a été victime le 4 novembre dernier en gare de Toulon. C’est dans un premier temps la Ligue des Droits de l’Homme qui nous alerte. Avec pour les militants associatifs plus qu’une simple conjonction de faits malencontreux qui auraient dégénéré. La couleur de peau de monsieur S. ayant vraisemblablement alimenté des fantasmes… Ces derniers aboutissant au passage à l’acte. Donc ici, les faits tels qu’ils ont été vécus par la victime dont le témoignage est appuyé par un défenseur des Droits de l’Homme.

« Je suis un utilisateur quotidien de la SNCF, depuis 2006, sur le parcours Toulon-Marseille, dans le cadre de mon travail de salarié de la Mission locale de Marseille », explique l’infortuné conseiller en emploi et formation de la structure associative. II bénéficie pour ces allers-retours journaliers d’un abonnement salarié annuel. Le voilà donc prêt à embarquer comme tous les jours ce matin du mardi 4 novembre 2014 : «Le train express de 7h46 que je voulais prendre est supprimé, il me faut prendre celui de 7h51» raconte-t-il. Un mouvement de grève perturbe en effet ce jour-là le trafic. « Je m’achemine alors vers le quai, à vive allure…» Un entrain qui est vite réfréné par un barrage flltrant qui contrôle les titres de transport dans le passage souterrain. « Parmi de nombreux voyageurs, on me demande mon billet sans les civilités d’usage ; je soumets ma carte d’abonnement, qui m’est rendue et je cours vers le quai – il est alors 7h50. Lorsque j’entends crier : “Revenez; revenez, c’est octobre et pas novembre…” » Certainement déjà
agacé, Birame S. dit alors agiter sa carte au bout de son bras, en répondant que « Non ! » il s’agit bien de sa carte de novembre et que de plus il est « sur un abonnement annuel salarié depuis des années. » Et c’est comme ça que tout commence. Il finira jeté hors du train avec ses affaires, les lunettes cassées et extrêmement. choqué.

Pour l’heure, il embarque. «“ Ma poursuivante” me rejoint dans le wagon, m’intime l’ordre de descendre… »

Ce coup-ci, c’en est trop. Il veut connaître le motif. « II m’est répondu que je n’ai pas de titre de transport valide et que dans tous les cas je dois “dégager” en me tutoyant. Ma carte d’abonnement, toujours en main, j’invite le contrôleur à la vérifier… » L’engrenage est en place : le contrôleur prévient ses collègues restés à quai, « à voix suffisamment forte pour être entendu des passagers, que le train ne partira pas tant que je n’en serai pas descendu et qu’il fait appel aux forces de police si besoin ».

Civisme, quand tu me tiens

Résultat : les voyageurs – toujours plus prompts à houspiller le resquilleur potentiel qu’à se porter solidaire d’un citoyen en prise avec un représentant de I’autorité – le prennent alors à partie. « Deux d’entre eux essaient de me convaincre de descendre du train, évoquant la nécessité de prendre le train à l’heure pour être au travail. Je leur réponds aussi que je suis dans la même situation…» « Eh garçon on va arrêter maintenant de discuter; tu descends ! », l’apostrophe un voyageur en costume. «Pardon, ne me parlez sur ce ton, et surtout arrêtez monsieur de me tutoyer », répond Birame. « Descends maintenant ! Ou je te descends du train par tous tes moyens», lui rétorque aimablement le bonhomme qui se targue d’avoir fait dix ans de forces spéciales. Le ton monte, la rumeur et la bêtise font le reste. On parle alors d’un voyageur sans titre de transport qui aurait forcé le passage.

Une carte tricolore lui est présentée… Puis tout s’emballe. « Je ne sais combien de bras, de mains m’empoignent, de visages m’entourent, je crie au scandale , dans un indescriptible désordre et de brouhaha, je suis sorti et jeté du wagon manu militari.»

Il essaiera en vain de changer de wagon mais les agents de sécurité lui bloquent à présent le passage. Sûr de son bon droit il continue de souligner l’évidence, et qu’il est bien titulaire d’un titre de transport, valide. On lui réplique alors qu’on sait bien comment il se l’est procuré : «Avec l’argent de nos impôts. » Les insultes venant appuyer les propos racistes. Insultes auxquelles, excédé, il finira par répondre. Résultat : arrestation, fouille au corps, audition. Il sort du commissariat. Il est 10h30.

Du côté du service communication de la SNCF, c’est une tout autre version qui nous est donnée spontanément lors de notre appel. Il suffit d’ailleurs d’évoquer l’événement du 4 novembre en gare de Toulon pour obtenir une réponse.

L’entreprise publique évoque pour sa part un passage en force de l’usager lors du contrôle des billets dans le souterrain ainsi que le refus de présenter plus tard son titre de transport au contrôleur Ce dernier aurait déposé plainte pour outrage suite à l’échange de bons mots qui aurait fait suite. En revanche, la SNCF confirme l’intervention d’un tiers en ces termes : « Un client excédé serait intervenu pour le faire descendre du train. » Le client en question serait l’énergumène présenté au-dessus. Voilà donc un fait corroboré par les deux parties.

Le dossier est dans les mains de la justice. A suivre.

Thierry Turpin

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À la Une de Var matin le 15 novembre 2014
À la Une de Var matin le 15 novembre 2014

En gare de Toulon,une méprise vire à l’altercation

Un dossier de Sonia Bonnin, publié le 15 novembre 2014, dans Var matin

Une empoignade a éclaté, un jour de grève, dans un train express régional. Des passagers ont éjecté du wagon un resquilleur présumé… qui était en règle. Un contrôleur a porté plainte.

Mardi 4 novembre, matin de grève en gare de Toulon. Commence une très mauvaise journée pour Birame, 41 ans, qui prend son train quotidien pour aller travailler à Marseille.

Une méprise conduit à une altercation étonnante, au cours de laquelle Birame se fait éjecter manu militari par d’autres passagers. Sur ce point, les faits sont reconnus de part et d’autre. Et confortés par des témoignages directs (lire ci-dessous). Pour le reste, les versions de l’histoire divergent.

Tout commence avec le «dispositif accueil filltrage», selon le vocabulaire de la SNCF, dans le tunnel d’accès aux quais. Birame déclare avoir exhibé sa carte d’abonnement mensuel, avant d’être rappelé : «Monsieur, ce n’est pas le mois de novembre, mais d’octobre». Birame répond en s’éloignant «non, j’ai bien le mois de novembre» et monte sur le quai E. Le départ est imminent Les passagers viennent déjà d’être trimballés d’un train annulé à un autre.

«Il a forcé le passage»

C’est à ce moment que le drame se noue. La SNCF estime que le voyageur «a forcé le barrage et refusé de montrer son titre de transport.» Dès lors les agents SNCF veulent qu’il descende du train pour être contrôlé. Birame proteste. «J’ai un abonnement de travail, je suis en règle.» II est persuadé que, s’il descend, le train partira sans lui.

En fait, le TER ne partira jamais, à cause de l’incident. Excédés, d’autres passagers s’en mêlent. « Cela fait longtemps qu’on est passé au tutoiement, aux réflexions désobligeantes», relate Birame, qui dit montrer son titre sans que personne ne lui accorde crédit.

Puis un homme lui assène : «Garçon, tu descends ou je te sors par tous les moyens. » Ce qui sera fait par plusieurs voyageurs. Une femme se saisit de son cartable et le jette sur le quai.

Birame est soulevé par l’arrière. « Je n’arrive pas à savoir le nombre de bras qu’il y a sur moi. J’essaie de m’agripper, mais je suis descendu manu militari.»

Sur le quai, le « resquilleur désigné » hurle au scandale. Il essaie de changer de wagon. – «Je veux aller travailler. » Mais il est bloqué. Des passagers se seraient défoulés verbalement. « Bamboula ! C’est toujours les mêmes qui posent problème. Les cartes d’abonnement, on sait comment vous les payez. Avec nos impôts… »

Plainte(s) pour outrage

Birame est interpellé sur le quai par la police et conduit au commissariat.

Un contrôleur de la SNCF a déposé plainte pour outrage. Un fait que Birame reconnaît, mais au terme, selon lui, d’un enchaînement où les insultes ont été réciproques. Ce qui l’a conduit à déposer plainte également. Le jour de l’altercation, un médecin lui a délivré une incapacité totale de travail de cinq jours, pour une hémorragie dans un œil.

Les policiers ont constaté qu’il était en possession d’un titre de transport valide.

Le titre de transport de Birame (photo So. B.)
Le titre de transport de Birame (photo So. B.)

La SNCF « Pourquoi n’a-t-il pas montré son titre? »

« Après qu’il a forcé le passage, le passager est monté dans le train. Un contrôleur est monté pour lui demander son billet, expose le service communication de la SNCF en Paca. Mais celui-ci a refusé de le produire. Puis on lui a demandé de descendre du TER. Nouveau refus. »

La SNCF reconnaît que d’autres voyageurs ont été partie prenante dans l’incident. « Là, vraisemblablement, un client s’en serait pris au voyageur et l’aurait forcé à descendre sur le quai. Le monsieur a de nouveau essayé de monter dans le train. Et a été bloqué [par des agents SNCF]. »

La SNCF s’étonne que ce voyageur ait pu avoir un abonnement en bonne
et due forme. « S’il a un titre en règle, pourquoi ne le montre-t-il pas? », reconnaissant qu’il y a « vraisemblablement deux versions des faits ».

L’agent SNCF, un contrôleur, a porté plainte pour outrage, « en son nom propre ». La SNCF estime que « l’enquête établira de façon précise le déroulement des faits ».

Le soutien de deux témoins et de la Ligue des droits de l’Homme

Patricia, passagère du TER, explique qu’elle a entendu, ce matin-là, des éclats de voix et des insultes en tête de wagon. «Je vois que c’est un homme assis, encerclé par plusieurs personnes. Il est empoigné et tiré hors de son siège, il est jeté dehors avec son cartable

En tant que témoin, elle parle de « quatre ou cinq personnes contre un seul homme ». Elle n’a vu «aucun mouvement de violence, ni agressivité » de la part du voyageur mis en cause.

Elle s’interroge sur ces passagers qui « se sont sentis autorisés à jouer les justiciers, tandis que les personnes garantes de la sécurité n’ont pas joué leur rôle de médiateur ».

« Sortez-le, il n’a pas payé ! »

Une seconde passagère a voulu témoigner — également par écrit — en faveur de Birame, qu’elle a déjà croisé dans ce train matinal. Christine raconte « le rush vers la voie E » et « le barrage inapproprié des contrôleurs dans le tunnel ».

Une fois dans le train, elle entend des cris : « Sortez-le, il n’a pas payé !» Tandis que, sur le quai, des agents SNCF ou avec brassard orange « ne bougeaient pas ». « Quand je me suis approchée, on m’a demandé de ne pas m’en mêler. Personne ne lui demandait son titre de transport! », s’exclame-t-elle.

Témoins recherchés

La Ligue des droits de l’Homme apporte son soutien au voyageur. « Il y a
deux moments distincts
, note le président de la section locale de Toulon, Philippe Comani. Il y a d’abord la violence des voyageurs qui le mettent dehors. Puis il y a les insultes et les propos à connotation raciste.
Espérons que les caméras pourront montrer ce qui s’est passé, poursuit-il. La LDH Toulon souhaiterait recueillir d’autres témoignages de la scène. Pour apporter le vôtre, vous pouvez téléphoner au 06 21 63 40 88 ou envoyer un courriel à ">.

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